vendredi 4 avril 2008

Exercice de communication

Le Canard Enchaîné en son n°4511 du mercredi 11 avril 2007, révélait, en page 4, que le Quai d'Orsay avait réglé à une société de communication une note de 122 000 euros pour financer la formation accélérée de monsieur Xavier Darcos, alors ministre délégué à la Coopération et au développement. Cette information est reprise par un article du site politique.net.

Monsieur Darcos a donc appris à gérer son image avec toute l'efficacité requise. Il ne devrait donc plus renvoyer l'image vieillote (que je lui attribuais) de l'inspecteur en visite détaillant avec componction, et en regardant sa montre, les passionnants articles de la dernière circulaire de l'Inspection Générale, devant un parterre d'enseignants somnolents, et qui regardent leurs montres. En général, on pouvait me trouver au pénultième rang échangeant quelques remarques laconiques mais pertinentes avec ma voisine (comme me l'a fait remarquer un collègue mathématicien, compte tenu de l'irrémédiable féminisation du métier, dans ces réunions, la probabilité est beaucoup plus forte, pour un monsieur, d'avoir une voisine pour voisin que d'avoir un voisin pour voisine).

Cela n'empêche que la bonne vieille technique, qui consiste à faire suivre une (non) réponse à une question gênante d'une attaque biaisée sur un autre sujet, semble toujours utilisée par notre spécialiste en communication.

Sur les suppressions de postes, elles ont été "largement discutées depuis août" et votées par le Parlement en novembre. Pas question de revenir là-dessus, on ne critique pas la démocratie parlementaire (surtout quand elle aboutit à n'importe quoi). Monsieur Darcos recommande aux lycéens de "ne pas poser tout ça en termes mathématiques". Effectivement, ce n'est pas de la mathématique, c'est de la cuisine (et pas gastronomique): les rectorats moulinent en "temps réel" toutes les données récoltées à l'aide de coefficients, de seuils d'ouverture, de seuils de fermeture, taux de ceci et taux de cela, et j'en passe, pour "ajuster" les suppressions de la manière la plus "scientifique" possible. (voir quelques aperçus ici*)

Sur l'ampleur du mouvement, il faut minimiser. Dire haut et fort que moins de 2% des lycées du territoire sont touchés, mais laisser Liberation.fr préciser que 20% des lycées d'Ile-de-France le sont.

Pour communiquer, il faut savoir poser "un geste fort". Rencontrer les lycéens? La semaine prochaine. Ce qui est beaucoup plus efficace, c'est de se déplacer. Par exemple au rectorat de Créteil, où ont eu lieu des incidents. On en profitera pour condamner fermement les agissements de 150 ou 200 personnes, que l'on distinguera (avec assez peu de conviction) des milliers de lycéens qui expriment leur inquiétude (il fallait que ça vienne, l'inquiétude des jeunes…)

Et pendant que nous y sommes, fronçons les sourcils en direction des enseignants. Après tout, c'est auprès des enseignants que monsieur le ministre a le plus d'autorité, non? Monsieur Darcos a donc profité de son déplacement à Créteil, bien en situation, devant les fenêtres brisées, je suppose, pour s'adresser "à certains professeurs extrémistes" et leur faire la leçon: Réfléchissez "au risque qu’il y a à jeter des élèves dans la rue", réfléchissez bien!

Des professeurs extrémistes, je n'en ai jamais rencontré beaucoup, pas assez pour "jeter" 6.700 lycéens dans la rue (à la manifestation parisienne selon la police, de 17.000 à 20.000 d'après les organisateurs).
 
Monsieur Darcos veut peut-être parler des syndicats enseignants (on ne sait jamais, le langage évolue, on redira sans doute bientôt "les rouges"). En ce cas, il devrait se renseigner auprès de ses services sur le taux de syndicalisation dans l'éducation nationale, sur l'influence des syndicats présents et sur leur "extrémisme"…

A moins que monsieur Darcos ne dise cela comme ça, parce laisser entendre à ses futurs interlocuteurs que l'on considère qu'ils sont manipulés, ça détend l'atmosphère…


* Merci à Françoise de m'avoir signalé ce lien.


PS1: Avec un à-propos étonnant, le ministère a publié il y quelques jours le palmarès des lycées qui a permis au Figaro.fr de placer à sa une: "Résultats au bac: les lycées privés devancent le public."
Ça n'a aucun rapport.

PS2: Puisque j'ai décidé d'aller promener mon marsupilami brodé à la machine (meunon, Flo Py, pas à la main…) sur le boulevard de l'Hôpital, derrière un drapeau noir (ou mieux noir et mauve, si je le trouve), il n'y aura aucun bruit dans l'escalier ce ouiquennede.

PS3: Ce soir, chez mes voisins: Centre social Élisabeth, 124-126 Bld de Belleville, métro Belleville.
"LES VOIX DE BELLEVILLE 2008" et "PAROLES DE SANS PAPIERS". En ouverture de l’initiative régionale "Paroles et mémoires des Quartiers Populaires 2008": Projections et installation vidéo de rue.
Programme détaillé en suivant le lien.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah la la. Toutes ces nouvelles me donne envie de me vêtir en veuve corse et d'entonner des chants funéraires.
Bouh.
Kiki :-)

Guy M. a dit…

Les chants corses me donnent envie de mourir rien que pour pouvoir les entendre...

Mais j'ai identifié à coup sûr ma première hirondelle hier, alors je prends sur moi, je sursois (?).

Anonyme a dit…

http://www.politique.net/2008040302-education-etat-cree-des-classes-dans-le-prive.htm

Encore une bonne nouvelle. A-t-on "communiqué" au ministère à ce sujet ?

Guy M. a dit…

Merci de cette information qui tombe à pic!
Le privé était en si mauvaise posture, on comprends bien qu'il faut faire quelque chose.
Il n'y a pas eu de communication de la part du ministère (du moins à ma connaissance...)

Anonyme a dit…

Aperçu l'autre soir Monsieur Darcos, portant des lentilles de contact sans doute pour mieux se rapprocher du "monde éducationnel", dans l'émission de Canal +, "Le grand journal".

Il s'est fait ridiculiser et le public l'a fort irrespectueusement sifflé. Des progrès à faire encore en communication !

http://youtube.com/watch?v=DMnNn3gdAOU

Guy M. a dit…

Le port de lentilles peut déstabiliser, effectivement, et sous le feu des projecteurs ça doit être pire encore.

Le service com du ministère doit râcler les fonds de tiroirs pour un stage d'approfondissement pour le patron...