mercredi 21 avril 2010

Les affaires reprennent sans précipitation

D'après mes sources, aussi indignes de foi que d'habitude, on aurait vu monsieur Eric Besson sourire.

Il souriait, non à cause de sa nomination comme lauréat du prix du Colonialiste de l’année 2010*, où il a devancé ses concurrents immédiats, messieurs Guéant et Bolloré et madame Morano, mais parce que la reprise progressive du trafic aérien à partir des aéroports européens, donc français, signifie évidemment la très prochaine reprise des expulsions par voie aérienne.

Car il faut bien reconnaître que ce terrible nuage d'origine islandaise, qu'il semblait impossible de reconduire, ou même de seulement maintenir, à la frontière, a fait prendre du retard sur les prévisions. Monsieur Besson ne manquera pas de nous faire part, quand il le souhaitera, de la manière dont son ministère a su faire face à cette crise.

Mais c'est reparti...

Du côté des préfectures, on doit s'échiner à obtenir des places prioritaires pour faire face aux expulsions d'urgence.

C'est peut-être le cas à la préfecture du Tarn, où l'on trouve absolument nécessaire de procéder à la "reconduite à la frontière" de Patricia John, maintenue en rétention depuis le 16 avril au CRA de Cornebarrieu.

Patricia John, qui a 28 ans, est née au Liberia, et elle est venue en France il y a 7 ans. A Paris d'abord, où elle a rencontré son ex-mari, ressortissant français, puis à Castres où le couple était venu s'installer, et où Patricia a fini par ouvrir un salon de coiffure afro voici trois ans.

Le divorce a été prononcé début mars, et son changement de statut marital a fait d'elle une indésirable faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Début avril, elle a déjà été placée en rétention, puis libérée.

A la mi avril, elle est convoquée au commissariat de Castres et de nouveau arrêtée, et de nouveau placée en rétention.

La préfecture, contactée par La Dépêche, parle un langage de préfecture:

Pour Eric Maire, secrétaire général de la préfecture du Tarn : «Même si elle a été remise en liberté une première fois, le tribunal administratif a confirmé l'arrêté de reconduite à la frontière. Il ne s'agit pas de se précipiter. On va regarder ce dossier de près mais il semble bien qu'en l'état, cette jeune femme n'ait plus droit à un titre de séjour vu son changement de situation familiale.»

Ne pas se précipiter, c'est probablement enfermer cette jeune femme deux fois en quinze jours.

Patricia John dans son salon de la rue d'Empare, à Castres.

Lundi soir, deux cents personnes, "amis, proches et voisins de Patricia, représentants associatifs, partis politiques, élus locaux et régionaux…" se sont rassemblés devant la sous-préfecture de Castres pour demander la libération de Patricia John, et le réexamen de sa situation.

Si l'on en croit l'article de LibéToulouse, mis en ligne en début de soirée, Patricia, qui refuse de s'alimenter depuis jeudi, aurait été conduite ce matin au consulat du Liberia à Paris, qui aurait confirmé sa nationalité, cette confirmation étant la "dernière étape administrative avant l’embarquement pour Monrovia".

L'article se termine par cette annonce:

Le comité de soutien de Patricia, composé d’associations et d’élus appelle à un rassemblement devant la sous préfecture de Castres ce mercredi 21 avril à 18h. Il remettra à cette occasion les 5000 signatures déjà recueillies sur le site : http://amoureuxauban.net

Un clic et une signature qui rejoindra les 6056 déjà enregistrées.


Ajout du 22/04:

La Dépêche donne ce matin, sous la signature de Sylvie Ferré, des informations qui contredisent en partie celles que donnait J.-M. E. dans Libération-Toulouse.

Si Patricia a bien été emmenée (par avion !) à Paris et "conduite l'ambassade du Libéria, en vue de l'obtention d'un visa pour son expulsion", le Libéria ne l'aurait pas reconnue comme l'une de ses ressortissantes et aurait refusé de lui délivrer un visa.

Cette annonce a été faite par madame Jeanne Jimenez, conseillère régionale, aux soutiens de Patricia rassemblés, hier soir, devant la sous-préfecture de Castres.

Patricia John devient donc de fait une étrangère indésirable mais inexpulsable.

Bienvenue en Absurdie !



* Soyons nombreux, le 27 Avril à 11h devant le ministère de l’immigration et de l’identité nationale à assister à la remise du casque colonial qui lui a été justement décerné. (Communication du collectif « Sortir du Colonialisme »)

4 commentaires:

cyclomal a dit…

Sur l'article de la dépêche du midi mis en lien dans votre article, un facétieux patriote positive la situation.

Toute auto-référence reste prohibée par la net-étiquette, mais la règle ne vibre que par ses exceptions, mille pardon...

Guy M. a dit…

Il faut toujours positiver, il paraît que c'est bon pour la reprise.

cyclomal a dit…

Malheureusement, le patriotisme se réduit comme peau de chagrin, vous pouvez le vérifier ce matin. Même le figaro refuse des propositions de bon sens comme venant d'un fatal flatteur ou d'un ultra bourré: Ce pays va décidément mal.

Guy M. a dit…

Ce mal de pays m'a tenu éloigné du Figaro ces derniers temps...

Mais j'aurai bien l'occasion de me rattraper, je pense.