Monsieur Éric Besson, entre autres talents plus ou moins publics, possède celui de savoir faire un juteux profit de ses déconvenues, voire de ses échecs.
On connaissait depuis longtemps l'histoire de son plantage au concours d'entrée de l'ENA, dont il avait su faire une annonce remarquée d'offre d'emploi dans le Monde en empruntant quelques sous à sa grand-mère. Il a fallu attendre ce premier avril pour découvrir le joli poisson que Pascal Riché, rédac'chef de Rue89, a ferré dans les archives de l'INA, et mis en ligne sur son blogue. On peut y voir "Éric Besson, jeune chômeur cherchant du travail" expliquer comment il s'est "vendu" après son échec.
Ces précieuses images, au charme un peu désuet, apportent un démenti cinglant aux allégations mal fondées du sieur Stéphane Guillon, membre du "personnel" de Radio France. Monsieur Éric Besson n'a pas du tout le profil idéal du traître du théâtre élisabéthain, il a tout simplement une parfaite tête à claque de deuxième de la classe.
Dans son exaltant travail très républicain de ministre des Expulsions, monsieur Éric Besson ne cesse de prendre des claques qu'il encaisse avec un admirable dévouement à la chose publique depuis qu'il est entré en fonction.
Cependant, les plus difficiles à encaisser sont celles qui suivent la prise de décisions exemplaires et spectaculaires: le désaveu par les instances juridiques concernées. On l'a bien vu après le prétendu démantèlement de la "jungle" de Calais ou après la mise en rétention des Kurdes arrivés à Bonifacio...
Faut croire que notre ex-candidat à l'ENA est fâché avec les règles du Droit.
Au prétexte de la nécessité de "transposer dans le droit français la directive "retour" adoptée en 2008 par le Parlement européen", laquelle directive porte déjà, pour les intimes, le doux nom de "directive de la honte", monsieur Besson a décidé de plancher sérieusement sur la question et d'en profiter pour retailler la loi de manière à simplifier ce que l'on appelle "les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière".
Bonne occasion de refaire le Droit.
Il a rendu sa copie au cours du conseil des ministres du 31 mars.
Le jury, présidé par monsieur Nicolas Sarkozy, lui a décerné une fort honorable mention en adoptant son projet de loi.
Il faut dire que notre besogneux recalé a fait beaucoup d'efforts pour ne rien oublier et mériter les félicitations du jury. Avec ce texte "totalement ficelé", pour reprendre l'une de ses heureuses expressions, il assène une baffe magistrale aux droits des étrangers.
Qui n'auront plus qu'à prendre l'avion.
Ficelés ou non.
Comme je n'ai même pas raté l'ENA, je ne suis pas assez sérieux pour entrer dans les détails de ce projet de loi scélérate. Je préfère vous envoyer vers la présentation de Laetitia Van Eeckhout, dans LeMonde.fr, ou les billets, d'hier et de ce jour, de Catherine Coroller, sur son blogue, ou encore l'analyse signée de Christophe Deltombe, président d'Emmaüs France, François Soulage, président du Secours catholique, et Patrick Peugeot, président de la Cimade.
Sans attendre, hier, des organisations et associations ont voulu réagir à ce texte, en publiant le communiqué suivant:
Sous couvert de conformer le droit français des étrangers à trois directives européennes, le gouvernement a adopté le 31 mars 2010 un nouveau « projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité » (le sixième depuis 2002).
Derrière la technicité du texte se cachent des dispositions qui portent une atteinte grave aux droits des migrants.
Du seul fait de leur arrivée, les étrangers dépourvus de documents, même demandeurs d'asile, se trouveront ipso facto en zone d'attente, c'est-à-dire enfermés et privés de l'essentiel de leurs droits.
La création de l'« interdiction de retour », qui pourra frapper tout étranger en situation irrégulière, institue un véritable bannissement des territoires français et européen. Conjoints de Français, travailleurs, résidents en France depuis de longues années y seront exposés.
En portant la durée de la rétention à 45 jours, en repoussant l'intervention du juge des libertés, en réduisant son pouvoir de contrôle, le gouvernement banalise l'enfermement des étrangers et organise l'impunité de l'administration.
De multiples obstacles réduisent le droit d'asile à une peau de chagrin. De plus en plus de persécutés en quête de la protection de la France verront leur demande examinée de manière expéditive.
Ainsi, avec ce projet, le gouvernement tourne-t-il le dos à la devise de la République...
Les premiers signataires:
ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Amnesty International (France), ANAFE, FASTI, Fédération SUD Education, FSU, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives, GISTI, la Cimade, LDH, MRAP, RESF, Réseau chrétien – Immigrés, Secours catholique, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, UNEF.
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