Afin de rester dans la tonalité du "point de vue" intitulé Littératures de vespasienne que le très sérieux journal Le Monde vient de publier sous la signature de monsieur Michel Onfray, il faudrait peut-être commencer en disant que notre universitaire populaire vient de livrer au public sa dernière production - dans ce domaine, il est d'une très grande régularité, quasi quotidienne -, sous la forme de cette diarrhée verbale lâchée de très haut par son esprit qui vole...
La gent ailée n'étant, on le sait, équipée que d'un seul orifice postérieur - appelé cloaque - permettant d'évacuer les urines et les fèces, et éventuellement, si le besoin s'en fait sentir, de se reproduire, il serait plus juste de parler, dans son cas, de fiente.
On pourrait donc aller jusqu'à dire, en adoptant le point de vue coprophilique qui semble s'imposer pour en juger, que dans les productions de monsieur Onfray, et particulièrement dans celle-ci, il y a à boire et à manger.
est le seul mammifère connu possédant un cloaque.
(Vieille taupe moi-même, j'ai bien creusé la question.)
Ces considérations, à peine esquissées, je le reconnais, nous permettraient de brasser une riche matière (à réflexion) dans un domaine fort peu exploré par la philosophie, malgré l'appel à une véritable ontologie lancé autrefois par la voix étranglée d'Antonin Artaud: «Là où ça sent la merde ça sent l'être.» (Pour en finir avec le jugement de Dieu, enregistré en 1947, publié en 1948.)
Mais, n'en jetons plus, la fosse est pleine.
Et retrouvons le grand style, à la puissance d'évocation inégalée, de monsieur Michel Onfray:
Jadis, dans les latrines, on pouvait lire sur les murs des graffitis dans lesquels s'exprimait toute la misère sexuelle du monde. Pas besoin d'une sociologie très appuyée pour saisir ce qui travaille l'âme du quidam au moment de sacrifier aux nécessités des sphincters : on se vide, on se lâche, on éclabousse avec les remugles de son animalité et l'on grave ses cogitations dans le marbre d'une porte en bois... On a les rostres qu'on peut ! Aujourd'hui, cette fonction a quitté les toilettes publiques, désormais entretenues comme un bloc opératoire, pour rejoindre des lieux guère plus recommandables : les commentaires postés au pied des articles sur les sites Internet. C'est en effet là qu'on trouve l'équivalent des littératures de vespasiennes d'hier...
Je suis un peu perplexe, à dire vrai, devant cette "sociologie très appuyée" dont on pourrait se passer. Peut-être me serait-elle nécessaire pour bien comprendre la belle image des éclaboussures "avec les remugles de son animalité" qui vient couronner une courte rafale dépréciative de nos fonctions corporelles. Cela doit relever d'un hédonisme "très appuyé".
Avant d'en venir à l'explication de ce qui a motivé, chez notre auteur, cette belle envolée, il nous faudra subir deux paragraphes où il est plaisant de le voir jouer, à la perfection, le petit père-la-morale fustigeant les commentaires anonymes, ou sous pseudonymes, permettant "d'un simple clic" de "laisser libre cours à ses passions tristes, l'envie, la jalousie, la méchanceté, la haine, le ressentiment, l'amertume, la rancœur, etc."
Bilan (provisoire) de notre censeur:
L'anonymat d'Internet interdit qu'on puisse un tant soit peu espérer un gramme de morale. A quoi bon la vertu puisqu'ici plus qu'ailleurs on mesure l'effet de la dialectique sadienne des prospérités du vice et des malheurs de la vertu ?
La référence à Sade n'éclaire peut-être pas grand chose, mais elle peut éblouir le lecteur qui trouve ça très classieux.
Enfin, j'en suis resté baba.
Après avoir délesté ses tripes de ce premier commentaire sur les commentaires, monsieur Michel Onfray nous apprend que sa flamboyante diatribe moralisatrice a été provoquée par la consultation qu'il a faite "sur [son] iPhone" des commentaires postés à la suite d'un article sur le dernier livre de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, édition L'Olivier, 2010.
Il ne cache pas tout le bien qu'il pense de ce livre où il voit "un texte qui mélange le style sec de Stendhal, l'information de Zola, la vitesse de Céline", oubliant que pour défendre efficacement un auteur, il faut tout de même rester crédible...
Mais il tient à revenir aux "nains" qui "éructent en postant leurs commentaires".
Si son indignation n'est pas feinte, notre heureux possesseur d'iPhone doit être un novice, car le résumé qu'il nous en donne ne dépasse pas la dose d'ineptie qu'on y trouve habituellement.
On voit bien, cependant, que c'est trop pour monsieur Onfray qui conclut dans un délire d'une grandiloquence très spectaculaire:
Le commentaire anonyme sur Internet est une guillotine virtuelle. Il fait jouir les impuissants qui ne jubilent que du sang versé. Demain est un autre jour, il suffira de regarder un peu cette télévision qu'on prétend détester mais devant laquelle on se vautre pour trouver une nouvelle victime expiatoire à sa propre médiocrité, à sa vacuité, à sa misère mentale. En démocratie, le mal est relativement contenu.
Dans un régime totalitaire, ce cheptel permet de recruter les acteurs de l'"effroyable banalité du mal" - pour utiliser entière cette fois-ci l'expression d'Hannah Arendt.
Il ne nous épargne même pas une reductio ad Hitlerum implicite...
PS: Avant de prendre au sérieux, comme le fait notre philosophe, ces imbéciles commentaires qui traînent partout, il faudrait peut-être songer à les étudier de près, sans préjuger de leur "analité". Pour le coup, la sociologie, pas forcément "appuyée", aurait son mot à dire.
12 commentaires:
L'anonymat... De toute façon, que ce soit le "vrai" nom ou le nom de plume, cela revient au même : on ne connait pas personnellement cette personne. Alors que ce soit son "vrai" nom ou son nom de plume...
Comme dans les relations épistolaires, est-ce que c'est si important de savoir ? Et est-ce qu'il est souhaitable de savoir ?
1) L'interactivité provoque ou pour le moins est homogène avec une équivalence généralisée des discours : les mots résultant d'un travail théorique pluri-décennal valent tout autant que ceux du quidam agacé par un "point de vue".
2) Cette équivalence généralisée des discours permet d'échapper à la validation par les pairs et aux exigences qu'elle implique. L'auto-proclamation devient possible. Ainsi émergent des philosophes et autres "grands" intellectuels médiatiques.
3) Amuseurs, bonimenteurs publics, ils souffrent de ne pas avoir le statut d'un Deleuze, d'un Foucault, … ou d'un Beuve-Méry. Leur blessure narcissique est profonde.
4) Il ne leur reste plus que le recours à la morale pour inviter les autorités à "réguler", limiter ou détruire ce qui les a fait rois … de pacotille.
@ Anonyme,
Pour être tranquille, j'ai pris mon vrai nom comme pseudo, et comme ça: ni vu, ni connu, j'embrouille l'Onfray...
@ Ben Adeb,
Il doit y avoir une faille, parce qu c'est trop beau...
Bonsoir,
c'est marrant mais depuis que Monsieur Onfray badine publiquement, je n'ai jamais lu une seule analyse graphique des photos le représentant. Pourtant, elles valent presque toutes le détour. Les premières, qui selon moi révèlaient déjà l'in-posture, étaient prises dans la brume qui se dégageait d'un lac. Cet élégant personnage portaient un duffle-coat sombre (qui ne l'a pas vraiment quitté depuis) dont la capuche habilement ajustée donnait l'impression d'une grande sagesse Jedi.
Après j'ai lu son traité d'athéologie et surtout la réponse d'Irène Fernandez (Dieu avec esprit)...
Cordialement,
hatori.
Je me souviens d'une série de photos, très posées, parues il y a quelques années dans le Figaro Magazine. Malheureusement, je ne les ai pas retrouvées sur la toile (mais je n'ai pas beaucoup cherché non plus).
La BécHamèLisation d'Onfray se confirme tous les jours un peu plus, si il tient à y ajouter la Zemmouritude, c'est son problème...L'interruption du transport aérien devrait un temps calmer ses éructations mais comptons sur lui pour renaître de ces cendres, scorie qu'il est lui-même.
Que font les entarteurs, ces terroristes qui seuls ont trouvé la bonne hauteur pour critiquer les éternels nouveaux maîtres de la pansée?
Mais je retire tout ce que je viens de dire, j'ai vu passer l'ombre du canard WC!
Onfray, On du matin, On qui souffle à travers les grands vains...
Ce néo-nouveau philosophe en formation est en soi un phénomène passionnant à observer, ce que j'ai pu faire grâce à sa tribune hebdomadaire dans Siné-Hebdo ( en phase terminale, mais je me garderai ici de faire le rapport )
On lui doit une réfutation de la philosophie sartrienne basée sur le fait que celui-ci fumait, ainsi que l'invention du plus bel oxymore de ce début de siècle: le capitalisme libertaire ( ce qui est encore mieux qu'"université populaire" )
J'ignore comment il s'y prend ( dans son livre ) pour réfuter Freud, mais son argumentation ( dans SH ) se limitait à des on-dit, ragots et autres bruits de couloir.
Il faut ajouter sa participation déterminée au Djihad anti-burqa et son soutien résolu au féminisme moraliste.
Bref, il sera intéressant de voir comment il s'y prendra pour piquer la place de philosophe officiel, qui risque d'être vacante sous peu pour cause de bourdes à répétition....
@ Cyclomal,
J'ai bien peur que l'on ne nous serve de l'Onfray à toutes les sauces ces jours-ci: aujourd'hui doit paraître sa grande réfutation du freudisme.
(Les entarteurs pourront le trouver aisément.)
@ Yelrah,
...ben, je donne ma langue au chat...
@ Tadbrenn,
On voit par là que ce philosophe a beaucoup de ressources.
Et c'est un grand travailleur: pour s'attaquer à Freud, il a tout lu, et il est tombé de sa chaise:
http://www.liberation.fr/societe/0101630706-je-suis-tombe-de-ma-chaise
(Je n'irai pas jusqu'à dire que cela devait être une chaise percée: cela aurait été tout juste acceptable dans Siné Hebdo.)
eh bien moi j'ai fait un rapport sur sa dernière chronique dans Siné-Hebdo où il fait découler Hitler de Hegel, si, si!
http://la-feuille-de-chou.fr/?p=8792
Merci pour le lien.
Cela éclaire bien le méthode selon Onfray.
j'emmerde Onfray :-)
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