jeudi 15 avril 2010

Le coup de l'escalier

On en viendrait presque, en vieux nostalgiques du bon vieux temps, à regretter l'époque révolue où les policiers, préposés à l'accueil de proximité dans les commissariats, n'avaient pas droit aux traces.

Il paraît que les annuaires téléphoniques faisaient merveille, mais, on le sait, dans les années 1980, les bottins furent hélas ! remplacés par des minitels. Il fallut s'adapter, et les plus anciens d'entre nous se souviennent d'une note de service, en date du 1er avril 1983, qui entendait réglementer strictement l'usage de ce nouvel instrument, afin d'en limiter la casse.

Bien sûr, les annuaires n'ont pas totalement disparu, mais l'administration, dans un souci d'économie des ressources de la planète, les préfère de format réduit, ce qui en rend le maniement malaisé.

Existait aussi en rose.

Se disant victime d'une "usurpation d'identité", un certain Philippe C., au lieu d'en prendre une autre en ouvrant le bottin au hasard, s'est rendu mardi dernier au commissariat pour porter plainte.

Il semble que son accueil ait laissé quelques traces...

Il a été admis mardi soir à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, dans le Val-de-Marne, "dans un état jugé très sérieux". Hier matin, on apprenait qu'il était dans le coma.

Les seules informations dont nous disposions sont celles qui émanent des "sources policières", et qui sont données dans la dépêche de l'AFP.

Selon la police, [Philippe C.] était dans un «état de surexcitation», et le ton serait rapidement monté avec un agent du commissariat que l'homme aurait frappé.

Il y aurait ensuite eu une bousculade avec d'autres policiers venus en renfort et l'homme, selon les premiers éléments de l'enquête, serait tombé dans un escalier du commissariat central avec trois policiers tentant de le maîtriser.

Après cette chute, il a été transporté au service d'investigation (Sarij) de l'arrondissement, un peu plus loin, où il aurait fait, d'après l'IGS, un malaise sur un banc.

(SARIJ: Service d’accueil, de recherche et d’investigation judiciaires;
IGS: Inspection générale des services.)

On peut trouver une version légèrement différente dans l'article d'Adrien Cadorel pour Métro:

Au gardien de la paix qui le reçoit, Philippe C. présente son passeport et explique vouloir déposer une plainte pour usurpation d’identité. Selon les policiers, Philippe C. aurait alors porté un coup de poing au gardien de la paix. Un second fonctionnaire tente de le ceinturer. Les trois hommes se retrouvent au sol puis dévalent trois marches d’escalier.

Philippe C. est ensuite menotté. Blessé au crâne, il est conduit en voiture au commissariat de la Goutte-d’Or. Arrivé au troisième étage de l’hôtel de police, le trentenaire s’effondre, victime d’un malaise.

Il ajoute que "les deux policiers, examinés à l’Hôtel-Dieu, se sont vus délivrer deux et trois jours d’arrêt de travail", et qu'ils "ont déposé plainte contre Philippe C. pour violences volontaires".

Profil du coupable.

Dans l'état où l'escalier l'a mis, Philippe C. n'a pu porter plainte contre qui que ce soit. D'ailleurs, il n'y a sans doute pas lieu d'y songer, tant la version dont nous disposons semble limpide.

C'est d'ailleurs l'avis du second syndicat des gardiens de la paix, qui "à la lecture des faits relatés, ne perçoit aucun élément qui pourrait justifier une accusation pour violences illégitimes, faute professionnelle ou négligence des policiers intervenants".

Par ailleurs le syndicat trouve "choquants" les propos de monsieur Daniel Vaillant, maire socialiste du XVIIIème arrondissement, qui a eu le mauvais esprit de "prendre acte et de s'inquiéter du nombre d'incidents constatés récemment dans des commissariats du XVIIIème".

La réaction de madame Alima Boumediene-Thiery, sénatrice de Paris (Verts), a été moins tiédasse que celle de monsieur le maire: elle a décidé de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), "afin de déterminer la responsabilité de chacun, et notamment l'incidence de l'absence de prise en charge de M. Philippe C. par un médecin après sa chute".

Elle se permet même de rappeler "qu'en vertu de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, une enquête indépendante, impartiale et rapide, doit être menée lorsqu'une personne sous la responsabilité des forces de l'ordre à subi des violences ou une atteinte à son intégrité physique".

Avec le communiqué du NPA, c'est l'escalade:

"Régulièrement il y a des incidents qui se traduisent trop souvent par des passages à tabac dans les commissariats du XVIIIe, arrondissement marqué par ailleurs par l'assassinat du jeune Makomé d'une balle dans la tête en 1993 par un policier qui jouait à la roulette russe", poursuit [le communiqué], dénonçant la "toute puissance policière dans un des arrondissement les plus populaires de Paris".

Le NPA, qui se demande si cet incident est une "bavure policière de plus", "exige que toute la lumière soit faite sur ce qui s'est passé mardi soir".


La référence à Makomé n'est pas des plus judicieuses, mais il arrive que les déclarations du NPA soient marquées d'un étonnant maniement du principe selon lequel "tout est dans tout, et réciproquement"...

Et puis, franchement, il faut être singulièrement malveillant pour insinuer qu'on a encore le temps de jouer à la roulette russe dans les locaux de la police.

Quant au mot "bavure", il est d'un ringard !

On notera que monsieur Vaillant, qui, en tant qu'ancien ministre de l'Intérieur, est du métier, parle d'incident.

Un incident post-traumatique, en quelque sorte.

A la suite de cette affaire, et sans préjuger des résultats de l'enquête en cours, on peut s'attendre à l'annonce très prochaine de la suppression de tous les escaliers dans les lieux où notre police de proximité accueille le public.

Au moins, les personnes handicapées s'en réjouiront.


PS: A l'heure où je vais faire clic sur "Publier le message", France-Soir annonce que, "selon une source policière", Philippe C., désigné par "l'homme blessé mardi soir au commissariat du XVIIIe arrondissement de Paris", serait sorti du coma en début d'après-midi et serait toujours hospitalisé à Henri Mondor.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

hilarant !

Guy M. a dit…

Sans blague ?