lundi 23 novembre 2009

Les déguerpis de Bamako

Il y eut autrefois un ministère ou un secrétariat d'Etat à la francophonie. A sa création, il fut attribué à monsieur Alain Decaux, académicien Français et éminent conteur radiotélévisé des histoires de l'Histoire.

Les charges de ce dispositif gouvernemental ont peut-être été reversées sur divers autres ministères ou sous-ministères, mais il est évident que l'homme de la situation me semble être actuellement monsieur Eric Besson qui se distingue par son attention et son attachement indéfectibles à la langue française.

En témoignent le soin particulier qu'il apporte à éradiquer de la langue commune des mots et expressions comme "rafle", "expulsion", "camps de rétention" ou "délit de solidarité", mais également le niveau de maîtrise de notre langue qu'il exige des candidats à une carte de séjour dans notre pays.

Ira-t-il jusqu'à décréter illégal l'usage de mots et expressions issus de la francophonie ? Je n'en sais rien, mais, de sa part, on peut s'attendre à tout.

Éminent spécialiste de la gestuelle francophone et franchouillarde.

Le mot "déguerpissement" aurait pu lui plaire, et, en étendant un peu le sens qu'il a pris en Afrique subsaharienne, où il désigne une expulsion locative ou une expropriation, il aurait pu l'utiliser en lieu et place du mot "expulsion" ou de l'expression "reconduite à la frontière" popularisée par son prédécesseur monsieur Hortefeux. Car il est indubitable que son oreille musicale affinée aurait pu reconnaître qu'un "déguerpi", cela sonne mieux qu'un "reconduit à la frontière".

Mais ce mot ne fut même pas utilisé pour l'évacuation de la "jungle" de Calais...

Monsieur Besson devrait songer à co-développer son vocabulaire.

Image d'un déguerpissement en cours, en Côte d'Ivoire.

Pour s'en tenir au sens actuel du terme en Afrique francophone, un déguerpissement, souvent décrété sous prétexte de salubrité publique, est, tout aussi souvent, le prélude à une opération immobilière à la limite de la légalité.

Dans la Commune I du District de Bamako, à Kognoumani, 84 hectares de parcelles occupées par des concessions familiales ont ainsi été "libérés" de leurs habitants sur décision de la mairie.

Des recours en justice ont été introduits par les expropriés, et dans l'attente d'une décision, tous les travaux sur le site sont, en principe, suspendus.

Pourtant, il semble bien que la mairie de la Commune I ait déjà procédé à une réaffectation des parcelles. A cela, l’Union pour la coordination des associations pour le développement et la défense des droits des démunis (UCADDDD*) a décidé de s'opposer.

Devant la mauvaise volonté de la police dans l'exécution de ses ordres, la mairie aurait recruté et armé une milice pour protéger la zone...

Le quartier de Kognoumani

Le dimanche 15 novembre, sur le site de Kognoumani, des éléments de cette milice se sont trouvés en face de militants de l'UCADDDD qui tenaient une réunion, et ont ouvert le feu. Issa Diarra, père de quatre enfants, atteint d'une balle de pistolet, est mort dans la soirée.

Selon le récit d'Info-Matin:

Sur place, la foule s'est ruée autour du groupe de malfrats ; histoire, dit-on, de mettre l'auteur du crime hors d'état de nuire. Il sera alors maîtrisé par la foule. L'arme du crime a été saisie et la foule furieuse est parvenue également à saisir les pièces d'identité des trois délinquants constituant le gang. On rapporte dans le milieu que parmi les malfrats, il y avait deux porteurs d'uniforme. Le présumé assassin, copieusement tabassé par la foule, a lui aussi été admis à l'urgence de Gabriel TOURE par les sapeurs pompiers avant d'être enlevé, quelques heures après, par des agents de la mairie de la commune I, selon les témoignages que nous avons recueillis auprès des membres de l'association des propriétaires de parcelles spoliées de la localité.

Le tireur, Ousmane Coulibaly, a été arrêté par la police le mardi 17 novembre.

Est-ce pour faire bonne mesure qu'avant lui trois militants de l'Union avaient été arrêtés ?

Interrogée par la presse, madame Konté Fatoumata Doumbia, maire de la Commune I, a déclaré:

"Personnellement, je n’ai rien à me reprocher."

Devant l'Ambassade du Mali, à Paris, le 19 novembre.
(On peut reconnaître Albert Jacquard.)


Le 19 novembre, à l'appel de No-Vox, Droit au Logement (DAL), Habitant International Coalition (HIC), une trentaine de personnes se sont rendues en délégation à l'Ambassade du Mali, rue du Cherche-Midi, à Paris.

Ils ont attendu, personne ne les a reçus.

Ils ont promis de revenir**


* Des éléments sur l'action de l'Union peuvent être consultés sur le site de No Vox.

** Rassemblement de solidarité avec Bamako en lutte devant l’ambassade du Mali MERCREDI 25 NOVEMBRE A 11 HEURE 89 rue du Cherche Midi. M° Saint Sulpice ou Vanneau.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

merci pour intiresny Dieu

Guy M. a dit…

... de rien.

JBB a dit…

A force de se focaliser sur les dégueulasseries bien de chez nous (voilà une belle constituante de l'identité nationale, d'ailleurs), on oublie qu'il s'en déroule tout autant - voire pis - ailleurs, sans que personne n'en parle jamais. C'est d'autant plus précieux que tu le fasses :-)

Guy M. a dit…

On a sûrement beaucoup à apprendre des Sans Voix d'Afrique...

Mais c'est vrai qu'ici, on ne les entend pas beaucoup.

JR a dit…

A propose de je n'ai rein à me reprocher, je t'ai trouvé une saine et bien gerbante lecture chez notre "mai" Besson :
http://www.immigration.gouv.fr/IMG/pdf/1125-CondamnationActeDiffamationSsPrefCalais.pdf

Guy M. a dit…

Pour le coup, c'est une saine lecture...

Merci de l'avoir signalée: le Besson d'automne étant prolifique, on en rate beaucoup !

(Je vais aller voir si je trouve des nouvelles de la camarade condamnée...)