dimanche 15 novembre 2009

"... c'est que des mots pour faire joli"

Il y a, dans le film que Gilles Perret a consacré à Walter Bassan, une très belle séquence où l'on voit Stéphane Hessel adresser quelques mots à une jeune Kosovare de dix ou douze ans. Il lui parle de paix, de guerre, d'indépendance et de difficultés diplomatiques, et lui demande de promettre de "ne pas faire de mal aux Serbes".

Il s'adresse à elle avec beaucoup d'attention et de délicatesse, mais aussi beaucoup de courtoisie et, surtout, de considération.

Le visage de la "grande fille" s'illumine d'un sourire qui dit tout son bonheur d'être ainsi saluée, non pas comme une "grande personne", mais simplement comme une personne, par ce vieux monsieur très digne et un peu cérémonieux.

Un grand monsieur qui a su garder au fond des yeux un éclat de jeunesse inaltérable.


Pour les amateurs de contraste:
monsieur Besson posant au ministère des Expulsions de Jeunes Majeurs
avec les "classes d'accueil" du lycée Paul Valéry de Paris.
(Voir compte rendu sur le blogue de Véronique Soulé.)

En France, nous savons parfaitement traiter les enfants aussi mal que les "grands", ou même encore plus. Il suffit qu'un papier manque... ou paraisse suspect.

Angéla, une jeune camerounaise de 12 ans, est arrivée à Roissy, au matin du vendredi 6 novembre, en compagnie de sa mère, détentrice d’un titre de séjour en France où elle vit avec ses trois autres enfants. L'acte de naissance présenté n'a pas semblé authentique aux fonctionnaires de la PAF (police de l'air et des frontières), qui ont demandé des vérifications.

La non-personne Angéla a par conséquent été placé dans l'espace de non-droit de l'aéroport, qu'on nomme aussi "zone d'attente". Et, comme une grande, sous la "protection" de fonctionnaires de police, elle y a attendu cinq jours avant d'être placée, au soir du mardi 10 novembre, dans un centre d'aide sociale à l'enfance.

On peut noter que ce placement avait été ordonné la veille par le tribunal de grande instance de Bobigny, mais que le parquet avait fait appel.

Il semble que ce soit pour des raisons de procédure, et non d'humanité, que le procureur a renoncé à maintenir cet appel le lendemain.

(Le rapport de Human Rights Watch du 29 octobre sur les conditions d'accueil des mineurs étrangers à Roissy, intitulé Perdus en zone d'attente, peut être consulté en cliquant sur l'image.)

Pour ne pas vous perdre: Roissy, Terminal 2.


J'avoue ne pas avoir cherché à savoir si le chef de l'État, ou les membres du gouvernement, envisageaient de marquer, d'une manière ou d'une autre, le vingtième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, du 20 novembre 1989.

Il est tout à fait possible qu'ils aient oublié que la France a signé cette convention le 7 août 1990, et a été le premier pays à avoir fait du 20 novembre une journée nationale des droits de l'enfant...

Mais il est vrai que la France est aussi, et peut-être maintenant surtout, un pays où l'on peut entendre une enfant de 12 ans, Meriem, fille de parents sans-papiers, dire, avec une lucidité désabusée de trop grande personne:

"Les états signent la convention, c’est que des mots pour faire joli !"

Face à ceux qui mettent dans le cœur d'une gamine cette forme de désespoir, le Réseau Éducation Sans Frontières a décidé de célébrer le vingtième anniversaire de la Convention en lançant un appel "Droits de l'Enfant" et en organisant des mobilisations partout en France autour de la date du 20 novembre.

Pour les rouennais, un rassemblement se tiendra le samedi 21 novembre à 15h, sur la place de la cathédrale.

Pour les ébroïciens, le collectif Resf27 tiendra un stand le dimanche 22 novembre, de 10h à 18h, dans le cadre du Forum des Droits de l’Enfant à la maison de quartier de Nétreville. A 15 heures, sur la scène de la "petite salle" de la maison de quartier, sera présentée Paroles d'enfants de sans papiers, une création réalisée, dans le cadre d'un atelier d'écriture, par des enfants de familles sans papiers du département de l'Eure.

Pour les parisiens, la mobilisation culminera avec les 6 heures pour les droits des enfants et des familles sans papiers , le dimanche 22 novembre, au Cent-Quatre, 104 rue d'Aubervilliers, dans le 19ème.

Il n'y aura pas que des mots pour faire joli.

2 commentaires:

olive a dit…

Que l'État ou le gouvernement marquent le vingtième anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant ?

Et pourquoi pas ? Ce n'est pas cette broutille qui suffirait à leur ferait manquer, en leur âme et conscience, une nouvelle occasion en or de faire ronfler le Discours d'Apparat.

Guy M. a dit…

Il doit bien y avoir quelque chose de prévu...

C'est vrai que je n'ai pas cherché à en savoir plus.