mercredi 16 novembre 2011

Le néocolonialisme asiatique

Ce matin, à l'heure où le brouillard noyait la campagne, j'ai renoué avec une saine habitude : me raser en écoutant ce qui reste de France Inter.

Monsieur Bruno Le Maire était l'invité vedette de l'émission sobrement intitulée "Le 7/9", et cordonnée par Patrick Cohen, l'animateur qui aurait besoin d'un réanimateur. Selon toute apparence, le ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire, était seulement venu se montrer un peu à l'occasion de la sortie en librairie de son nouvel ouvrage, Nourrir la planète - un livre d'entretiens avec Véronique Auger, au Cherche Midi. Peut-être aurait-il préféré faire sa promo au "Fou du Roy", avec Stéphane Bern en faire-valoir, mais cette émission un peu trop libertaire n'a pas été reconduite à la dernière rentrée. Comme il n'avait manifestement pas grand chose à dire, mon rasage ne fut nullement perturbé par des réactions épidermiques désagréables.

Après une revue de presse mollassonne, la parole était donnée aux zauditeurs pour Interactiv', comme ils disent.

J'ai surtout écouté Maryse, maire d'un village de Haute-Garonne, qui témoignait avec une certaine volubilité des difficultés terribles rencontrées l'été dernier pour arriver à faire enlever un nid de frelons asiatiques juché sur un arbre planté en plein centre de la bourgade, mais chez un particulier. Très compétente, la pétulante Maryse avait eu beau promulguer du perron de sa mairie "arrêté de péril" et "injonction de faire", elle s'était trouvée, face à un propriétaire réticent, obligée de financer, en tirant sur le budget de sa pauvre petite commune commingeoise, la moitié du devis de cette intervention - "huit cent quatre vingt dix-sept euros !", précisa-t-elle, sans oublier de faire sonner le point d’exclamation. Pour finir, elle réclamait un "texte" permettant de résoudre ce type d'embrouille villageoise.

Très empathique, monsieur Bruno Le Maire commença par expliquer qu'il connaissait bien le problème du nid de frelons asiatiques pour l'avoir connu, pas plus tard que l'été dernier, et avec un bébé encore, dans une ferme que ses beaux-parents possèdent dans le Gers. Et, sans laisser à une Maryse déjà probablement fondante le temps de frémir à l'idée de l'héritier ministériel attaqué par une horde de vespidés exogènes, le ministre conclut :

Moi, ce que je vous propose c'est que... (un temps) ...je vais au conseil des ministres dans une heure. Je vais en parler avec Nathalie Kosciusko-Morizet et on va essayer de trouver de vraies solutions à ce problème très difficile du frelon asiatique qui effectivement nous concerne tous.

Ce soir, Maryse, au fond de sa vallée du Comminges que vient noyer la brume, doit être bien triste. Comme moi, elle a dû chercher partout le communiqué commun de Bruno Le Maire et de Nathalie Kosciusko-Morizet annonçant les "vraies solutions" au "problème très difficile du frelon asiatique"...

(Tout juste une dépêche de l'AFP, reprise par le Monde, qui en profite pour placer une vidéo de ce tueur exotique entré en fraude sur notre territoire et ainsi montrer à quel point il est cruel.)

C'est lui, Vespa velutina nigrithorax,
d'après
Le Courrier de l'environnement de l'INRA, n°54, septembre 2007


Cependant, il nous reste l'espoir que le président ait décidé de prendre les choses en main. Il pourrait en profiter pour faire un déplacement dans cette belle région de la Haute-Garonne, afin d'y prononcer un grand discours appelant à la résistance du peuple français à cette invasion néocolonialiste du frelon venu d'Asie. Il choisirait, bien sûr, de le faire dans le village de Maryse, cerné par des cohortes de gendarmes mobiles déguisés en coléoptères de combat.

De quoi vous faire préférer les hyménoptères.

3 commentaires:

Olivier a dit…

J'avais lu le même procédé avec Arnaud de Montebourg, soutenant qu'il connaissait personnellement toutes les mésaventures populaires, notamment lorsqu'il est venu dans les Pyrénées-Orientales où il connaissait, dans sa chair et dans son sang, car sa grand-mère habitait à Maureillas-las-Illas, tous les aspects du département catalan.

yelrah a dit…

Et un comme ça...
http://www.bruceleestory.fr/galeries/le-frelon-vert-the-green-hornet/bruce_lee_078.jpg

Guy M. a dit…

@ Olivier,

Je crois que Bruno Le Maire, député de la plus rurale des circonscriptions de Haute-Normandie doit avoir du mal à y exprimer sa ruralité profonde de natif de Neuilly...

Mais les Normands sont bon public.

@ yelrah,

Celui-là n'est pas encore répertorié par l'INRA.