En vérité je vous le dis, comme tous les platoniciens tardifs, ou peut-être attardés, je n'ai pas l'universel très pluraliste. Aussi, lorsque l'on veut m'entretenir de "vérités qui dérangent", en sous-entendant très fort qu'elles ne seraient pas toutes bonnes à dire, s'éveille en moi comme une sorte de méfiance envers ces vérités plurielles. Et j'en arrive immanquablement à me demander quel produit d'entrée de gamme veulent, en ce cas, me vendre les fabricants d'opinions.
L'occasion m' a été donnée, en découvrant, dans l'Express, que "deux députés", assavoir messieurs Claude Goasguen (UMP) et Christophe Sirugue (PS), volaient "au secours de l'Aide médicale d’État", de retrouver l'article que Sophie Roquelle avait concocté, le 8 octobre 2010, pour publication dans le Figaro. Le titre indique assez l'angle choisi par cette grande journaliste d'investigation, qui semble spécialisée dans les questions de triche, de resquille, de fraude, de truquage, de supercheries, de tripotage et peut-être même de grivèlerie...
Aide médicale d’État : ces vérités qui dérangent
Et l'article ne déçoit pas. Rédigé dans le sens du poil des Français coiffés en brosse - c'est plus commode pour caler le béret -, il a dû bien plaire aux lecteurs du Figaro. Ils auront pu y affiner leur argumentaire contre ce "dispositif", qui permet aux "étrangers en situation irrégulière" de "se faire soigner gratuitement en France", et avoir un aperçu de tous les racontars, ragots et commérages qui allaient nourrir les débats de l'Assemblée Nationale.
Celui-ci, par exemple :
Du tourisme médical aux frais du contribuable? Claudine Blanchet-Bardon n'est pas loin de le penser. Cette éminente spécialiste des maladies génétiques de la peau voit parfois débarquer à sa consultation de l'hôpital Saint-Louis des patients AME venus du bout du monde exprès pour la voir. «Je vais vous dire comment ça se passe, confie-t-elle. Ils tapent le nom de leur maladie sur internet au fin fond de la Chine, tombent sur mon nom parmi d'autres et découvrent qu'en France, ils peuvent se faire soigner gratuitement. Ils arrivent clandestinement ici, restent tranquilles pendant trois mois et débarquent à ma consultation avec leur attestation AME, accompagnés d'un interprète. L'interprète, lui, ils le payent.» Le coût des traitements au long cours de ce type d'affection se chiffre en dizaines de milliers d'euros par an.
(Ce qui me fait penser immanquablement à tous ces indigènes des forêts équatoriales qui, ayant trouvé "mon nom parmi d'autres" dans la liste gougueule des "éminent[s] spécialiste[s]" du saxophone libertaire débarquent à Trifouillis pour me demander des leçons au titre de l'Aide musicale d’État...)
vice-présidente du syndicat des dermatologues-vénéréologues,
très connue au "fin fond de la Chine" (et qui s'en plaint).
Il n'empêche, les députés de droite, plusieurs fois lâchés en rase campagne sur l'AME par les gouvernements en place, ont l'intention de revenir à la charge. Au front, comme souvent sur les questions d'immigration, les députés UMP Claude Goasguen et Thierry Mariani n'entendent pas céder au «terrorisme intellectuel autour de ce dossier». A l'occasion de la discussion budgétaire, ces jours-ci, ils veulent ferrailler pour obtenir une «redéfinition des soins» éligibles à l'AME. En clair, réserver le dispositif aux soins d'urgence. «Il y a une vraie exaspération sur le terrain. Chacun doit maintenant prendre ses responsabilités», préviennent ces deux élus.
C'était au début du mois d'octobre 2010...
Et le 9 juin 2011, après bien des débats nourris de ces fameuses "vérités qui dérangent", on retrouve ce bon monsieur Claude Goasguen co-signataire d'un rapport d'information défendant l'existence de l'Aide médicale d’État (AME).
A contre-pied de toutes les dénonciations de l'assistanat, souvent liées dans les discours à une présence excessive d'immigrés, Claude Goasguen, député UMP de Paris, et Christophe Sirugue, élu (socialiste, radical, citoyen et divers gauche) de Saône-et-Loire, prennent la défense de l'AME dans un rapport d'information rendu public ce jeudi midi.
Et l'on peut lire qu'il assume :
Au final, les deux députés tombent d'accord : "Au moment où une partie de la population veut la disparition de l'AME, nous souhaitons son maintien", souligne Claude Goasguen. Et de poursuivre: "Mon objectif avec ce rapport était de calmer les rumeurs. J'en ai assez que la méconnaissance des faits engendre des rumeurs sur tous les sujets liés à la présence des étrangers dans ce pays."
(Je vous assure, ma chère Sophie Roquelle, que monsieur Goasguen a bien dit "rumeurs"...)
Le Figaro, à ma connaissance, n'a pas consacré d'article à cette nouvelle "vérité" tout juste sortie du puits parlementaire.
pimpante allégorie de Jean-Léon Gérôme, 1896,
visible au musée Anne de Beaujeu, à Moulins.
C'est peut-être une "vérité" qui dérange singulièrement.
4 commentaires:
Ils sont d'autant plus crétins que, d'une part, l'AME est importante en matière de santé publique et permet, par une prise en charge plus rapide des pathologies, une mailleure maîtrise des dépenses de santé. D'autre part... jusqu'à présent une personne au RSA coûte moins cher à l'ensemble des FrRançais qu'un ancien chef d'entreprise très indemnisé dans des conditions que l'on appellera pudiquement curieuses ou qu'un "philosophe" ancien ministre qui n'assure pas les cours pour lesquels il accepte pourtant la (confortable) rémunération y attachée pour un nombre d'heures extrêmement mince et, non, je ne ferai aucun rapprochement avec ces abominables 35 heures qui sont, avec mai 68, la Commune et la séparation de l'église et de l'état, la cause de tous les maux.
Le calcul du "combien ça coûte" est toujours difficile à faire...
Surtout face à une opinion libérée en paroles.
Si la vérité ressemble à cette allégorie , j'en connais beaucoup qui vont l'appeler de tous leurs voeux .
Les rituels sado-maso ont de nombreux amateurs, en effet. "Entre adultes consentants", cela va de soi.
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