Depuis 1998, le groupe Échelle Inconnue, fondé par l'architecte et scénographe Stany Cambot, mène un travail plutôt singulier :
Le travail, qui se définit avant tout contre les architectes, les urbanistes, les sociologues, et tous les faiseurs de ville, se met en place sous la forme d’expériences longues (un an et demi en moyenne) avec différents groupes de population. Il vise à interroger, ou mettre en doute, les mots et concepts carrés, que le pouvoir utilise pour « penser la ville », à travers la pratique et la parole de ceux qui n’y trouvent visiblement pas leur place (sans-abri, gens du voyage, jeunes adultes des cités périphériques ou encore alter mondialistes...)
(...)
Ces travaux au long court, qui empruntent la méthodologie de l’université populaire, consistent en l’installation d’atelier dans des lieux de vie (foyer, terrain d’accueil, mètres carrés sociaux, village de contre sommet). Les moments de visibilité de ce travail prennent la forme d’interventions dans l’espace public et constituent une volonté de réinjection du travail dans le «problème» (...).
Actuellement, et depuis à peu près cinq ans, les interventions d’Échelle Inconnue s'articulent essentiellement autour du projet Smala, élaboré par Stany Cambot dans le prolongement de travaux sur les "urbanismes combattants". Centré sur le plan de la capitale nomade conçue par l’Émir Abd el Kader "pour et dans la guerre contre la colonisation française de l'Algérie au XIXe siècle", le projet en cours entend le redessiner pour interroger la/les ville(s), en commençant par celles "où son «architecte» Abd el Kader fut emprisonné". Des résidences se sont ainsi déroulées à Pau, Bordeaux, Lyon et celle de Toulon/La Seyne sur Mer est en cours.
La résidence de Marseille, qui s'est tenue de janvier à septembre 2010, devait se prolonger par une exposition et un cycle de conférences à la bibliothèque de l'Alcazar à Marseille. Pour les annoncer, Échelle Inconnue avait conçu une affichette sobre et clairement informative :
Ce matin encore, le site du réseau des bibliothèques de Marseille annonçait exposition et conférences.
On pouvait y apprendre que l'exposition serait installée "du 28 juin au 2 juillet dans l'allée centrale", et les deux conférences prévues étaient laconiquement introduites :
Récit d'expériences
Comment le projet Re-dessiner le plan de la Smala d'Abd el Kader a-t-il résonné dans une ville comme Marseille ? Ce que chercher un possible schéma exotérique musulman d'une ville construite au XIXe révèle d'une ville d'aujourd'hui.
Par Stany Cambot, initiateur du projet et fondateur d’Échelle inconnue.
Et
L'islam au prisme de la République
Les rapports de l'Islam et de la République se révèlent souvent à nous comme une tension permanente entre le principe du libre exercice du culte et la tendance à vouloir rendre la religion plus compatible avec l'idéal républicain.
Une conférence par Franck Frégosi.
Ce soir, on n'y trouve qu'un court avis d'annulation, quelques excuses et aucune explication...
L'explication, la voici, ainsi que les dispositions qui ont été prises par le groupe Échelle Inconnue :
En réponse à la censure, le groupe Échelle Inconnue quitte la bibliothèque et installe son exposition dans les rues de Marseille
En réaction à la censure de l'un de ses supports de communication par les services de la mairie de Marseille, le groupe Echelle Inconnue annonce l'annulation de l'exposition « Marseille, schéma exotérique musulman », et des conférences associées prévues du 28 juin au 2 juillet 2011 à la bibliothèque de l'Alcazar.
A la tentative de limiter la visibilité de notre travail dans l'espace public, nous répondons par une visibilité encore plus grande et déplaçons notre tente/exposition dans les rues marseillaises, à compter du 1er juillet. Nous renouons ainsi avec une des questions centrales de ce travail : celle de la tente, du nomadisme comme forme d'intervention urbaine et politique.
Depuis 2006, nous, Échelle Inconnue, laboratoire d'art urbain, menons un projet prenant pour centre la Smala (capitale de tentes de l'Algérie au XIXe siècle) pour interroger les urbanités contemporaines.
Depuis plus d'un an, nous interrogeons la place de l'islam dans la ville avec des habitants de Marseille et des chercheurs. A chaque entretien ou presque, est revenue la question du rejet hors de l'espace public des signes visibles de l'islam, celle du nomadisme imposé à ces derniers, ainsi que celle du jeu de visibilité/invisibilité produit par la relation plus qu'ambivalente des autorités à cette question.
Tout est normal donc quand, à quelques jours de l'exposition et des conférences sur ce thème, nous découvrons que la direction de l'Alcazar, censée nous accueillir, a remplacé l'affiche originale représentant le pictogramme d'une mosquée (que l'on serait bien en peine de trouver sur un plan de Marseille) par une « affichette » proche du menu de cantine. Tout est normal donc, la même crispation esthétique maintes fois entendue au cours des entretiens, conduit au même refus d'une possible visibilité de cette question, fut-elle artistique, dans l'espace public.
Dans ces conditions, annuler notre exposition pour la transporter dans l'espace public, là où elle pourra donner à entendre les paroles que nous avons recueillies, s'est imposé comme une évidence. Seul ce nomadisme urbain et choisi peut rendre à ces témoignages la liberté et la visibilité que l'espace censé les accueillir voulait leur retirer. Notre tente sonorisée présentant les conclusions de cette recherche participative (créations sonores et cartes manquantes de Marseille) s'affichera et se déplacera donc dans la ville même, du vendredi 1er au mardi 5 juillet.
Nous invitons, journalistes, chercheurs, militants et citoyens, que la question de la place de l'islam dans la République en général - et de son invisibilité à Marseille en particulier - intéresse à nous retrouver dans les lieux suivants : le 1er juillet de 10h à 14h face à l'Hôtel de ville, puis, de 13h30 à 18h, le 2 juillet place du Colonel Edon (au pied de Notre dame de la Garde), le 4 juillet place des abattoirs (face au site de la future grande mosquée), le 5 juillet face à la bibliothèque de l'Alcazar. Les conférences de Stany Cambot (Echelle Inconnue) et de Franck Frégosi (CNRS) seront retransmises par Radio Grenouille (88.8 FM ) le 16 juillet à 10h.
Un point presse est organisé le 1er juillet à 11h en face de l'hôtel de ville. L'exposition « Marseille, schéma exotérique musulman » s'inscrit dans le cycle de travail sur la Smala d'Abd el Kader, initié en 2006 par Echelle Inconnue et qui s'est déjà déroulé dans plusieurs villes de France, la Seyne sur mer, Pau, Bordeaux, Lyon et Marseille où il a donné lieu à une intervention urbaine au plan d'Aou en 2010. « Smala » est un projet pluridisciplinaire, alliant l’architecture et la création numérique, fondé sur une démarche participative, qui interroge les urbanités contemporaines.
Pour en savoir plus sur le projet et suivre l'itinéraire de la tente « Smala » rendez-vous sur : www.journal-smala.org
PS : Le site de Radio Grenouille est à l'adresse http://www.radiogrenouille.com, comme ça se prononce...
mercredi 29 juin 2011
A l'Alcazar, ils n'iront pas
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6 commentaires:
L'image de la mosquée (qui fait un peu penser à d'autres dômes comme ceux du Panthéon et de la basilique Montmartre de Paris) plus "Smala" et "Alcazar" sur une même affiche ça a du faire beaucoup trop pour ces braves gens, faut les comprendre. Faut voir les choses en face, les mosquées c'est bien sur les lieux de vacances là où on a du soleil pas cher, pas ici sur des affiches...
Dommage, elle est superbe dans sa sobriété cette affiche.
Ils ont eu peur de quoi exactement ?
On peut supposer que le pictogramme figurant sur cette affiche - et ne figurant sur aucun plan de la ville de Marseille qui doit pourtant compter quelques lieux de culte musulman - n'est qu'un prétexte...
(Pour le reste, je ne pense pas que nos amis d’Échelle Inconnue aient été prêts à quelque concession que ce soit.)
Je pense aussi que c'était un prétexte, de part et d'autre d'ailleurs. Mais je ne copmprends pas bien ce qui a gêné l'Alcazar. L'histoire de la Smala d'Alger fait partie, d'une certaine façon, intégrante de l'histoire de France (et pas à cause d'une récente immigration).
Attendons que l'Alcazar "communique"...
(Mais je crois qu'on peut attendre longtemps.)
Le problème de l'Alcazar, c'est qu'il n'y a plus de Directeur. Les professionnels compétents sont chassés progressivement des bibliothèques municipales de Marseille et les rênes sont tenues par quelques personnes préoccupées uniquement par leurs ambitions personnelles, au mépris du Service public; tout ceci sous l'oeil complaisant de la Mairie...
Et l'on sait qui gouverne Marseille.
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