Ça doit être le sujet qui veut ça. Dès que l'on (re) parle, en milieu parlementaire, du mariage homosexuel, il se produit des effets de discours que l'on aimerait simplement qualifier de "conneries" si monsieur Luc Ferry, philosophe analytique de la société, n'avait déjà utilisé cette conceptualisation dans une récente communication.
Hier matin, alors que l'Assemblée Nationale se préparait à rejeter, "par 293 voix contre 222, une proposition de loi socialiste visant à ouvrir le mariage aux couples homosexuels", madame Marine Le Pen a tenu à marquer son opposition à cette initiative. Et elle a sans doute cru livrer aux auditeurs de France Inter qui l'écoutaient un raisonnement très serré :
Parmi "les règles de notre société", "le mariage s'effectue entre un homme et une femme", a déclaré Mme Le Pen sur France Inter.
"Je ne pense pas qu'il soit positif de changer cette règle, parce que si on part de ce principe, on peut aller à la limite très loin dans la modification de notre civilisation", a-t-elle jugé.
"Pourquoi pas l'autorisation de la polygamie !", a-t-elle poursuivi. "Il existe des familles polygames, pourquoi est-ce que demain un certain nombre de groupes politico-religieux ne demanderaient pas que la polygamie, sous prétexte d'égalité des droits, soit inscrite dans le code civil français ?", a-t-elle ajouté. "Et bien, c'est une autre civilisation", a-t-elle estimé.
Ces propos évoquent, bien sûr, ceux qui avaient été tenus par madame Brigitte Barèges, mais en plus sérieux. Madame Barèges faisait - elle l'a dit, alors on la croit - un mot d'esprit fort plaisant, ce qui était parfaitement souligné par cette subtile allusion aux "unions avec des animaux"... Madame Le Pen suit une ligne d'argumentation très directe en mettant en parallèle reconnaissance du mariage homosexuel et "autorisation de la polygamie", risquent de nous mener, "à la limite très loin", à une véritable mutation civilisationnelle.
Si l'on suit très strictement le parallèle établi par madame Le Pen, on peut se demander qui, dans le cas de la demande de reconnaissance du mariage homosexuel, tient le rôle de ce "certain nombre de groupes politico-religieux" prêt à se lever pour demander que "la polygamie, sous prétexte d'égalité des droits, soit inscrite dans le code civil français"...
Sur RTL, monsieur François Baroin, le très décoratif porte-parole du gouvernement, n'a pas beaucoup éclairé les chers auditeurs sur ces "groupes" qui menacent, par leurs demandes intempestives, l'avenir de notre civilisation. Il a seulement assuré que ses amis n'en faisaient pas partie.
On se sait pas si cela fait beaucoup.
"Dans mon entourage, des amis qui sont gays, je n'en connais pas un qui veut se marier."
Un telle déclaration est sans doute une manière de "couvrir" ses amis, et c'est, anéfé, un bel exemple de ce à quoi une solide et indéfectible amitié peut conduire.
Car il ne saurait être question de prendre cela pour un début d'argument.
Heureusement, monsieur Christian Vanneste, un authentique intellectuel picdelamirandolesque, était là pour produire une argumentation de haute volée :
Le député UMP Christian Vanneste a estimé aujourd'hui dans les couloirs de l'Assemblée que le mariage entre deux personnes de même sexe était "une aberration anthropologique" car la "société doit assurer sa pérennité", le reste "étant une question de mode".
Ce n'est là que le résumé de ses propos, qui ont dû prendre, "dans les couloirs de l'Assemblée", l'allure d'une véritable leçon inaugurale d’anthropologie sommaire.
"Je ne vois pas en quoi l'Assemblée nationale doit s'intéresser à une aberration anthropologique. Il n'y a que deux sexes, les hommes et les femmes. Et la société doit assurer sa pérennité par le mariage des hommes et des femmes. Le reste, c'est une question de mode, liée à quelques lobbies qui ont manifestement beaucoup de pouvoir."
On a vu plus haut qu'aucun "des amis" de monsieur Baroin "qui sont gays" n'appartient à ces "lobbies" qui font la mode. Je tenais à le rappeler moi-même, car le rédacteur de la dépêche ne le fait pas.
En revanche, il a pris bonne note des étapes de l’argumentation déployée par monsieur Vanneste :
"Ce n'est pas parce que quelques personnes ont des comportements, disons 'curieux', que forcément la société doit s'en préoccuper."
A-t-il poursuivi.
"C'est une affaire privée, qui ne concerne pas l'avenir de la société."
A-t-il ajouté.
"C'est du plaisir sexuel, c'est du divertissement, de l'affection. En quoi cela intéresse la société ?"
A-t-il demandé.
"La société s'intéresse au mariage dans la mesure où il est lié à la procréation dans la majeure partie des cas."
A-t-il précisé.
"Ce n'est pas la première fois qu'une mode sera à la mode parce que la presse l'aura décidé."
A-t-il encore ajouté.
On sent bien qu'on arrive à des sommets de pensée tout juste décoffrée.
Mais il faut signaler que le plus "curieux" de tout cela est peut-être que monsieur Christian Vanneste a, parallèlement à sa brillante carrière politique, enseigné la philosophie au lycée industriel et commercial privé de Tourcoing.
Sans doute y a-t-il développé sa "curieuse" conception de l'anthropologie...
6 commentaires:
Faut abolir le mariage...
Oh la la ! C'est pas un point de vue "anthropologique" sérieux, ça !
Tiens j'ai des amis homosexuels qui se marieront à la première occasion, ce ne sont pas les mêmes que monsieur Baroin apparemment (cela dit je ne vois pas l'intérêt du mariage autrement que pour des raison financières mais bon, je ne l'impose pas aux autres).
Sa position sur le mariage est sympathique : c'est une usine à reproduction. Il faut donc effectivement l'abolir, l'espèce humaine étant en danger de disparition pour cause de sur-population, cela permettrait de diminuer voire d'inverser la vapeur en matière démographique et de faire. La société pourrait ainsi perdurer.
Belle société qui considère que l'affection n'a pas d'importance.
Attention, vous semblez attribuer à F. Baroin une "position" défendue, anthropologiquement bien sûr, par C. Vanneste.
Il faut être prudents : il est irascible...
Oups, désolée, j'ai un peu mélangé les argumentaires (et confondu les bonshommes, je suis confuse). Le ferai plus, promis.
C'est un peu de ma faute aussi : je n'ai pas mis de photo de C. Vanneste - qui pourtant l'aurait bien mérité, pour l'ensemble de son œuvre.
Enregistrer un commentaire