En décembre, les fraises du Mesnil-sous-Jumièges, que je trouve habituellement sur le marché, ont disparu depuis longtemps, et comme je suis assez respectueux du calendrier dans mon approvisionnement en fruits et légumes, j'attends patiemment. Elles reviendront, lorsque l'air aura repris une certaine légèreté pétillante, et surtout lorsque la lumière matinale aura retrouvé cette transparence particulière qui annonce l'été.
Mais je viens d'apprendre que je devrais bientôt trouver, "disponibles en barquettes de 250 grammes, en grande surface, en magasins spécialisés et sur les marchés dans toute la France", "deux variétés de fraises, aux excellentes qualités gustatives", "les «Sweet Charly» et les «Tamar»"; et cela, durant toute la "période festive" qui m'attend.
De quoi ébranler mon dogmatisme de vieux chenoque attaché aux rythmes saisonniers !
C'est un communiqué publi-informatif, téléchargeable sur le site d'information de l'ambassade d'Israël en France, qui m'a permis d'envisager ainsi "un hiver gourmand et festif avec des fraises de grande qualité".
Il m'annonce d'abord ceci:
Les premières fraises de Gaza viennent tout juste d’arriver sur le marché de Rungis à Paris. Les produits agricoles de la Bande de Gaza reprennent en effet le chemin de l’exportation grâce à Agrexco-Carmel qui travaille en partenariat avec les producteurs palestiniens depuis plus de 30 ans.
Il m'explique aussi comment vont me parvenir ces fraises de Gaza:
Agrexco-Carmel distribue ces marchandises venues de Gaza sous la marque Coral et gère l’intégralité de leur logistique. Les produits récoltés dans la Bande de Gaza sortent tous par la porte «Kerem Shalom», pour rejoindre la ville d’Ashdod sur la côte israélienne et prendre le départ pour l’Europe par avions ou par bateaux.
Au retour d’Europe, les bateaux d’Agrexco-Carmel reviennent avec des voitures de marques françaises à destination des Palestiniens.
Et, cerise sur le gâteau - les fraises n'étaient pas encore arrivées -, une déclaration de monsieur Ouzi Kouris, PDG d'Agrexco-Carmel France, devrait achever de me convaincre:
"Agrexco-Carmel travaille avec les groupements de producteurs palestiniens de la bande de Gaza depuis plus de 30 ans, en dehors de toute polémique politique ou religieuse. C’est à leur demande que nous avons pris en charge la logistique et la commercialisation de leur marque «CORAL», avec ses produits emblématiques. Aujourd’hui, c’est donc avec grand plaisir que nous avons mis en œuvre tous les moyens nécessaires à la reprise de leurs exportations. Nous attachons beaucoup d’importance à ce partenariat et, en janvier prochain, nous accueillerons un groupe de producteurs palestiniens et nous lui ferons visiter le marché de Rungis. Nous sommes très heureux de cette coopération, qui permet à nouveau aux Français de profiter, en contresaison, des délicieuses fraises et des magnifiques œillets venus de Gaza."
Le site du Crif (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) relaye, sans commentaire, ce communiqué commercial qui est daté du 6 décembre.
Hier, l'éditorial du président du Crif, monsieur Richard Prasquier, intitulé «Boycott : Martine Aubry a remis les pendules à l’heure» (!), reprend la nouvelle, pour aborder la question du boycott :
En ces jours où la coopérative israélienne Agrexco importe, sur la demande même des producteurs, des fraises venant de Gaza, parfaitement sourcées, l’appel au boycott devrait clairement apparaître pour ce qu’il est : un prétexte pour instiller dans la population de notre pays l’idée que Israël est un état illégitime.
Les déclarations de monsieur Ouzi Kouris m'avaient déjà inspiré une très grande réserve à l'égard des pratiques commerciales paternalistes de sa société. Ah ! quelle grande idée que celle de cette visite à Rungis ! De quoi en mettre plein la vue, à tous ces "palos" incapables de mettre tous seuls leurs produits sur le marché...
Mais les propos de monsieur Richard Prasquier, en reliant si étroitement, et de manière si audacieuse dans leur dialectique, l'arrivée des fraises dites "de Gaza", ces fraises "parfaitement sourcées", sur le marché français avec l'idée de légitimité de la politique de l'état d'Israël, achèvent de me convaincre.
Je n'ai aucune envie de manger des fraises en décembre, et encore moins ces fraises-là.
(!) Précisons :
"Martine Aubry avait été d’une grande clarté au dîner du CRIF du 8 Novembre 2010. Elle avait déclaré que loin de faciliter la paix, ceux qui prônent le boycott contre Israël portent l’intolérance et la haine."
Et voilà pourquoi les pendules sont à l'heure...
PS: A propos d'audace dialectique, les esprits curieux de voir jusqu'où elle peut aller chez les adversaires de la campagne BSD (Boycott-Désinvestissement-Sanction), liront avec profit le "point de vue" que monsieur Denis MacShane, député britannique, ancien ministre des affaires européennes de monsieur Tony Blair, a réussi à caser dans les pages du Monde.
Le Monde nous le présente comme ayant "présidé une commission d'enquête de la Chambre des communes sur l'antisémitisme actuel en Grande-Bretagne" et "l'auteur de "Mondialiser la haine. Le nouvel antisémitisme !" (Weidenfeld et Nicolson)".
On peut aussi savoir que cet européen façon traité de Lisbonne est aussi l'auteur d'une biographie de François Mitterrand, et probablement de quelques malversations, révélées par Mail on line en juin 2009. Il est actuellement en délicatesse avec son parti, le Labour...
Sans parler de fraises, il ramène cependant la sienne, et de belle manière, "parfaitement sourcée" :
Kauf nicht bei Juden – "N'achetez pas chez les juifs" – est de retour. L'appel au boycott du commerce juif est une vielle lubie politique de l'Europe. Une fois de plus, alors qu'une avalanche de haine s'abat contre Israël, à droite comme à gauche, des idéologues islamistes aux élites culturelles, on souhaite punir les juifs.
Pour la suite, je vous ai indiqué le chemin.
5 commentaires:
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- Robson
Il fallait que ces choses-là soient dites. Et bien dites.
@ anonyme,
Well, well, well...
@ emcee,
A voir aussi, le point de vue de l'AFPS :
http://www.france-palestine.org/article16242.html
Manquerait plus que Kerem Shalom signifie «salut la crème».
Oui oui je sors.
Meunon, tu peux rester. Avec ta maîtrise de l'hébreu et ma virtuosité en anglais, on va pouvoir révolutionner le marché de la traduction.
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