La passoire européenne

Messieurs Christophe Cornevin, Arnauld Dingreville et Jean-Marc Leclerc, qui travaillent pour le Figaro, se sont rendus hier place Beauvau afin de s'entretenir avec monsieur Brice Hortefeux, actuel ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration. Questions et réponses ont d'ailleurs essentiellement porté sur cette dernière attribution du ministère de monsieur Hortefeux.

La disparition des termes "identité nationale" n'a pas échappé à nos trois fins limiers figaresques, et, avant de quitter le ministre, l'un d'entre eux se risque à poser la question:

Pourquoi l'identité nationale a-t-elle disparu de l'intitulé de vos fonctions ministérielles ?

Au lieu de répondre que cela aurait rendu illisible l'en-tête des courriers ministériels, surtout en ajoutant le "codéveloppement" ou, pire, le "développement solidaire", monsieur Hortefeux en profite pour rendre un discret hommage aux qualités pédagogiques de son prédécesseur:

Le débat courageusement mené par mon prédécesseur, Éric Besson, n'a pas été compris. Mais au-delà des mots, sous l'autorité du président de la République, ma mission est de permettre la cohésion de notre société et le respect de nos valeurs républicaines.

Il en oublie de parler du merveilleux outil à expulser, la "loi Besson", que son "prédécesseur" a affûté avec tant de soin.

Monsieur Brice Hortefeux, dans son bureau, ce mardi,
remet les pendules à leur valeur républicaine.

Face à des interlocuteurs qui ne remettent aucunement en cause le fait que l'immigration soit un problème exigeant qu'on lui apporte solution, et qui sous-entendent que cette solution n'est pour l'instant pas mise en place avec assez de résultats, monsieur Hortefeux est très à l'aise pour exposer ses "principes simples et justes" et son intention:

Ma mission est claire : poursuivre, conforter et amplifier la nouvelle politique d'immigration voulue par le président de la République.

Cette prétendue "nouvelle politique d'immigration", en place depuis une dizaine d'années, tout de même, est résumée par le ministre dans une formule martiale:

L'immigration illégale doit baisser et elle baissera.

Il indique aux trois journalistes son "calendrier" immédiat:

Je prends trois initiatives. Dès lundi prochain, je réunirai tous les préfets pour les mobiliser à nouveau sur la lutte contre l'immigration clandestine. J'ai déjà donné des instructions aux quinze préfets qui n'ont pas atteint leurs objectifs. Dans les prochaines semaines, je les réunirai avec les consuls pour leur fixer mes priorités dans l'attribution de visas et leur demander d'être plus vigilants dans la délivrance des visas de court séjour qui ne doivent pas être des «passeports pour la clandestinité». Enfin, lors du premier semestre 2011, je souhaite réunir les ministres en charge de l'immigration des cinq pays qui concentrent 80 % des flux migratoires vers l'Europe (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie, en plus de la France) mais aussi ceux de Malte, de la Grèce et de Chypre, qui constituent les principaux points d'accès de l'immigration en Europe.

C'est un véritable plan de campagne que nous décrit là notre chef d'état-major, et sur un ton de poste de commandement...

On peut d'ailleurs remarquer que monsieur Hortefeux sait aussi user, à l'occasion, de la métaphore militaire:

L'Europe n'est pas une passoire.

Dit-il.

Oubliant peut-être que dans notre monde plus ou moins régulé par les lois communes de la physique, les passoires ont plus "vocation à" se vider qu'à se remplir.