Parfois, cela commence comme ça:
Aujourd'hui 9 h Yazid Z., en France depuis quatre ans, a été arrêté. Etudiant en éco-gestion, il travaillait également en tant qu'aide à domicile. Alors qu'il travaillait ce matin chez une personne handicapée, les policiers l'ont arrêté et emmené au CRA de Lyon. Il devrait passer au Juge des Liberté avant jeudi.
C'est un courriel d'alerte du Réseau Université Sans Frontière, assez banal de nos jours: un nom, deux ou trois éléments de vie, et une arrestation.
Souvent, on prend connaissance du mail quand c'est déjà fini: après une expulsion, c'est un nom que l'on oublie, c'est une vie qui n'aura pas fait son trou ici, de ce côté de nos frontières, à peine un rond dans l'eau...
Dans le cas de Yazid Zarour, jeune algérien arrivé en France avec un visa d'étudiant, l'histoire a une suite.
On peut apprendre que son titre de séjour n'a pas été renouvelé en février 2007, et qu'il a déposé un recours gracieux, motivé par des éléments nouveaux qu'il voudrait voir pris en compte. Il est en effet employé en CDI par l'association "Vivre Autonome" et travaille depuis deux ans et demi comme tierce personne, ou auxiliaire de vie, chez monsieur Olivier Morel, professeur d'anglais, qui est tétraplégique. Il loge chez monsieur Morel, de manière à pouvoir l'aider en cas de nécessité, surtout la nuit.
Est-ce sa demande de recours gracieux qui a attiré sur lui l'attention préfectorale, je ne vais pas l'affirmer, car je n'en sais rien. Mais ce sont des choses qui arrivent.
Le 3 février 2009, au matin, Yazid est, en application d'une décision de reconduite à la frontière prise par la Préfecture de l'Isère, arrêté à son domicile, qui est aussi celui d'Olivier Morel, embarqué au commissariat de Grenoble et transporté au centre de rétention de Saint-Exupéry. Je pense que la police aura songé à laisser un(e) auxiliaire pour ne pas laisser monsieur Morel, qui a besoin d'une assistance constante, seul dans son appartement, mais, de cela je n'ai trouvé aucune confirmation...
La solidarité s'organise. Le CDTHED (Comité pour le droit au travail des handicapés et l'égalité des droits) adresse une lettre ouverte au préfet.
Le 9 février 2009, le tribunal administratif de Lyon annule la décision d'expulsion.
Yazid reçoit une autorisation provisoire de séjour, jusqu'au 10 août, avec une interdiction de travailler, et un placement en résidence chez monsieur Morel.
Des parlementaires, madame David et monsieur Mermaz, interviennent et obtiennent du préfet, monsieur Albert Dupuy la promesse d'examiner "avec bienveillance" le dossier de régularisation de Yazid Zarour.
Par précaution, ou par automatisme, la préfecture de l'Isère a fait, aussi sec, appel de la décision du tribunal administratif de Lyon.
Selon le collectif Yazid, soutenu par le Resf38, qui s'est constitué au lycée Marie Curie d'Echirolles, où enseigne Olivier Morel, la préfecture n'a rien fait pour avancer dans la voie d'une régularisation, elle a même "multiplié les démarches pour l'empêcher et obtenir une expulsion définitive".
Marie Barbier, journaliste à l'Humanité, indique, dans un article paru aujourd'hui:
Contactée, la préfecture confirme l'appel mais ne souhaite pas s'exprimer sur une affaire qui "suit son cours".
Pourtant, il semble que les services de la préfecture ont "communiqué" sur cette affaire, et de fort intelligente façon, en répondant à ceux qui soulignent que la présence de Yazid auprès d'Olivier Morel est indispensable que
"seule la fonction est importante, pas la personne qui l'occupe".
Et en faisant savoir que sur le seul bassin grenoblois, il y a 324 demandes pour occuper un emploi d'auxiliaire de vie...
Monsieur Albert Dupuy, préfet de l'Isère, qui sur le site de la préfecture nous offre une page de détails sur la fonction préfectorale, dit, ou laisse dire, des choses comme celles-là.
Je pourrais me demander si monsieur le préfet, haut fonctionnaire et petite main de l'Etat, est vraiment persuadé qu'il n'est lui-même qu'un atome fonctionnel, tout à fait interchangeable au gré de mutations contingentes ou nécessaires...
Mais la pique ironique est par trop faiblarde face à ces déclarations, qui sont vraiment intolérables, parce qu'elles ignorent, et méprisent, ces deux êtres maintenant liés par autre chose qu'un simple contrat, parce qu'elles ignorent, et n'imaginent même pas, ce qu'il a nécessairement fallu de tact, d'attention, de patience, chez l'un comme chez l'autre, pour cimenter cette relation de confiance entre eux.
La fonction de monsieur le préfet est trop importante et trop respectable, peut-être, pour qu'on puisse lui signifier ce que sa personne nous inspire...
PS: Une pétition est lancée. Vous pouvez la signer, ou adresser des lettres (respectueuses de sa fonction) au préfet.
6 commentaires:
La fonction de préfet avait quelque chose de prestigieux dans mon inconscient et ne pouvait être occupée que par des personnes dotées d'humanité et d'objectivité . Je ne peux que féliciter ce préfet de me ramener à la réalité , il y a aussi des individus comme lui dans la fonction .
Il y en a de plus en plus...
"La fonction de monsieur le préfet est trop importante et trop respectable"
absolument pas !
Façon de parler: on respecte la fonction, et on reste dans le vague concernant la personne.
Comme fait monsieur le préfet...
Mmmmm...
Les préfets....
Tous des gens responsables et attentifs au respect de leur fonction...
Depuis toujours...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Papon
J'ai souvent une pensée pour feu le préfet Papon lorsque j'évoque cette importante fonction...
Un jour, je préciserai cette pensée.
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