- Ayé!
Comme s'écrie et écrit ma jeune bécacousine, celle qui m'a averti de la chose en m'expédiant un courriel d'alerte, recommandé, avec accusé de réception.
Philippe Val est à France Inter et ça s'arrose.
Le premier à trinquer sera donc Frédéric Pommier, le tenancier, depuis la rentrée de septembre, de la revue de presse de 8h 30.
Philippe Val est maintenant le patron.
Mon compatriote Frédéric Pommier (selon Ouest-France, où l'on s'y connaît, il serait d'origine normande) n'a peut-être pas révolutionné l'art difficile de la revue de presse radiodiffusée, mais, mine de rien, il a su donner à l'exercice une délicate touche personnelle, qui est devenue très vite familière à ceux qui supportent stoïquement les braillements du meneur de jeu Nicolas Demorand. On dit même que sa présence a fait progresser l'audience de cette tranche de près de 400 000 auditeurs.
A ma connaissance, on n'a jamais dit que les auditeurs accouraient pour écouter les calamiteuses chroniques de Philippe Val, à l'époque encore proche où, s'accrochant vaillamment au papier qu'il avait besogneusement préparé, il relisait son texte avec un débit un poil trop rapide, en trébuchant sur les passages à la ligne, ou sur une liaison qui soudain l'étonne.
Frédéric Pommier, lui, entre dans sa revue de presse en flâneur dérouté et déroutant. Il s'arrête à détailler un titre et un article, avec une certaine nonchalance méditative. Il reprend quelques mots, les répète, non pour nous les ficher dans l'entendement, mais pour nous faire ressentir un certain étonnement. Il laisse volontiers traîner sa voix sur des finales interrogatives. Il se tourne vers l'invité pour lui adresser une vraie question, mais juste un peu décalée, ce qui le déconcerte. Puis il reprend sa route d'un air rêveur dans les quotidiens de notre quotidien. S'il était en terrasse avec ses journaux, à la fin, il relèverait probablement le nez pour suivre un nuage au loin.
La revue de presse de Frédéric Pommier n'a qu'un seul défaut à mes oreilles: elle est trop intelligemment subtile, et par conséquent incompatible avec la conduite d'une quatrelle lancé à tombeau ouvert sur l'autoroute A13...
Ce n'est pas pour cette raison que Philippe Val, dès sa prise de fonctions à la tête de la chaîne, l'a prévenu qu'il ne présenterait plus la revue de presse.
Deux versions circulent dans les gazettes, celle des mauvaises langues et celle de Philippe Val.
La première est rapportée avec beaucoup de détails par les Inrocks.com, qui nous raconte une invraisemblable histoire de ressentiment:
L’histoire remonte visiblement au mois de mars dernier, explique un journaliste de la rédaction qui a souhaité conserver l’anonymat. "A cette époque, Pommier voit débarquer au huitième étage de la rédaction Philippe Val, accompagné de Nicolas Demorand, qui fait les présentations. Val dit alors en s’adressant à Pommier : 'Ah ben d’accord j’ai mis un visage sur le problème'. Pommier demande quel est le problème, et Val lui répond : 'Le problème c’est que j’entends beaucoup trop Siné Hebdo dans ta revue de presse'. Pommier répond qu’il a cité ce matin Siné Hebdo, parce qu’ils ont fait un truc avec Bakchich.info. Là, Val enchaîne 'Bakchich, cette bande de connards'. Pommier continue alors à se justifier, expliquant qu’il ne pense pas privilégier Siné Hebdo. Alors que Demorand a quitté le studio, Val continue la discussion avec Pommier, et termine en lui disant : 'Ne t’inquiètes* pas, j’ai identifié le problème' ".
La version donnée par Philippe Val s'accompagne d'une sauce un peu mielleuse:
Dans une déclaration adressée lundi à l'AFP, Philippe Val tente de désamorcer la polémique. "Evidemment, Frédéric Pommier reste avec nous, il n'est ni licencié ni remercié. C'est un garçon qui a du talent (...)", a-t-il dit, assurant même être en train de travailler sur des propositions "pour qu'il soit plus visible à l'antenne".
Le problème serait que Frédéric Pommier, le "garçon qui a du talent", a un problème de "hiérarchisation de l'information".
Cela ne pouvait pas attendre, il fallait régler cela de toute urgence.
Daniel Schneidermann, qui n'a pas un très bon esprit, s'est attaché à examiner ce point dans la revue de Frédéric Pommier de ce matin. Voici ses observations:
Et, sans vouloir jouer au rapporteur, il faut bien, dans cette douloureuse affaire, donner raison à la grande clairvoyance du directeur-actionnaire Val : ce Pommier n'a aucun sens de la "hiérarchie de l'information". Au lendemain de l'historique discours sarkozyen de Versailles, alors que Mougeotte, dans Le Figaro, parmi bien d'autres éditorialistes extasiés, salue "un souffle d'une indéniable hauteur de vues", commencer une revue de presse par d'interminables citations d'écrivains iraniens en exil, témoigne d'une absence totale de sens politique. N'en venir à l'événement de Versailles qu'à 8 heures 35, après ces cinq minutes de lèse-majesté, est impardonnable. Et ne mentionner le "grantemprunt" qu'à 8 heures 37, après avoir osé évoquer les somnolences de la Première Belle-mère pendant le discours du Premier Gendre, frise la provocation.
Il note aussi que "Pommier a soigneusement évité le sujet Pommier, qui emplit les colonnes médias des quotidiens".
Si je me souviens bien, la note finale de la revue de presse était une petite histoire de crocodile...
Il y a des gens qui ont une certaine légèreté, inconnue des Rastignac contemporains.
* J'ai laissé la graphie des Inrocks.com, car il ne m'étonnerait pas que Philippe Val fasse des fautes d'orthographe à l'oral.
6 commentaires:
Val devient de plus en plus censeur ,il va faire un duo d'enfer avec Hess qui s'octroie un droit de réponse en direct avec Plenel confirmant la liberté d'expression sur France inter !
Tous deux sont "sous surveillance" en quelque sorte.
Mais malgré leurs maladresses, ils sont aussi de vieux crocodiles dans le marigot médiatique...
C'est marrant, j'en parlais récemment avec un mec participant à la seule émission encore vraiment de gauche de France Inter, et lui me disait grosso-modo : "Je pense qu'on a rien à craindre, Val ne pourra pas se permettre de sabrer bille en tête, il se sait surveillé de partout."
Et ben, finalement… si. Au fond, Val a un sacré culot, pour un salopard.
Il n'a peur de rien, c'est à ça qu'on le reconnait.
"invraisemblable histoire de ressentiment" heu je suppose que c'est de l'humour...quand on voit la virulence avec laquelle Val s'est attaqué à Siné...il n'y a rien d'invraisemblable
ceci dit cela a eu du bon, Siné-Hebdo est plus sympa que Charlie-Hebdo à lire. pt'ete que Pommier fondera une radio dissidente...hehe
Hem, le tenancier verse parfois dans l'antiphrase...
Un dessin circule, qui représente Charlie Hebdo, Siné Hebdo, Pommier Hebdo... etc.
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