lundi 15 juin 2009

Sous le Pavé, Franck Lepage.

Je fus, il y a peu, convié à l'une de ces soirées culturelles où il est préférable d'inviter les voisins, s'ils sont fréquentables, pour éviter, de leur part, des remarques désagréables sur vos goûts musicaux, et je m'y rendis fort utile en rehaussant de manière appréciable la moyenne d'âge de l'assistance.

Non loin d'une bouteille de ouisqui, j'y croisai une jeune journaliste, tout à fait atypique par ses origines chouannes, qui réussit à défier mon incurable surdité mondaine en engageant une conversation. Avec beaucoup de professionnalisme, elle en vint à s'enquérir de mes activités avouables. Quant aux inavouables, nous en avions déjà exhaustivement fait le tour.

Comme je lui avais répondu, avec la forte conviction qui me caractérise lorsque j'aborde ces choses sérieuses, travailler entre guillemets dans la culture entre guillemets, elle me demanda tout à trac:

"Connais-tu Franck Lepage ?"

C'est lui.

Je pus alors répondre, en usant de l'idiome propre aux gens de mon âge et popularisé par le chantre de notre génération rebelle:

"Ah, que oui, il connaît."

J'avais bu assez de bourbon pour croire que c'était du ouisqui et ne pas m'étonner qu'une jeune inconnue - certes charmante, pétillante et vendéenne, mais inconnue - me pose une question aussi incisive.

Quelque chose de Tennessee...

En réalité, cela faisait à peine deux jours que j'avais découvert l'existence de ce merveilleux conférencier gesticulateur qu'est Franck Lepage. Et, après avoir regardé et écouté une version "en ligne" d'Inculture(s) I "L'éducation populaire, monsieur, ils n'en ont pas voulu", je vis que cela était bon.

Et même très bon.


En juillet 2005, en Avignon...

La vidéo que vous trouverez sur tvbruits.org a été tournée en mai 2007. C'est cette version que vous trouverez sur le site de la Scope Le Pavé, coopérative d'éducation populaire dont Franck Lepage est membre.

Sur le même site, vous pourrez lire le texte de cette conférence gesticulée, dans la version donnée en octobre 2006 à Bruxelles, commander le DVD et le livre de Inculture(s) I, et découvrir bon nombre de bonnes choses intelligentes, comme ce Dictionnaire collectif de la Langue de Bois et des concepts opérationnels, qui vous deviendra vite indispensable.


Afin de pouvoir continuer à briller dans les soirées festives, je vais commander au plus vite, c'est-à-dire dès que j'aurai trouvé un timbre, le DVD d'Inculture(s) 2, "Et si on empêchait les riches de s'instruire plus vite que les pauvres", qui promet en outre de me faire comprendre "pourquoi j'ai raté mon ascension sociale".

Il est ainsi présenté:

En 1792, la Convention auditionne le rapport du marquis de Condorcet sur l'instruction publique. Qui se souvient des autres projets d'éducation, dont celui de Mirabeau, de Talleyrand, et celui de Lepelletier de St Fargeau. A la différence de ce dernier qui organisait vraiment les conditions d'une égalité des apprentissages et des savoirs, le plan de Condorcet comporte un fort risque d'élitisme et une différenciation des citoyens par le savoir, difficulté habilement contournée par le recours ambigu au concept de "méritocratie". Deux siècles et 182 ministres plus tard, on pose toujours la question : "Comment concilier égalité des savoirs et méritocratie ?" On ne le peut pas ! La méritocratie et l'égalité sont inconciliables ! Ce sont deux principes opposés et il faut nécessairement choisir, le comble de la perversité étant de choisir la méritocratie en faisant semblant de désirer l'égalité.

On ne peut pas dire que cela manque de lucidité...


PS: Le rapport de Franck Lepage,pour le ministère de la jeunesse et des sports, publié en janvier 2001, Le Travail de la culture dans la transformation sociale : une offre publique de réflexion du ministère de la jeunesse et des sports sur l'avenir de l'éducation populaire, est toujours téléchargeable sur le site de la Documentation Française. C'est moins drôle qu'une conférence gesticulée, mais cela reste intéressant...

4 commentaires:

Agronome sifflotant a dit…

Je savais que ça allait te plaire!

Le lendemain, au jardin, j'ai taillé les pieds de tomate avec une ardeur renouvelée.

Bises (à demain!)

Guy M. a dit…

Je ne vois pas comment tu aurais pu te tromper sur ce point...

(Je n'ai pas planté de tomates, mais je couve d'un regard ardent la poussée des zaricots verts.)

A demain.

JBB a dit…

Hormis le plaisir de découvrir Franck Lepage, je constate que tu fais partie de ces joyeux happy fews qui ne cessent d'enchaîner soirée sur soirée, dans les lieux les plus brillants de la capitale et avec certains de ses esprits les plus éclairés. Classe… :-)

(J'ai changé d'avis sur le bourbon ; finalement, je trouve ça très bon)

Guy M. a dit…

On entre là dans le domaine de ces activités inavouables qui font de moi le papy de l'année dans la blogosphère zinfluente.

(Le bourbon est quand même bien meilleur que le ouisqui breton.)