Démocratie
"Le drapeau va au paysage immonde, et notre patois étouffe le tambour.
"Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques.
"Aux pays poivrés et détrempés! - au service des plus monstrueuses exploitations industrielles ou militaires.
"Au revoir ici, n'importe où. Conscrits du bon vouloir, nous aurons la philosophie féroce; ignorants pour la science, roués pour le confort; la crevaison pour le monde qui va. C'est la vraie marche. En avant, route!"
Arthur Rimbaud, Illuminations.
(Comme j'ai encore perdu mon exemplaire papier, j'ai utilisé l'édition électronique de l'édition originale de 1886 que François Bon a faite sur le site Athéna de l'Université de Genève, site de ressources qui mérite une visite.)
Vous vous doutez bien que je n'ai pas retrouvé tout seul cette référence rimbaldienne, même si j'avais gardé en mémoire la belle expression de "révolte logique", à laquelle, d'une manière bien à elle, mon adolescence à rallonge s'est accrochée dans ses tentatives de cohérence.
J'ai relu ce poème en prose, que Rimbaud dut jeter sur le papier après l'écrasement de la Commune de Paris, et la naissance consécutive de la troisième république, la belle, la grande, la dé-mo-cra-ti-que, dans un des huit textes du recueil publié fin avril par les éditions La Fabrique.
C'est Kristin Ross qui le cite dans Démocratie à vendre, où elle revient sur le mini-traité européen et sur le "non" irlandais. J'ai pensé que cela constituerait une bonne lecture pour le jour d'aujourd'hui. Il m'arrive de me laisser guider par les circonstances...
Kristin Ross est professeure de littérature comparée à la New York University, elle a publié en français : Mai 68 et ses vies ultérieures (Complexe, 2005) et Rouler plus vite, laver plus blanc (Flammarion, 2006). Elle a publié en 1988 The Emergence of Social Space: Rimbaud and the Paris Commune qui devrait paraître en français cette année, peut-être sous le titre Rimbaud et la Commune aux éditions Textuel (je dis "peut-être", car ce titre est déjà celui d'un livre, assez ancien, de Pierre Gascar).
Comme nous sommes en démocratie, j'ai préféré m'isoler avec ce livre tonique, plutôt que de rendre une visite à l'isoloir installé de la mairie de Trifouillis-en-Normandie, où je suis inscrit.
J'ai pris grand plaisir à lire l'article de Kristin Ross, et dans la foulée, je me suis offert la lecture de la Note liminaire sur le concept de démocratie de Giorgio Agamben, et la réflexion d'Alain Badiou sur la notion (pertinente) d'Emblème démocratique.
Pour la soirée, j'hésite entre les contributions de Daniel Bensaïd, Wendy Brown, Jean-Luc Nancy, Jacques Rancière et Slavoj Zizek.
C'est tout de même un peu plus stimulant que l'idée d'une soirée spéciale à la télé, non ?
2 commentaires:
"j'ai préféré m'isoler avec ce livre tonique, plutôt que de rendre une visite à l'isoloir"
Tu devrais avoir honte. Ceusses qui ne remplissent pas leur devoir démocratique ne méritent que le pal et la dénonciation en place publique. Surtout quand - comme toi - ils en profitent pour se cultiver (ces temps-ci, ta liste de lectures m'impressionne pas. Tu n'arrêtes pas !)
Même pas vrai, je n'ai plus le temps de lire !
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