C'est avec d'infinies précautions que je risque parfois ma souris et mon pointeur associé sur le site de Nouvelobs.com, qui n'est souvent qu'une peu ragoûtante régurgitation de dépêches d'agences, à peine vérifiées, suivies d'un ramassis de commentaires assez épais, mais fiers de l'être.
Je m'y suis retrouvé, en toute inconscience, en voulant suivre le trajet médiatique d'une information assez confuse donnée par 20minutes.fr...
C'est donc l'article (original ?) d'Elsa Vigoureux qui aurait donné les premiers éléments suivants:
Anouck Colombani, 24 ans, étudiante en master de philosophie à l’université de Paris 8, a été jointe mercredi matin par des policiers qui lui ont demandé de se rendre au commissariat de Saint-Denis. Elle s’y est rendue vers 9 heures. A 11 heures, Anouck Colombani s’est vu signifier son placement en garde-à-vue, avant d’être conduite à l’hôtel de police du département. Les policiers auraient perquisitionné son domicile, et emporté notamment son ordinateur.
Tout ceci semble empreint de l'exquise urbanité policière habituelle.
On peut supposer qu'Anouck Colombani avait eu vent des investigations sur sa personne menées par le SRPJ de Reims avec toute la discrétion requise (coups de téléphones divers aux employeurs, parents...)
La police judiciaire de Reims est en charge de l'enquête sur les "incidents" survenus lors du contre-sommet de l'OTAN à Strasbourg. On se souvient que certains lieux, douaniers ou hôteliers, s'étaient révélés particulièrement inflammables...
Essayons maintenant de suivre le raisonnement policier.
Premier indice: Anouck, militante active du syndicat Sud Etudiant, était bien présente à Strasbourg pour participer au contre sommet, et elle a pris part à la manifestation du samedi 4 avril.
Je ne pense pas qu'elle s'en cache, et je ne vois pas pourquoi elle s'en cacherait.
Comme on dit: on est en démocratie !
On peut même révéler, ce qui n'est pas un scoupe, que "lors de la manifestation du samedi 4 avril, avait reçu un projectile au visage, l’obligeant à se rendre aux urgences. Elle fut admise en Allemagne, et sortit dans la nuit du samedi au dimanche."
Et c'est là qu'intervient le second indice, irréfutable, qui mit nos fins limiers rémois sur la piste:
Les autorités allemandes ont communiqué par la suite à la police françaises le nom de cette militante de Sud Étudiant, qui lorsqu’elle fut admise aux urgences, « sentait la fumée » à leurs dires...
Il faut admirer la remarquable efficacité de la police allemande dans les investigations olfactives. Alors que, sortant d'une manifestation où les gaz lacrymogènes furent déversés avec grande générosité, il ne leur a pas échappé que ses vêtements et ses cheveux sentaient surtout la fumée !
Comme aurait pu conclure le procureur du tribunal des flagrants délires:
Donc, ma cliente est coupable...
Ne riez pas, je vous prie. Pour construire, et surtout maintenir, un raisonnement d'une telle subtilité, il faut en avoir là-dedans.
Anouck a été relâchée vers minuit, après une douzaine d'heures de garde à vue.
La routine d'une enquête...
Selon le communiqué de Sud Etudiant:
Le ministère de l’intérieur a d’ores et déjà félicité les enquêteurs strasbourgeois pour « leur minutieux travail ». Six personnes ont été interpellées hier à Strasbourg pour leurs liens présumés avec les affrontements lors du contre sommet de l’OTAN. De plus, un des organisateurs du sommet, qui a notamment négocié le parcours de la manifestation du 4 avril à lui aussi été interpellé il y a quelques jours. Encore une fois, les autorités cherchent des responsables, et n’en trouvant pas, en inventent de toute pièce. Sous des motifs inexistants, avec comme simple preuve la présence sur les lieux, les forces de l’ordre se permettent d’interpeller et de placer en garde à vue militant-es politiques ou syndicaux, manifestant-es et opposant-es au régime actuel.
4 commentaires:
"Un incendie durable..."
:-)
Comme tu le soulignes si efficacement, ça sent le bidonnage à pleins naseaux. Ne serait-ce que pour l'histoire de la fumée : quand on est rentré de Strasbourg, il a fallu (et je pense qu'il en a été de même pour une bonne partie des manifestants) que je passe mon sweat et mon jeans deux ou trois fois à la machine pour le débarrasser de l'aigreur des lacrymos et d'une odeur se rapprochant sans nul doute de la fumée. (Mais voilà, personne ne m'arrête jamais, moi…)
Ben oui mais.
Tu n'as pas été dirigé vers un hôpital allemand, livré à flic teuton qui doit être une brigade cynophile à lui tout seul.
Alors, patience...
En ce qui concerne la qualité des articles en ligne des hebdos du genre Nouvel Obs (et surtout les conditions de travail), voir cet article du Monde :
http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2009/05/25/les-forcats-de-l-info_1197692_3236.html
Bises, monsieur Guy,
D.
C'est pas jojo, le monde de l'info...
Bises, madame Dorémi.
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