Le camp No Border de Calais a été étouffé avec tant de soin que rien, ou presque rien, n'est paru dans les médias nationaux. Seuls les médias locaux se sont appliqués à en suivre le déroulement.
A leur manière.
C'est ainsi que j'ai dû subir la lecture des nombreux articles fielleux d'un certain Laurent Renault, journaliste à La voix du Nord, quotidien qui, si j'étais nordiste, me ferait rêver d'être aphone.
Mais bien sûr, ma prudence naturelle, et mon respect de la déontologie du blogueur, m'ont conduit à vérifier, compléter et recouper les informations avec les témoignages et les analyses des participants. Il suffisait de consulter les sites d'Indymédia-Lille, et du Jura Libertaire régulièrement mis à jour.
Car, au final, la manière de Laurent Renault m'a semblé assez singulière.
Il s'ouvre par ce curieux chapeau:
Match nul, tout le monde a gagné ! À l'issue de la manifestation, chacun des deux camps, No Borders et État, a pu faire ses comptes. Un seul incident, pas de blessé, la fête... Un défilé classique qui a réuni un petit millier de personnes à l'appel des syndicats Sud et Solidaires.
Vous pourrez chercher dans la suite un quelconque retour sur ce "seul incident"...
Quant au titre, il semble motivé par ceci:
10 heures. - Une longue file sort du camp No Border installé depuis le début de semaine rue Normandie-Niemen. Depuis plusieurs jours, la provocation entre ces militants d'extrême-gauche et les forces de police ont placé le défilé sous une certaine tension. Le grand jour est arrivé. Synonyme de toutes les peurs. Et ce sont des clowns et des musiciens qui ouvrent le bal masqué. Car dans le cortège, de nombreuses têtes sont cachées. Masque de Zorro pour l'un, foulard et bandana pour l'autre, des capuches aussi sous cet écrasant soleil.
N'attendons surtout pas d'éléments d'information précis dans la suite de cette caricature d'article qui expédie la fin de la manifestation en quelques mots:
(...) quelques messages et autres témoignages, les syndicalistes remontent dans les bus. Les No Borders accompagnés jusqu'au pont Vétillart. Les troupes se dispersent.
Mais puisque le besogneux Laurent Renault a dû apprendre qu'un journaliste avait, avant de lâcher sa prose, à écouter et retranscrire, il consacre un paragraphe entier au sort d'une mamie dans l'embarras:
Otages. - Les personnes présentes à la manifestation ont dû prendre leur mal en patience avant de regagner le centre-ville. « Je suis avec ma petite fille, on n'est pas des terroristes quand même ! » insiste cette Calaisienne garée deux rues derrière. Elle patientera. Comme tout le monde. Pas de différence entre gentils et méchants.
J'imagine que cette géniale opposition gentils/méchants a dû lui plaire, puisqu'il la reprend, d'un manière qui m'échappe un peu, dans sa conclusion:
Victoire. - Dans cette partie, tout le monde a gagné. les syndicalistes ont manifesté les No Borders étaient pacifiques il y avait des méchants parmi les gentils les policiers ont fait en sorte que tout se passe pour le mieux dans chacun de leurs mondes...
Ce camp a décidément quelque peu dérangé le monde du talentueux Laurent Renault...
(On pourra comparer avec ce récit d'un participant dans le Jura Libertaire)
La prose de ce pathétique personnage à la rancoeur si racornie que ça doit quand même le gêner un peu pour sourire, se retrouve le lendemain dans un article-bilan, intitulé: Comme un dimanche normal, sans CRS ni No Borders, où nous pouvons apprendre que "les Calaisiens ont repris leurs habitudes. Comme les migrants. Tous les autres sont repartis."
L'article, qui se hisse à un niveau d'analyse inouï (on notera aussi l'efficace poncif de la compassion), se conclut par:
Pourquoi les Calaisiens ne se sont-ils pas joints à cette manifestation ? Voilà bientôt quinze ans qu'ils vivent au quotidien avec les migrants, dans l'indifférence, dans la compassion, en offrant des dons, du temps. Parfois ça exaspère. des drames remettent les discussions à plat. Le tout dans un contexte économique difficile. Elle est peut-être là leur priorité. De la frontière anglaise à Calais, pour sûr on en reparlera comme on en parle depuis quinze ans. Alors en attendant, les Calaisiens sont allés à la plage oublier un peu tout ça.
Mais il y a des Calaisiens qui pourraient juger que Laurent Renault les calomnie...
Je suis sûr qu'il y en a qui s'emmerdent autant que moi à la plage.
PS: Comme pour certains articles de presse, mon titre est purement bruitiste.
Et rhétorique: on sait bien que la Voix du Nord est la voix de ses maîtres.
On pourra consulter avec profit le numéro 12 de La Brique, ainsi que ces articles mis en ligne.
Par ailleurs, l'excellent Jura Libertaire a reçu ceci:
Mise en demeure
Lille, le 24 juin 2009
Monsieur le Directeur de la Publication,
Nous avons constaté que sont reproduits et diffusés des articles parus dans LA VOIX DU NORD sur le site juralibertaire.over-blog.com que vous éditez notamment à l’adresse suivante : http://juralibertaire.over-blog.com/article-32844337.html
Cependant, à aucun moment vous n’avez sollicité ni obtenu notre accord pour la reprise de ces articles.
Je vous rappelle que ces diffusions non autorisées sont constitutives du délit de contrefaçon, sanctionné par l’article L.335-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Dans ces conditions, nous vous mettons en demeure de retirer de ce site l’ensemble des articles de la Voix du Nord dans un délai de quarante-huit (48) heures à compter de la réception de la présente.
À défaut, nous nous réservons la faculté d’engager toute procédure judiciaire, notamment en référé, afin de faire valoir nos droits.
Dans l’attente de vous lire, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur de la Publication, l’expression de mes sincères salutations.
5 commentaires:
Ah mais je ne savais pas qu'il fallait une autorisation pour faire de la pub à un canard !
La voix du nord est redevable auprès du site jura libertaire qui leur fait de la pub gratuitement. Quelle ingratitude !
@ Lucide,
...surtout un canard boiteux.
@ Marianne,
C'est peut-être "libertaire" qui les gêne.
Félicitations pour avoir eu le courage de te plonger dans la prose de Laurent Renault.
Quand j'ai bossé dans la PQR, j'ai rencontré quelques tordus (et des gens très bien, aussi). Mais aucun n'arrivait à la hauteur de ce bonhomme en matière de persiflage et de désinformation à la solde du pouvoir. Il mériterait une médaille. Disons : les comices agricoles.
J'ai une plus haute idée des comices agricoles, tout de même...
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