Nous autres, gens de Normandie, ne sommes pas peu fiers de pouvoir narrer à nos visiteurs qu'à la fin des années 1930, le peintre Joan Miró s'installa chez nous, au Clos des Sansonnets, à Varengeville-sur-Mer, et que, y découvrant les merveilles de nos ciels nocturnes remarquablement limpides et dégagés, il conçut et commença les gouaches qui allaient constituer la grande série des Constellations.
L'équilibre atteint par Miró dans les œuvres de cette suite ne doit pas nous faire oublier les tonalités souvent sombres des fonds et les traces d'éléments figuratifs inquiétants. Il faut aussi les regarder en pensant à cette note personnelle de travail, écrite en 1940:
Les traits que je dessinerai doivent être très aigus, cris poignants de l’âme, balbutiements d’un nouveau monde et d’une nouvelle humanité qui se lève des ruines et de la pourriture d’aujourd’hui …
Les lieux où s'exprime encore, de diverses manières, une humanité déjà levée qui veut simplement rester debout, forment une constellation fragile de lumières qui refusent de passer sous l'éteignoir.
Les cercles de silence qui établissent, dans les villes, ce "silence des forts et des persévérants" forment un réseau de plus en plus dense d'appels aux consciences, en affirmant seulement ceci:
Notre silence le crie et continuera de le crier jusqu'aux changements indispensables.
J'y suis allé vendredi dernier pour avoir des nouvelles, en compagnie de Flo Py qui a pris de superbes photographies qu'elle devrait poster sur son blogue, ou sur le blogue de la Fleur au Fusil, et qu'elle aurait envoyées au comité de soutien, si elle avait réussit à surmonter la terrible crise de timidité paralysante dont elle souffre actuellement et qui l'a récemment empêchée d'aller voter.
A Montrouge, nous avons appris que les pièces exigées pour déposer une demande de visa sont maintenant réunies, qu'il faudra les faire parvenir à Mohamed et soutenir sa demande par des lettres à adresser au consulat. Un modèle de courrier devrait être proposé sur le site des soutiens.
La pétition continue de recueillir des signatures; leur nombre s'élève maintenant à 2500.
Il y a bien une lumière qui insiste, à Montrouge.
C'est peut-être cette volonté que l'on repère dans les yeux de Nadia, qui voient tout, lisent sur les lèvres, suivent la transcription en langage des signes.
Et ce sera très beau, le jour où ce regard accompagnera un grand sourire, le jour où Mohamed reviendra...
Depuis octobre 2006, chaque deuxième mardi du mois, le Réseau éducation sans frontières appelle à un rassemblement, à 18 heures 30, au métro Belleville.
Voici le texte du tract distribué aujourd'hui:
Un habitant de nos quartiers demande un "titre de séjour maladie" pour sa femme atteinte d'un cancer; on lui dit qu'il faudra que la personne se déplace. Comme elle ne peut pas se tenir debout, la guichetière promet qu'un fonctionnaire se déplacera jusqu'à l'ambulance. Le jour venu, la dame vient en taxi (l'ambulance coûte trop cher) et il faut insister pour avoir une réponse. Cette réponse viendra "dans quelques mois".
Cet épisode répugnant est banal. Mais quand nous les citons comme preuves de l'inhumanité de la politique anti-étrangers, on nous répond que Resf joue sur les sentiments, qu'on est dans l'émotionnel.
C'est vrai. S'indigner des enfants dans les centres de rétention, ou laissés à leur sort parce que papa ou maman ont été embarqués, constater la peur des sans-papiers, s'émouvoir parce qu'on casse des existences et des liens, c'est de l'émotion. Cette émotion, nous en faisons part, de vive voix, par fax, par mail, aux commissariats et aux préfectures, mais aussi à la presse et partout autour de nous.
Ah si seulement nous étions raisonnables... Si nous nous rendions compte que des êtres humains qui ont un "numéro étranger" sont là pour être chiffrés, comptés, administrés (place dans un centre de rétention, réservation des places d'avion, communiqués de presse triomphants du ministère de l'identité nationale : comptage à tous les étages). Désignés aussi par le calcul politicien : on communique coco, la méfiance vis-à-vis de l'étranger, ça marche toujours.
Nous ne sommes pas "raisonnables", en tout cas pas à leur manière, parce qu'il n'est pas vraiment rationnel de vouloir arrêter la mer avec les doigts et de construire des murs partout en croyant qu'ils sont infranchissables. Oui, "nous sommes dans l'émotion". Nous éprouvons, chacun à notre façon, des sentiments qui se nomment : souci de l'autre, réflexe d'entraide, envie de passer du ressenti à l'action. Ce n'est pas de l'émotionnel passager, ce n'est pas le voyeurisme vis-à-vis des drames lointains : c'est la volonté d'être avec nos voisins. De façon constante et réfléchie.
C'est notre force...
A Belleville, tous les mois, s'allume également un bout d'étoile d'une constellation déraisonnable...
4 commentaires:
"Nous autres, gens de Normandie, ne sommes pas peu fiers de pouvoir narrer à nos visiteurs qu'à la fin des années 1930, le peintre Juan Miró s'installa chez nous"
Oui mais non. Ça, c'est parce que vous n'avez jamais eu personne, à part lui, pour souhaiter s'installer en Normandie. (smiley ricanant et très mal venu de la part d'un Vosgien…)
"Il y a bien une lumière qui insiste, à Montrouge"
Finalement, il y a plein, de ces lumières. Bientôt, ça fera un grand brasier. Enfin : j'espère.
Tu peux bien ricaner: on a raté notre coup avec Obama, mais s'il n'est pas resté c'est que Sarko voulait rester aussi, et ça, c'était insupportable pour notre ami Barak...
Pour le reste, oui, on finira bien par y voir clair.
"on a raté notre coup avec Obama"
Bien vu. :-)
Dommage, ça aurait eu de la gueule. Je vois bien la déclaration : "Ich bin ein Normander"…
Remarque, il revient quand il veut, il est chez lui dans tous les cimetières américains...
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