mardi 18 novembre 2008

Sûrement pas en notre nom

Karine, cette jeune congolaise dont j'ai évoqué le "cas" ici, et , et là aussi, a donc été présentée hier à l'audience du tribunal de grande instance de Bobigny.

Le courriel que j'ai ouvert ce matin commence ainsi:

Bonsoir à tous,

Le formidable élan dont vous avez témoigné n'a pas pour l'instant porté les fruits espérés. Au terme de l'audience au TGI de Bobigny, éprouvante tant pour Karine que pour les nombreux soutiens sur place, le juge a décidé de reporter l'audience au 15 décembre, demandant dans l'intervalle une expertise psychiatrique et le maintien de Karine en détention à la prison de Fleury.

La consternation, voire même la stupeur, était visible même sur les visages des autres personnes en attente de jugement.

Et se termine par ces mots:

L'appel reste en ligne. Nous réfléchissons sur les suites à donner une fois le choc de cette journée passé. Nous vous tiendrons au courant.

Vous trouverez cet appel à l'adresse que j'ai déjà donnée. Le "dossier" de Karine sur le site des amis de RESF s'est enrichi du courriel que je viens de citer, qui inclut le témoignage d'une personne qui était sur place.

Témoignage éloquent sur la manière dont la justice est rendue, en quelque sorte, en notre nom.

Actuellement, juste avant de poster, 416 personnes ont exprimé, en plaçant leur nom au bas de la liste des soutiens de Karine, que cette décision de justice n'était pas prononcée en leur nom.

Rien de plus simple que de les rejoindre.


N'allez pas imaginer que je fais une fixation sur le cas de Karine.

Non, je fais du sentiment.

Karine a l'âge et devrait avoir le visage des mes élèves de l'Institut Pédagogique de la Gombé, cette centaine de jeunes filles qui, avec le sérieux et la gaieté de toutes les jeunes filles du monde, ont eu à supporter mes premiers balbutiements d'enseignant. Je n'ai jamais retrouvé ailleurs cette attention devant les explications et surtout cette déférence gentiment amusée devant mes maladresses au laboratoire (on m'y faisait dispenser le cours de physique et chimie, domaines où ma nullitude était pourtant indépassable...)

Mais Karine est dans l'état de désorientation où se trouvaient ces "fous" qui survivaient aux abords du quartier de Limété, sur le boulevard Lumumba, surnommé "boulevard de la mort" à cause de la fréquence et de la gravité des accidents de la circulation qui s'y produisaient. Sales, dépenaillés, hirsutes, à moitié nus et couverts de poussières, on les laissait en paix, mais je ne crois pas qu'on les aidait beaucoup à vivre. Certains sont demeurés longtemps, d'autres ont vite disparu, vite remplacés...


Ne pas faire de sentiment, ce serait pour moi repousser résolument ces deux images-souvenirs. Ce serait donc repousser une part essentielle de ce que j'ai vécu, de ce que je suis.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est à vomir...

Guy M. a dit…

Oui, c'est à vomir quand on suit ton lien...

Mais on sent bien qu'on n'est pas de la même race que ces gens-là, puisqu'ils y tiennent à cette notion...

Anonyme a dit…

Tu as raison : il faut faire du sentiment. Sinon, autant devenir un abruti fini tout de suite, à l'image de ce Zemmour que tu évoques avec Flo Py.

Guy M. a dit…

...sans sentiment, de quoi Guy M. serait-il le nom ?