vendredi 21 novembre 2008

Nous sommes tous de présumés blaireaux



Voilà une dizaine de jours, nous ne savions même pas précisément combien de personnes étaient en garde à vue après la brillante prestation policière du 11 novembre. Les gardés à vue n'avaient ni nom, ni visage...

Un mystérieux Julien C. fut présenté comme "chef présumé des saboteurs". Personne ne remarqua que l'expression était incorrecte: il fallait dire, afin de respecter la règle de présomption d'innocence, "chef présumé des présumés saboteurs", ce qui, phonétiquement et rythmiquement, n'est pas sans charme. Mais je n'obligerai jamais personne à avoir mon sens du rythme.

Peu à peu, le nom de Julien Coupat apparut dans la presse, et la radio nous apprit mardi dernier que ledit Julien Coupat, toujours "chef présumé des saboteurs", avait un père. Monsieur Gérard Coupat, père digne et indigné, fut ce jour-là l'homme le plus interrompu de France: il avait malheureusement fait le choix de s'exprimer par téléphone, et un téléphone cela se couvre facilement lorsqu'on tient le micro.

Son indignation, assise sur un solide bon sens, put pourtant être entendue. Mais fut peu répercutée.

On nota qu'il évoquait l'écriture poétique, et qu'il citait André Breton... On le reprit sans malice, ou avec l'inculture ordinaire: personne n'essaya de le coincer en évoquant "l'acte surréaliste le plus simple" du second manifeste du surréalisme... On se contenta de l'interrompre et de le remercier avant de passer à la pub.

LeFigaro.fr ira plus loin dans les révélations en illustrant un article de Christophe Cornevin d'une photographie bien floue du "saboteur présumé", photo dont l'origine n'est pas précisée, mais qui semble provenir d'une photo prise par un "civil" opérant en "manif" et démesurément agrandie.

On pourra se dispenser de lire l'article, puisque je donne la photo.

Le flou lui va bien, comme il allait bien à G.-E. Debord.

Plus sérieusement, on commence à réfléchir un peu plus sur ce qui se passe.

Je pense que c'est à Eric Hazan que revient l'honneur d'avoir élevé le niveau de la réflexion, mais cette réflexion il l'avait commencée il y a longtemps. Vous trouverez ici ses propos éclairants.

Après s'être (une fois de plus) déshonoré en publiant un article sur L'insurrection qui vient, qualifié de "bréviaire anarchiste" - cet "article" aurait pu être signé du Procureur Marin -, Liberation.fr s'est fendu d'un second article, signé Edouard Launet, sur ce "court essai lyrique et radical". Se contentant de survoler et de noter quelques influences, le texte de Launet arrive à donner tout de même l'impression qu'il a lu le livre; c'est déjà beaucoup.

Là où Liberation.fr étonne, au vu de ses contributions précédentes, c'est lorsqu'il publie, dans sa page Rebonds, où l'on ne rebondit pas trop loin en général, le texte de Giorgio Agamben, intitulé Terrorisme ou tragi-comédie.

Texte limpide, que je ne puis que vous conseiller de lire, dont voici la conclusion:

La seule conclusion possible de cette ténébreuse affaire est que ceux qui s’engagent activement aujourd’hui contre la façon (discutable au demeurant) dont on gère les problèmes sociaux et économiques sont considérés ipso facto comme des terroristes en puissance, quand bien même aucun acte ne justifierait cette accusation. Il faut avoir le courage de dire avec clarté qu’aujourd’hui, dans de nombreux pays européens (en particulier en France et en Italie), on a introduit des lois et des mesures de police qu’on aurait autrefois jugées barbares et antidémocratiques et qui n’ont rien à envier à celles qui étaient en vigueur en Italie pendant le fascisme. L’une de ces mesures est celle qui autorise la détention en garde à vue pour une durée de quatre-vingt-seize heures d’un groupe de jeunes imprudents peut-être, mais auxquels «il n’est pas possible d’imputer une action». Une autre tout aussi grave est l’adoption de lois qui introduisent des délits d’association dont la formulation est laissée intentionnellement dans le vague et qui permettent de classer comme «à visée» ou «à vocation terroriste» des actes politiques qu’on n’avait jamais considérés jusque-là comme destinés à produire la terreur.

Une petite main de l'anti-terrorisme

LeMonde.fr prend lui aussi de la distance avec les informations officielles et revient sur Les neuf de Tarnac, dans un article bien documenté, dont on se demande s'il n'aurait pas pu paraître plus tôt.

Même la presse très régionale de ma région se met à donner des informations qui utilisent des sources autres que les sources policières ou judiciaires. J'ai pu le constater en achetant, ce matin, le journal local.

Je vous en parlerai peut-être demain

3 commentaires:

myriam a dit…

tu peux expliquer aux incultes (et fénéants) l' "acte surréaliste le + simple"??

Merkiguy!

myriam a dit…

fainéants?
skiouzes...

Guy M. a dit…

Nonon, il faut chercher (un peu coup de gougueule et ça marche...)