Ce matin, à 8 h 30, a eu lieu la levée des corps d'Abdel Kader Akrout et de Mehrez Slimen, à l'institut médico-légal de Paris.
Ils seront inhumés en Tunisie, près des leurs.
Il semble qu'aucun ministre ne soit venu leur rendre un dernier hommage.
Mais les médias, il est vrai, ne s'étaient pas empressés de leur accorder le titre de "héros ordinaire".
Le 28 septembre, l'incendie de cette maison à Pantin
a fait six victimes ordinaires.
(Photo : Site de la Cip-IdF)
a fait six victimes ordinaires.
(Photo : Site de la Cip-IdF)
Avec six morts, il était difficile de parler de "tragique fait divers", alors on a parlé de "drame".
Un mot qui autorise les savants développements, car tout drame, on dirait, se doit d'être drame de quelque chose...
Et ces commentaires nous ont été abondamment rapportés, dans toute leur indécence.
Soigneusement canalisés par les forces de l'ordre, qui "sécurisaient" la présence de monsieur Claude Guéant et du préfet Claude Lambert, les journalistes n'ont guère cherché, le jour même, à recueillir les témoignages des rescapés ou des voisins. Ils se sont contentés de ceux qui leur étaient aisément accessibles, afin d'agrémenter leurs papiers d'un peu de couleur locale.
Marie Barbier, journaliste à l'Humanité, qui tient le blogue "Laissez-passer", ne s'est pas contentée de ce travail minimal. Si son premier billet, «Les gens hurlaient et tapaient sur la tôle», daté du 29 septembre, retranscrit surtout, comme il se doit, les propos des officiels, le deuxième, posté le 5 octobre, va beaucoup plus loin dans le recueil des témoignages.
Il s'intitule «J’entends encore le cri des morts», et il faut le lire.
(Comme il faut lire, sur le site de la Cip-IdF, le texte de colère Je suis une montagne de feu.)
Les ayant lus, je suis tombé, un peu par hasard, sur une dernière analyse du "drame de Pantin", et je lui ai accordé le premier prix de l'obscénité caritative.
C'est intitulé :
Derrière le drame de Pantin, l'échec de l'aide au retour.
C'est signé de Matthieu Balu, et ça a été publié le 4 octobre dans l'hebdomadaire La Vie - autrefois catholique et illustrée, mais ils ont bien vu que ça faisait trop pour une seule Vie.
Et bien sûr, ça déplore que l'aide au retour ait été si dévaluée au mois de juin, pour des raisons budgétaires - et aussi, dit-on, pour éviter le fameux "risque d'appel d'air" qui fait si peur aux frileux de souche - au point de d'être devenue "presque dérisoire au regard de la rançon versée à un passeur pour traverser la Méditerranée".
Se plaçant "derrière le drame", comme il dit, mais discourant sur le dos des morts, Matthieu Balu fait son intelligent qui a tout compris et connaît la solution : l'ARV, l'aide au retour volontaire !
Pour son subtil plaidoyer, le défenseur de l'ARV a embauché un assesseur de poids, en la personne de l'auto-proclamé idiot utile, monsieur Pierre Henry, directeur général de l'association France-Terre d’Asile de service.
(...) En militant pour un meilleur fonctionnement de l’ARV, France-Terre d’Asile est parfois critiquée par les autres associations d’aide aux migrants, qui y voient une manière pour le gouvernement de gonfler les chiffres des expulsions.
Un argument insuffisant, pour Pierre Henry : "Je n’ai pas de problème avec l’aide au retour. Alors on me dit parfois que je suis l’idiot utile. Vaut-il mieux être l’idiot ou le criminel ? Le maintien dans la précarité de ces gens, sans solutions de retour, c’est une erreur dramatique et dangereuse du ministère de l’intérieur. Il faut à la fois un dispositif d’accueil temporaire digne, et une aide au retour volontaire efficace." (...)
En arguant de cette dialectique de l'idiot et du criminel, on peut dire que monsieur Pierre Henry nous ouvre des perspectives intéressantes sur les abysses de bêtise de l'humanisme crétin.
4 commentaires:
http://vimeo.com/15895170
les raisons du drames sont explicitement chantées (vers la 2eme minute), en 1973, déjà
Belle illustration du principe de déterminisme...
(Et son application est ici beaucoup plus convaincante que l'exercice de Matthieu Balu et Pierre Henry.)
"L'intéressant" Matthieu Balu ici :
Vous faites d'une analyse des dysfonctionnement de l'aide au retour un plaidoyer politique c'est votre droit. Mais ça n'est absolument pas le propos de l'article. Qui parle d'appel d'air? Pas moi. Les guillemets ont du vous échapper. Une dernière chose, les victimes étaient toutes en pleine démarche de demande d'aide au retour, d'où l'angle de l'article, d'où l'identité du principal intervenant.
On peut discuter de l'opportunité de cette mesure, de la politique migratoire, des conditions d'accueil, de vie des migrants, on peut s'engueuler sur un sujet aussi grave; mais ne placez pas de mots dans ma bouche, ou d'intention autre que l'exergue de l'article: le problème du non versement de l'aide au retour.
Je n'ai pas la prétention de traiter d'un problème plus global avec quelques milliers de signe. Sur le point traité, je peux me planter bien sûr, mais un procès d'intention biaise votre analyse.
Vous avez raison, le "risque d'appel d'air" n'aurait pas dû être mis en bleu, laissant supposer qu'il s'agissait d'un extrait de votre article... Excusez-moi, j'ai modifié.
Les renseignements reçus à l'époque ne m'ont pas amené à conclure que toutes les personnes touchées étaient en demande d'aide au retour. Mais ce n'est pas aisé à vérifier.
Et puis, je dois dire qu'après la mise en scène préfecto-ministérielle, les propos de Pierre Henry m'ont paru - et me paraissent toujours - d'une indécence assez rare.
Bref.
En tout cas, si vous devez "couvrir" les questions d'immigrations, je vous souhaite bon courage...
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