lundi 10 octobre 2011

Une opposition courageuse

On ne naît pas femme, on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin.
Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, 1949.


Celles et ceux qui comprennent vite à condition que leur confesseur y mette le temps ont encore bien du mal à reconnaître quelque justesse dans cette assertion beauvoirienne.

Alors, il n'est pas étonnant que tout leur être se cabre et se révulse lorsque ce même confesseur leur décrit les abominations sociétales qui devraient affecter leur meilleur des mondes créés si le "Gender" devait devenir un "paradigme dominant"...

Une polémique est ainsi née sur l'introduction, dans les manuels de SVT des classes de première de nos lycées, de quelques remarques de bon sens sur la notion, pourtant bien vague, d'identité sexuelle. Toujours à l'écoute, le groupe UMP a décidé, à la rentrée, de réunir une mission parlementaire afin d'étudier la question épineuse des programmes scolaires. Le très performant ministre de l’Éducation Nationale, monsieur Luc Chatel, aurait même envoyé une lettre de mission à monsieur l'inspecteur général de l'éducation nationale Michel Leroy, afin qu'il jette un œil attentif sur les manuels scolaires, d'ici fin 2011, début 2012.

L'Association pour la Fondation de Service politique, qui mène une partie de la mobilisation contre l'introduction du déstructurant "Gender" anglo-saxon dans notre enseignement à nous, devra donc un peu patienter avant de crier sa victoire.

En attendant, l'AFSP reste vigilante.

Son site a ainsi relayé avec soin, la lettre que Elizabeth Montfort et Nicole Thomas-Moro, respectivement présidente de l’Association pour un Nouveau Féminisme Européen, et sa porte-parole, ont envoyée à monsieur Laurent Wauquiez, ministre de l'Enseignement Supérieur, afin de s'indigner de la remise des insignes de docteur Honoris Causa à Judith Butler, par l'Université Michel de Montaigne de Bordeaux.

Le paragraphe suivant donne une assez bonne idée de la hauteur de l'argumentaire :

Les conséquences d’un tel cautionnement sont considérables, et vous ne pouvez l’ignorer. Êtes-vous prêt, à ce point, pour plaire à une minorité agissante, à renoncer à l’électorat qui en 2007, vous a donné sa confiance? Êtes-vous prêt à le perdre pour l’avoir de façon incompréhensible ignoré ?

Que monsieur Wauquiez ait répondu ou non, la cérémonie universitaire a bien eu lieu, le 5 octobre, à peine troublée par l'intervention d'une "minorité agissante" pas assez bruyante pour couvrir les applaudissements. Les activistes du "Renouveau Français" devaient avoir prévu ce désagrément : ils se sont munis de pancartes permettant de sous-titrer leurs propos et la mise en ligne de l'exploit pousse le son au maximum.

Hélas, au "Renouveau Français", on maîtrise assez mal la mise au point, et on ne sait pas filtrer les bruits indésirables...




Le sens de l'humour de Judith Butler n'a pas dû être trop perturbé par ce chahut puéril.

D'après Sud-Ouest, qui rend compte de cette remise de diplôme symbolique, elle venait de s'adresser à l'amphi,"dans un remarquable français", en abordant "un thème en apparence plus consensuel : le «vivre ensemble»".

«La réalité est que nous sommes forcés, quelles que soient nos appartenances, de vivre et partager la Terre avec des gens que nous n'avons pas choisis». Or ce caractère «non choisi» est à la base de toute coexistence planétaire. Et si l'on en croit Judith Butler, le seul moyen de conjurer la tentation génocidaire de ceux qui voudraient décider de qui a le droit de vivre et qui ne l'a pas, c'est bien d'admettre que «la vie qui n'est pas la nôtre est aussi notre vie».

Seul dans la presse nationale, le Figaro a donné une information sur cette remarquable, mais assez peu remarquée, action. L'article de Marie-Estelle Pech porte ce titre d'une justesse tout aussi remarquable :

La polémique sur la «théorie du genre» rebondit

Ah bon !

Bon.

Bon.

Bon.



PS :
Cadeau : on peut regarder sur YouTube, en six épisodes, le documentaire Judith Butler, philosophe en tout genre, réalisé par Paule Zajdermann en 2006, et diffusé sur Arte - le lien donné est celui du premier épisode.

2 commentaires:

Chomp' a dit…

Moi, j'aime bien les polémiques montées sur ressorts ...
;-)

Guy M. a dit…

Ceux-là, bien lubrifiés aux saintes huiles, ne devraient pas claquer de si tôt...