Alors que la presse du monde entier dégouline des hommages rendus au plus grand génie du marquétigne que nous ayons jamais connu, les journaux suédois trouveront sans doute une petite place pour annoncer que le poète Tomas Tranströmer vient de se voir décerner le prix Nobel de littérature.
Si Tomas Tranströmer n'a pas su "changer notre vie" comme on nous dit que l'a fait Steve Jobs, il a su vivre sa vie et embellir le monde de sa poésie.
Cela devrait être suffisant.
J'imagine assez bien que Tomas Tranströmer, demain, ira s'asseoir, comme d'habitude, devant son piano - où il ne peut plus jouer que de la main gauche.
Avant ou après une promenade...
Quand on n'a pas "changé le monde", à quoi bon changer ses habitudes.
(En tout cas, les marchés ne devraient pas s'en inquiéter.)
Quant à ses lecteurs, ils ouvriront peut-être au hasard l'un de ses livres, comme je l'ai fait tout à l'heure.
Et j'ai lu :
Sombres cartes postales
************I
L'agenda est rempli, l'avenir incertain.
Le câble fredonne un refrain apatride.
Chutes de neige dans l'océan de plomb. Des ombres se battent sur le quai.
************II
Il arrive au milieu de la vie que la mort vienne
prendre nos mesures. Cette visite
s'oublie et la vie continue. Mais le costume se coud à notre insu.
Et sur la page suivante :
Les ratures du feu
Durant ces mois obscurs, ma vie n'a scintillé que lorsque je faisais l'amour avec toi.
Comme la luciole qui s'allume et s'éteint, s'allume et s'éteint - nous pouvons par instants suivre son chemin
dans la nuit parmi les oliviers.
Durant ces mois obscurs, ma vie est restée affalée et inerte
alors que mon corps s'en allait droit vers toi.
La nuit, le ciel hurlait.
En cachette, nous tirions le lait du cosmos, pour survivre.
Précisions :
Les photos de Dan Hansson ont été empruntées à un site auquel je ne comprends rien...
Le livre qui s'est ouvert, assez naturellement comme s'il avait l'habitude, aux pages reproduites ici, est Baltiques, Œuvres complètes 1954-2004, de Tomas Tranströmer, paru en 2004 dans collection Poésie/Gallimard. La traduction et la préface sont signées de Jacques Outin.
Les poèmes cités appartiennent au recueil La place sauvage, datant de 1983.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire