jeudi 31 mars 2011

Berlusconiade à Lampedusa

Les "voyagistes" et autres professionnels du dépaysement tarifé peuvent se réjouir. On vient d'annoncer que Lampedusa allait bénéficier "d'un plan de relance touristique ainsi que d'un moratoire fiscal et bancaire, pour que l'île devienne une zone franche". Cette nouvelle destination ne suffira peut-être pas à relancer leurs affaires, bien affectées par les mouvements divers qui agitent certains pays, mais c'est toujours ça...

Le "plan de relance touristique" devra être de grande ampleur, car il faut bien admettre que, pour l'instant, les capacités d'accueil de l'île paraissent extrêmement réduites. Si j'en crois les chiffres glanés ici ou là, les 20 km² de ce bout de territoire italien peinent à contenir 6000 visiteurs alors que le peuplement local serait de 5000 habitants. J'ai connu des cailloux baignés par la mer Égée où la population faisait bien plus que doubler durant la saison touristique.


Bientôt à Lampedusa.

Cette annonce a été faite, hier, par monsieur Silvio Berlusconi au cours d'une visite dans l'île, où, selon toute apparence, il était venu conclure une affaire immobilière :

"J'ai cherché depuis mardi une maison sur Internet. J'en ai trouvé une très belle et l'ai achetée ce matin, je deviendrai moi aussi Lampedusain."

Il a, en outre, profité de son passage pour lancer une opération "surnommée par les médias italiens «Lampedusa propre»". Il a ainsi "annoncé que le gouvernement a préparé un plan «pour évacuer, pour libérer l'île, dans un délai de deux jours à deux jours et demi. (...) D'ici 48 à 60 heures, Lampedusa sera habitée uniquement par des Lampedusains»".

L'article d'Aurélia Vertaldi, dans le Figaro, donne quelques détails sur le mode opératoire envisagé, avec participation de l'armée. Elle ne manque pas de rappeler que "le recours au génie militaire n'est pas une première pour le Cavaliere qui a pour habitude de les appeler à la rescousse face à des situations extrêmes".

On se rappelle l'affaire des ordures de Naples (...).

Écrit-elle...

Avec une charmante innocence.


Début de la collecte des sacs poubelles.
(Photo REUTERS/Tony Gentile)


On sait que, lors de ses chevauchées verbales, le Cavaliere ne se prive pas d'enfiler, les unes après les autres, les perles rhétoriques - comme en d'autres chevauchées, les femmes.

N'oublions pas de citer celle-ci :

"L'île a dû supporter des désagréments. C'est pour cette raison que le gouvernement présentera, lors du prochain Conseil des ministres, la candidature de Lampedusa au prix Nobel de la paix."

Comment s'étonner de l’amertume d'Erri de Luca qui, dans une chronique donnée au Monde, Nous ne sommes plus fiers d'être italiens, écrivait :

Aujourd'hui, l'Italie à l'étranger est un pays ridicule. On ébauche un sourire, chacun remerciant intérieurement à sa façon les responsables de cette notoriété due à la démence sénile.

Il faut s'habituer à porter le masque de la farce publique, tenter d'exploiter d'une manière ou d'une autre la célébrité internationale de notre nouvelle image de pays de vieillards en rut, retapés, à traction avant.

(Traduit de l'italien par Danièle Valin.)

6 commentaires:

Sue Pollet a dit…

Après tout, si on considère dorénavant que le F*N est un parti comme les autres, pourquoi on ne se convaincrait pas que Berlusconi est un politicien comme les autres ?...

Guy M. a dit…

C'est peut-être même le prototype du politicien de l'avenir...

celeste a dit…

"S'il naissait aujourd'hui, il serait sur un bateau d'immigrés, jeté en mer avec sa mère en vue des côtes des Pouilles ou de la Calabre.
Peut-être continue-t-il à naître ainsi, sans survivre et le 25 décembre n'est-il seulement que le plus célèbre de ses anniversaires."

Erri de Luca (Noyau d'olive)que je cite au nom de toutes les Italiennes et tous les Italiens que Berlusconi et sa clique révulsent.

Guy M. a dit…

Merci.

(Que pèse un discours de Berlusconi à côté de deux lignes d'Erri de Luca ?)

Ysabeau a dit…

N'empêche qu'il a quand même été réélu. Et ça je n'arrive pas à comprendre pourquoi (le comment peut s'expliquer cela dit en partie).

Guy M. a dit…

S. B. est un exemple parmi d'autres, sans doute plus caricatural que d'autres, de ce que peut produire notre chère démocratie élective...