vendredi 11 mars 2011

Plus on est de fous...

Si le texte de la LOPPSI 2 était un tableau, il ressemblerait probablement à l'une de ces toiles de grands psychotiques, que l'on peut voir lors dans les collections d'art (dit) brut. Il est fréquent que les peintres y cherchent, de manière nettement obsessionnelle, à combler tout ce qui pourrait être interprété comme un vide. Certains recourent pour cela à des motifs géométriques complexes indéfiniment répétés pour combler les manques de la toile.

Les rédacteurs de la Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure (notre LOPPSI 2) ont eu un peu moins d'imagination que les fous de génie; leur motif récurrent, simpliste et sans variations, se lit : "sécurité, sécurité et sécurité !"

Mais l'espace qu'ils remplissent ainsi est celui de nos libertés.


On peut aussi dire les choses comme ça,
mais pour combien de temps encore ?


Les sages et présumées raisonnables personnalités qui font partie du Conseil Constitutionnel ont dû estimer qu'il fallait poser quelques limites symboliques à la déraison sécuritaire. Elles ont donc censuré 13 articles de la Loppsi. Si l'on en croit la courte analyse de Patrick Roger, parue dans le Monde, ce serait "la première fois dans l'histoire de la Ve République qu'autant d'articles d'une loi sont censurés", et la censure porterait sur des "articles clés" (voir son papier pour les détails)...

Et Patrick Roger de conclure :

En rendant cette décision lourde, le Conseil constitutionnel a mis un sérieux coup d'arrêt à un ensemble législatif qui, au milieu d'un vaste "fourre-tout", tentait de contourner à la fois la jurisprudence et des principes constitutionnels.

Il faut être bien optimiste pour croire que "cette décision lourde" puisse mettre "un sérieux coup d'arrêt" à la psychose sécuritaire.

L'indispensable Figaro, relayant la fidèle AFP, nous donne le point de vue des forcenés sécuritaires :

"Les grandes orientations proposées par le Président de la République dans son discours de Grenoble du 30 juillet 2010 sont validées", se félicite dans un communiqué le ministère de l'Intérieur qui relève que "seules 13 dispositions ont été invalidées sur les 142 que contient la loi".

"Le Conseil constitutionnel vient de valider l'essentiel de la Loppsi 2 qui permet aux forces de police et de gendarmerie de disposer de nouveaux moyens technologiques pour renforcer la sécurité des Français et amplifier la politique conduite par le Gouvernement", selon le texte. "Par ailleurs, l'aggravation des sanctions pénales des principaux crimes et délits, dont nos concitoyens sont victimes, est confirmée", fait notamment valoir l'Intérieur.

Soyons donc rassurés : ça continue de promettre des lendemains sécurisés...


Illustration empruntée au site du
Collectif des 39 contre la Nuit Sécuritaire.
Cliquez sur l'image pour signer la pétition :
Réforme de la psychiatrie : Une déraison d'État.


Une autre loi très prometteuse, qui sera discutée ces jours, est celle relative "aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet d'une prise en charge psychiatrique".

Sur ce sujet, je préfère renvoyer au site du Collectif des 39 contre la Nuit Sécuritaire, et relayer leur appel à un rassemblement, le mardi 15 mars, de 16h à 20h, sur la place Edouard Herriot (Paris 7e, métro Assemblée Nationale) :

Non à la réforme sécuritaire de la psychiatrie !

Cette mobilisation a pour objectif le retrait du projet de loi "relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet d'une prise en charge psychiatrique". Ce projet de loi élude la question de la qualité des soins et vise essentiellement au contrôle social, transformant les soignants en auxiliaires de police.

Nous vous invitons donc tous et toutes à participer à cette mobilisation afin de convaincre nos députés de voter contre.

Ce rassemblement sera aussi l'occasion de distiller quelques gouttes de folie douce en cette ère de plus en plus sécuritaire et de grand renfermement. L'ensemble des syndicats de psychiatres et de personnels ont annoncé qu'ils s'associaient à notre rassemblement.

Professionnels de la psychiatrie, patients, familles et citoyens, exprimons notre indignation face à ce projet de police sanitaire !

Enfin, pour accompagner cette nécessaire indignation, il faut signaler aux valeureux habitants des montagnes parisiennes que se tient actuellement, à mi-pente, le festival "Les évadés du bocal", au Lieu-Dit, 6 rue Sorbier (Paris 20e, métro Ménilmontant, ou Gambetta), dont ils trouveront le programme en ligne ou à télécharger pour les amateurs de pdf.

Ce dimanche, les festivaliers occasionnels pourront voir, à 16 h, le film documentaire du documentaire Un monde sans fous ? de Philippe Borrel, suivi d'un débat.

Et le débat sera lui-même suivi, à 18 h, par un concert de Fantazio, Jean-François Vrod et Benjamin Collin.

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