Après avoir rencontré le plus grand des succès avec son quartet - formé de Keith Jarrett au piano et au saxophone soprano, Cecil McBee ( qui sera remplacé par Ron McClure) à la contrebasse, et Jack DeJohnette à la batterie -, l'ami Charles Lloyd se retira de la scène, en 1968, pour se consacrer à la méditation transcendantale à Big Sur, sur la côte ouest des États-Unis.
Cette retraite ne fut que relative, entrecoupée de quelques enregistrements et de quelques apparitions en concert.
La légende veut que Michel Petrucciani soit venu le tirer de là, tout éperdu d'admiration, en le suppliant de venir jouer avec lui...
Mais les légendes, et c'est en cela que réside l'authentique merveilleux, peuvent diversement se raconter.
De celle-ci, on pouvait entendre la version de Charles Lloyd dans une séquence Youtioube de 8 minutes, tournée à Marciac, en 2000, par Frank Cassenti. Elle n'est malheureusement plus en ligne, mais on peut la retrouver sur des sites composés en cyrillique...
En voici les sous-titres :
Michel est venu chez moi, à Big Sur, en Californie, un endroit très isolé sur la côte, où je m'étais retiré. La première fois qu'il est venu, je n'étais pas là. On m'a téléphoné pour me dire qu'il était à Big Sur et je l'entendais jouer du piano dans le fond. Je suis rentré, j'ai pris mon saxo et nous avons joué. Cela a été formidable, je ne m'attendais pas à ça... Nous avions un ami commun qui nous connaissait bien. Il me parlait souvent de lui... Mais à l'époque je n'étais pas très motivé, je m'étais retiré pour méditer. Alors c'est lui qui est venu, il avait 17 ou 18 ans. Il m'a ému par son immense talent, et la pureté qu'il dégageait m'a vraiment touché. Quand j'étais jeune, des musiciens chevronnés m'avaient aidé. J'ai pensé qu'il était temps de quitter ma retraite à la montagne. Je l'ai donc amené avec moi dans le monde entier pendant deux ans et il a pu se lancer. C'est une autre histoire que l'on raconte, pourtant c'est ainsi que ça s'est passé. D'autres vous diront que c'est lui qui m'a emmené. Il n'était pas connu et j'ai vu qu'il avait du talent. Lorsqu'il est venu, je lisais un texte ancien "Ostabacra San Metre" (?), à propos d'un jeune homme qui avait le corps brisé. Puis ce jeune homme handicapé apparaît chez moi. C'était comme un signe de la Providence.
S'insèrent là des images d'un concert donné à Paris en 1981...
Quand il est venu, j'ai perçu chez lui un immense talent et j'ai voulu qu'il soit reconnu. Beaucoup de gens, pendant des années, avaient essayé de me faire remonter sur scène, sans succès. J'avais des amis avec lesquels je jouais parfois et lorsque Michel est arrivé, j'ai appelé l'un d'eux pour lui dire que je rejouerai en concert. Lorsque Michel a été lancé, moi je suis rentré, mais quand la musique vous reprend...
Quelques images de la séance de réglage de la balance sur la scène du chapiteau de Marciac... Puis l'entrée en scène du groupe composé, ce soir-là, de John Abercrombie à la guitare, Larry Grenadier à la contrebasse et de Billy Higgins à la batterie, dont ce devait être la dernière saison.
Et le rideau est tiré sur cette belle histoire.
Le lancement-mise sur orbite de Michel Petrucciani devait passer, en 1982, par le Café Montmartre de Copenhague. De ce passage, il reste un disque introuvable et quelques images brouillées :
Palle Danielson, contrebasse et Son Ship Thesus, batterie.
En cherchant bien, ou alors par hasard, on peut trouver, sur le site de Jazzmagazine, un récit d'une tout autre tonalité, fait par Michel Petrucciani au cours d'un entretien avec le journaliste Frédéric Goaty :
Un soir, Charles et sa femme Dorothy m'invitent à dîner. Je m'habille... Grande maison... Charles et sa femme nous accueillent. Charles s'assoit, très "bouddhiste"...
On commence à parler - sa femme traduisait. Mais Charles parlait peu de toute façon. C'est sa femme qui faisait le social...
A un moment, Charles me demande : "Et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie ? " Je lui réponds que j'essaye de jouer du piano...
- Ah bon ? Il y en a un là...
Un Steinway modèle B ! Il y avait un petit moment que je n'avais pas joué sérieusement, j'en avais envie. Alors je me suis levé et j'ai joué.
Au bout de dix minutes, je regarde Charles et je le vois sortir de la pièce... Je me dis : "Tiens, ça a dû le faire chier"... Mais il faut dire que je ne savais pas qui était Charles Lloyd... Je ne connaissais même pas Keith Jarrett à cette époque ! Je ne connaissais que Peterson, Bill Evans, Erroll Garner, Art Tatum, Monk, Bud Powell... même pas Hancock ! Je ne connaissais Chick Corea qu'à travers Return To Forever, par mon frère. J'étais vraiment très "éducation paternelle".
Charles Lloyd est donc parti... Puis il est revenu derrière moi avec son saxophone, et il a fait : "Pwoa, dou bi woap !". Et on s'est mis à jouer ensemble. Il avait un son énorme, que je n'avais jamais entendu en France. Le ténor, le gros truc, Coltrane, Rollins, ce genre de volume, de graves... J'ai vu sa femme qui se mettait à pleurer... On a joué de minuit à sept heures du matin, sans s'arrêter. Au milieu de la nuit, il a dit soudain : "J'ai trouvé l'avatar du piano, le messager. J'attendais ce pianiste depuis dix ans, je repars !" Charles a très vite appelé ses avocats, son manager...
On lit, dans la suite, un curieux aperçu de la vie musicale de cette grande époque :
Je n'avais pas un rond (...), Charles Lloyd me filait zéro centimes ! On a travaillé cinq ans ensemble, puis j'ai fini par avoir des problèmes avec Charles. C'est quelqu'un qui n'a jamais payé un mec de sa vie... Ça allait quand j'avais 18 ans, mais à 25-26 ans, ça commençait à me gonfler sévèrement. C'est pour ça que j'ai fini par partir...
Pas avant de nous offrir une dernière partie gratuite :
Charles Lloyd, saxophone ténor ; Michel Petrucciani, piano ;
Cecil McBee, contrebasse et Jack DeJohnette, batterie.
2 commentaires:
Vous ne voudriez pas reprendre tout ce qui a trait à la musique sur article 11 ? Parce qu'avec Lémi, entre Kurt Cobain et Axel Rose, mon coeur balance...
Tout, mais pas ça !
(C'est un cri du cœur.)
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