On me dira qu'il n'est pas très prudent, à mon âge, d'adopter de nouvelles conduites addictives. Certes. Mais c'est ainsi. Il m'est devenu de plus en plus difficile, le samedi matin, de me passer des macarons à l'ancienne du marché qui se tient aux abords de l'hôpital Tenon - dans le XXe arrondissement de la capitale. Je me dis souvent qu'avec une bonne recette et quelques ratages, il me serait possible d'en obtenir, dans ma cuisine, la simplicité moelleuse... Mais j'y renonce, car il me manquerait alors le sourire de la vendeuse, et l'on sait que l'addiction est un phénomène bien complexe.
Ce matin, il m'en restait un peu...
En me rendant sans hésiter au coin de la rue de la Chine et de la rue Belgrand, donc précisément à l'endroit où officie ma vendeuse de macarons préférés, je pus constater que les abords de la place Gambetta étaient largement sécurisés par des policiers en tenue de (presque) combat. Je me gardai bien de leur demander la raison de cet exhibitionnisme musculaire caparaçonné. Je dois dire que je m'en doutais un peu et j'en eus confirmation en abordant la rue Belgrand, où je pus croiser une manifestation du collectif Tenon : les protecteurs des Tout-Petits étaient de retour, ayant reçu, cette fois, autorisation de faire leurs prières dans la rue.
Après avoir acheté mes macarons et avant même d'en avoir dégusté un seul – c'est dire si ma curiosité était grande -, j'allai rendre visite aux orants de Notre-Dame des Tout-Petits.
Ils n'avaient pas pu s'établir à l'entrée de l'hôpital où étaient accrochées les banderoles du collectif, mais se tenaient, sous haute protection, au coin de la rue de la Chine et de l'avenue Gambetta. Ils étaient une grosse dizaine, voir une petite douzaine, avec leur propre banderole, quelques bannières, leurs chapelets et une sonorisation. Si j'écris "ils", c'est qu'effectivement le masculin l'emportait en nombre, et ce masculin n'était pas de première fraîcheur. Mon horreur innée du calcul mental m'a empêché de faire, à la volée, le moindre effort de statistique, mais je puis assurer que l'âge moyen de ces messieurs dépassait largement le mien, pourtant déjà canonique.
L'un d'entre eux était en train de causer dans le micro, et l'amplification était suffisante pour passer la barrière de ma presbyacousie. Son grand âge, la tonalité de sa voix et la qualité un peu doucereuse de son éloquence m'ont conduit à l'identifier comme une sorte de directeur de conscience du petit groupe. Mais, alors que je m'attendais à entendre, de sa part, un prêche convaincant sur la nécessité spirituelle de lutter de toutes ses forces contre l'avortement libre et gratuit, je n'entendis que des considérations procédurières sur leur droit à venir chanter leurs cantiques à l'entrée du marché.
Après avoir accusé la Ligue des Droits de l'Homme – expression qu'il ne pouvait dire que deux fois, en faisant suivre la seconde d'un explicite point d'exclamation – d'avoir manigancé l’interdiction du mois passé, il se justifia d'avoir accepté de déplacer le lieu de la réunion de prière. Cela avait dû se faire au cours d'un rendez-vous avec un meussieu important de la Préfecture – déjà en poste avant que n'arrive le préfet, dit-il. Notre directeur de conscience tint alors à préciser qu'ayant demandé au dit meussieu s'il pouvait venir avec l'avocat de l'association charitable aux Tout-Petits, on lui avait répondu que c'était inutile de prendre cette précaution, car l'entretien ne serait pas juridique, mais cordial.
Et il le fut, se rengorgea le directeur de conscience...
S'il peut s'en réjouir, nous pouvons probablement nous en inquiéter.
Je n'en écoutai pas plus. Sentant que mon effrénée soif de spiritualité ne serait pas étanchée ce jour-là, je me dirigeai vers le café le plus proche, avec vue sur la place Gambetta, pour y grignoter un ou deux macarons.
2 commentaires:
Bénis soient les macarons !
D'ailleurs, je n'assiste plus qu'aux messes où l'on distribue le macaron bénit.
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