"Aussi quand tu partis, Yvonne, j'allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d'une banquette de troisième classe, l'enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m'en allant dans ma chambre en l'hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d'égorgement en bas dans la cuisine me chassa de l'éblouissement de la rue, et plus tard cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ?"
Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan,
traduction de Stephen Spriel,
avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l'auteur*.
Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan,
traduction de Stephen Spriel,
avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l'auteur*.
Oaxaca.
Pour un membre encore pratiquant de la secte des admirateurs de cet insurpassable roman de l'amour fracassé qu'est Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry, le nom d'Oaxaca évoque d'abord cette lettre désespérée que le Consul n'a jamais envoyée et que Laruelle, son ancien rival, découvre dans un livre de poèmes élisabéthains un an après la mort du Consul, un an après qu'on eut "jeté un chien mort après lui dans le ravin"…
Malcolm Lowry
Avec une bonne volonté naïve et respectueuse, nous appliquions à prononcer au moins quelque chose comme: Oua-Ra-Ka…
Je fus donc proche de l'étranglement, par passage oblique d'un bout de biscotte tentant une fausse route, lorsque j'entendis, en 2006, monsieur Alexandre Adler commencer une chronique aussi prétentieuse, filandreuse et ennuyeuse que d'habitude sur les événements secouant une ville mexicaine qu'après avoir un peu bafouillé, il se décida à nommer Ouatt-Chou-Ka. D'où je pus conclure, après avoir beaucoup expectoré pour extirper le malencontreux bout de biscotte qui menaçait d'obstruer mes voies respiratoires, que monsieur Alexandre Adler n'était pas de ma paroisse**.
En ce temps-là, le "triste mot" d'Oaxaca résonnait comme un espoir, fragile et menacé, dont d'autres voix que celle d'Alexandre Adler nous donnaient des nouvelles…
Ces autres voix parlaient à côté des voix officielles et convenues des télés, radios et journaux, et à leur insu probablement, car nous ne risquions pas l'indigestion d'informations au sens usuel sur les développements des événements d'Oaxaca. La révolte de quelques gueux d'instituteurs mexicains et la tentative d'auto-organisation de toute une population de crève-la-faim ne méritait guère de mobiliser des moyens pour envoyer un journaliste sur place…
C'est tellement banal, n'est-ce pas, une revendication salariale affreusement catégorielle! Que les instituteurs d’Oaxaca se mettent en grève pour demander l’alignement de leur salaire sur celui de leurs collègues des autres États du Mexique, c'est limite vulgaire, non ?. Le gouverneur du coin, Ulises Ruiz, homme à poigne, corrompu, lance une attaque contre ces grévistes: 92 blessés. Moins de cent, coco, tu fais une brève, et pas trop longue, la brève (il faut de la place pour Sarko qui va parler).
Pourtant les assaillants sont repoussés par l’intervention de la population solidaire qui s'organise. Ce qu'on appellera "la commune d’Oaxaca" vient de naître.
Parmi ceux qui envoyaient vers notre vieux monde des nouvelles d'Oaxaca, il y avait un certain Georges Lapierre, grand connaisseur des peuples amérindiens, témoin direct et engagé, dont on pouvait lire sur la toile les courriels commençant invariablement par "Bien le bonjour d'Oaxaca!".
Ces courriels sont repris dans le livre La commune d'Oaxaca, chroniques et considérations que viennent de publier les éditions Rue des Cascades***.
Mais le livre est plus qu’une compilation de témoignages au jour le jour: il comporte trois parties, préfacées par Raoul Vaneigem, qu'il est toujours intéressant de retrouver. La première partie regroupe les réflexions très substantielles que Georges Lapierre propose pour analyser sans complaisance ce qui s'est passé à Oaxaca, ce qui a réussi, ce qui a échoué… La seconde partie (qu'on aura peut-être intérêt à lire d'abord, pour se remettre les faits en mémoire) donne le récit des journées du 29 septembre 2006 au 26 janvier 2007. La troisième partie est un ensemble de documents qui donnent la parole à d’autres sources concordantes.
"Ils veulent nous obliger à gouverner, nous n’allons pas tomber dans cette provocation."
Bombage dans une rue d'Oaxaca,
cité par Claudio Albertani
Bombage dans une rue d'Oaxaca,
cité par Claudio Albertani
* Une autre traduction, de la plume de Jacques Darras, est parue sous le titre Sous le volcan, en 1987, aux éditions Grasset. Mais pour les "anciens", la traduction de Stephen Spriel (alias Michel Pilotin), et de Clarisse Francillon, avec l'aide un peu embrumée de Malcolm Lowry, est inoubliable.
** Simple confirmation, en réalité. J'ai un peu honte du manque de subtilité de mon intellect, mais monsieur A. Adler n'a pour l'instant réussi à nourrir mes profondes méditations que le jour où il énonça cette contrepèterie belge: "Il fait beau et chaud". (Si ça ne vous fait pas rire, c'est que vous avez bien fait de ne pas vous présenter à Normale Sup, vous auriez été un peu décalé-e dans ce milieu)
*** Editions Rue des Cascades. 32, rue des Cascades, 75020 Paris. Courriel: ruedescascades@no-log.org Distribution et diffusion: Court-Circuit. 5 rue Saint-Sébastien, 75011 Paris.
Il faut signaler aussi le hors série de CQFD, qui est peut-être épuisé… On peut prendre contact avec eux et consulter quelques archives par là (site de CQFD).
D'autres informations peuvent être consultées ici (site du CSPCL) et là (Site de la revue Divergences)
PS:A suivre…
20 mai 2008: Texte et photo extraits du site de RFI
Oaxaca
Comme si l'histoire se répétait, 5 000 enseignants, soutenus par l'APPO, l'Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca, ont organisé un campement rotatif, sous toile de plastique multicolores et carton, sur la place centrale de Oaxaca et les 20 rues adjacentes. Ils ont averti que si leurs revendications ne sont pas satisfaites, ils empêcheront la tenue de la Guelaguetza, un événement folklorique et commercial qui lance la saison touristique.Cette grève de 70 000 professeurs, qui touche 13 000 écoles et plus d'un million d'élèves, est largement suivie dans les 7 régions de l'Etat. Les enseignants bloquent les routes, les ponts et les péages des autoroutes. Ils réclament de nouvelles élections syndicales pour évincer leurs dirigeants corrompus et surtout l'application des accords souscrits en octobre 2006 par le président Felipe Calderon.
Les hôteliers et restaurateurs de Oaxaca craignent que la situation ne dégénère et ne fasse fuir les touristes. Pour les rassurer, le gouverneur Ulises Ruiz a déclaré qu'il n'y avait aucun conflit avec le syndicat et que les négociations étaient en cours.
4 commentaires:
Bon. Ça fait une heure que j'essaye de trouver un truc intelligent à écrire en commentaire, mais j'abandonne : très beau billet, Monsieur Guy.
Bises !
PS : comment on fait une playlist pour mettre sur son blog ? Il faut s'inscrire sur Deezer ? (demande humblement la blogueuse con-descendante")
Re-bises :-)
Merci maaaame Flo Py, cela me va droit au coeur.
Bises.
PS: Fallait pas s'inscrire sur Deezer ? Je risque d'être fiché, tu crois ?
Sinon, je condescendrai à te dire que ça se fait tout seul...
Pfff... Pour le fichage, tu ne dois plus être à ça près, si ? Sinon, non ce n'était pas indispensable de t'inscrire sur Deezer pour pouvoir copier le code d'une chanson :-) M'enfin, y a pas mort d'homme...
Bises et bonne soirée !
Aïe, ils m'ont feinté!
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