"Tout est dans tout, mais peut-être pas n'importe comment"
Guy M, Aphorismes, Œuvres préposthumes (à paraître)
Guy M, Aphorismes, Œuvres préposthumes (à paraître)
A Paris, j'ai une cousine au second degré, que je vois épisodiquement, lorsque son extrême jeunesse veut bien accorder quelques instants à mon grand âge barbichu.
Suite aux effets conjugués des efforts éducatifs des hussards grisâtres de notre ministère de l'Education et des parutions insistantes des numéros spéciaux du magazine Télérama, c'est elle qui m'entraîne dans les salles des Musées Nationaux (c'est bien du dévouement de sa part et pour cela elle mériterait qu'on l'honore du grand cordon de chevalier des Arts et des Lettres).
De notre dernière "sortie", je garde en mémoire peu de traces des objets minuscules "scénarisés" comme il se doit par un éminent "muséographe", mais je garde un souvenir un peu désagréable de la grogne présénile qui me prit en passant le portique d'entrée vigipiratassisté.
L'employé idoine, malabar bodibildé, me fit d'abord vider sur un plateau de self-service le contenu métallique de mes poches (mon couteau à cran d'arrêt, les clés de mes appartements et hôtels particuliers, mon ciseau à barbiche, mon peigne à moustache et le nécessaire de survie en euros, doubleuros et eurocentimes…), puis me fit déposer mon élégant sac à dos dégriffé sur la table. Provincial intimidé par ce luxe de précautions, je me soumis à tout cela sans râler, mais sans m'en réjouir non plus…
Ce qui provoqua un léger excès de sécrétion de mes hormones coléreuses fut la demande, en termes courtois, qui me fut adressée d'ouvrir moi-même les diverses fermetures de mon sac. Je risquais alors de mettre sérieusement en cause une grande partie de l'ascendance du préposé à la sécurité, du conservateur en chef du musée et même, je l'avoue, de diverses personnalités proches du pouvoir… quand ma chère cousine, avec son air de sainte nitouche soumise, me demanda de m'arrêter, car je n'étais pas crédible (sic).
Certes.
Certes, ma colère un peu surjouée n'était pas crédible (malgré ma ressemblance frappante avec Alain Delon, ma carrière d'acteur-vedette fut très courte). Mais ce que cette petite bécasse de cousine, gavée depuis son entrée en maternelle de la bouillie de la citoyenneté responsable, voulait vraiment dire, c'est qu'il n'est pas crédible qu'un citoyen rassis (elle m'appelle souvent "tonton croûton") puisse s'indigner qu'on lui demande de prêter la main à l'acte même qui le rend publiquement sinon suspect, du moins suspectable.
Que répondre à ma cousine au second degré, cette pauvre petite dinde, lorsqu'elle me rétorqua dialectiquement qu'en acceptant d'ouvrir moi-même mon sac, je ne faisais qu'affirmer mon état sans reproche face aux exigences de la loi (qui doit s'appliquer à tous) ?
Simplement que je ne vois pas pourquoi j'aurais à procéder à cette affirmation, et que, fondamentalement, je n'ai aucun désir de n'avoir rien à cacher. Citoyen, s'il le faut… mais pas nécessairement citoyen transparent, et pour commencer sûrement pas citoyen contrôlable à chaque coin de rues et à tout bout de champs. Si je veux bien marcher droit, ce n'est pas au sens de la rectitude du trajet indiqué par les flèches, mais au sens de ma propre verticalité.
Cette photo a été trouvée par le plus grand des hasards
sur le blog de la Section Socialiste de l'Ile de Ré
sur le blog de la Section Socialiste de l'Ile de Ré
6 commentaires:
Bonjour Tonton !
Je reviendrai plus tard laisser un commentaire faussement offusqué et taratatesque façon Scarlett O'Hara. Pour l'instant, je suis morte de rire ! Je n'arriverai pas à être "crédible" :-D
Bonjour cousine inconnue,
Tu reviens quand tu veux, tant que ça reste dans la famille (tellement compliquée qu'elle ressemble au centre Pompidou).
Bonjour à la parentèle...
C'est beau "la guerre au terrorisme", une belle excuse pour tout "sécuriser"... Ça me rappelle l'époque des attentats de l'OLP à Paris... Là encore on pouvait comprendre.
La "normalisation" sécuritaire d'une société utilise toujours de beaux prétextes qui se ramènent au "Il faut défendre la société" de M. Foucault.
Dans un récent Monde 2 (que je n'ai pas encore eu le temps de lire) un article traite précisément de toutes les façons dont nous sommes "fliqués" (téléphone portable, internet, carte bleue, passe Navigo, etc). Bonjour chez BigBrother ! Je vais me faire alpag un de ces jours car, bonne cul-terreuse, j'ai toujours un couteau pliant dans ma poche (c'est bien utile et peut même servir de tournevis de dépannage).
Se souvenir toutefois que si au temps jadis les bourgeois pouvaient circuler tout à leur aise, les prolos étaient pourvus d'un "livret ouvrier" qu'ils devaient présenter, dûment estampillés par les mairies, à toute réquisition des pandores.
Attention! un couteau pliant c'est une arme, mais un tournevis peut devenir cette très belle chose qu'on ne rencontre que dans les rapports de police: une arme "par destination".
J'ai renoncé à frimer avec mon vrai faux laguiole fabriqué en Chine...
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