Bien que l'un d'entre eux, clermontois natif de Neuilly-sur-Seine, ait prétendu apprécier les blagues sur les auvergnats, l'art de l’auto-dérision est assez peu pratiqué par ces êtres d'exception que sont les ministres de l'Intérieur-et-de-tout-se-qui-s'ensuit. Ça ne fait manifestement pas partie de leur formation.
Comme monsieur Claude Guéant n'échappe pas à cette règle, qui possiblement a force de loi, il ne faut pas compter sur lui pour nous faire un récit légèrement distancié de sa récente promenade de santé sur les Champs-Élysées. On ira plutôt lire le compte-rendu de cette visite sous la plume de Laura Thouny, journaliste à Libération, qui a sélectionné quelques instantanés de ce qu'elle appelle un "show éclair" :
Premier arrêt devant la maison du Danemark. «L'image des Champs-Elysées est en jeu», lance le directeur de l'établissement à l'adresse de Claude Guéant. Et ce dernier de dérouler sa rhétorique habituelle. «Il faut lancer une lutte acharnée, une lutte sans merci contre la délinquance roumaine», martèle le ministre. «Les délinquants roumains représentent un déféré sur dix dans la capitale. La moitié des délinquants arrêtés sont des mineurs», répète-t-il devant les caméras.
(La direction de la Maison du Danemark étant assurée par monsieur Torben Nielsen, il faut donc supposer que c'est ce monsieur qui a accepté de jouer le faire-valoir du ministre.)
Mais nulle trace des Roms qui viennent d'ordinaire faire signer de fausses pétitions aux touristes sur les Champs. Ne sont visibles que des policiers en civils, qui font nonchalamment le pied de grue, l'oreillette bien visible. Se pourrait-il qu'ils aient fait le «ménage» avant l'arrivée du ministre ? On refuse de nous répondre.
(Je passe rapidement sur la prestation du patron de la brasserie Georges V, établissement que je n'ai pas l'intention de fréquenter, qui trouve, pour le plus grand plaisir de monsieur Guéant, que "le problème ce sont les petites Roumaines".)
Dernière halte devant un distributeur de billets. Un spécialiste des fraudes explique au ministre comment les «escrocs roumains» volent les coordonnées bancaires des Français et des touristes étrangers. «Cachez le numéro de votre carte, M. le ministre», enjoint l'agent à son «patron». Les «délinquants roumains» sont partout. Même après Claude Guéant.
Laura Thouny est mauvaise langue...
Car, et c'est bien la preuve du succès de la "lutte sans merci contre la délinquance roumaine" qu'il commence à mener à la tête de nos vaillantes forces de police, aucune "petite Roumaine" n'a réussi à extorquer quoi que ce soit à monsieur Guéant.
Contrairement à l'ensemble de ses collègues de la presse nationale, la journaliste de Libération n'a pas pu assister à la première partie du spectacle, une conférence de presse donnée par le ministre dans les locaux du commissariat du VIIIe arrondissement de Paris. Monsieur Guéant y a présenté son nouveau plan de "lutte acharnée" contre cette fameuse "délinquance roumaine" qui lui tient tant à cœur.
(Comme il a maintenant le cœur solide, il vient d'y ajouter la délinquance comorienne, dans des propos qu'il "regrette" sans les retirer...)
Le Parisien avait eu la primeur de l'annonce de ces mesures, et fidèlement retranscrit les chiffres impressionnants, mais invérifiables, donnés par le "premier flic de France" dans un entretien avec Stéphane Sellami.
Monsieur Guéant exposait ses objectifs en ces termes :
La délinquance impliquant des ressortissants roumains — organisée en réseaux très perfectionnés avec à leur tête des chefs mafieux, à l’image de celui démantelé il y a quelques mois et que l’on connaissait sous le nom d’Hamidovic*, — s’est largement accentuée ces dernières semaines (...) Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités roumaines sur cette question. (...) Le but est notamment de pouvoir remonter jusqu’aux responsables de ces réseaux, qui demeurent en Roumanie.
On n'étonnera personne en disant que, pour populariser cette noble tâche, notre ministre peut compter sur le soutien infographique du Figaro, où l'on ne semble même pas vexé que monsieur Guéant ait préféré se confier au Parisien dans un premier temps...
J'avoue ne pas être un expert en méthodes policières ; cela ne faisait pas partie de ma formation. Mais je ne vois pas trop quelle est la tactique - à moins que ce ne soit une stratégie - utilisée par les fins limiers franco-roumains en présentant au public ces informations, à supposer qu'elles soient vraies**. On peut concevoir que la technique bien connue du on-vous-a-vus-faisez-pas-les-cons soit efficace avec des supporteurs bordéliseurs ou des ultra-gauchistes ultra-fliqués, mais je suppose qu'elle ne peut que faire rigoler des "maffieux" dont on prétend démanteler les "réseaux très perfectionnés".
* Ce réseau, démantelé fin 2010, était bosniaque et non roumain... Monsieur Guéant a oublié de le préciser.
** Il est assez curieux, par exemple, de publier cette photo d'une "villa de chef de gang roumain à Ţăndărei"... Et ce d'autant plus que l'on retrouve, sur un blogue, une autre photo de cette même villa, avec la légende "Wealthy gypsy houses in Buzescu, Romania". (Buzescu est une bourgade de Roumanie où l'on peut voir un grand nombre d'extravagances architecturales construites par des tziganes.)
3 commentaires:
Moi je trouve que la résidence secondaire de notre sinistre de l'intérieur est d'un goût très sûr. C'est discret, épuré, sobre, peut être un peu petit au regard de son ego ? Mais toujours est-il que j'espère qu'elle clignote la nuit !
Je ne la connais pas, il ne m'a jamais invité.
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