jeudi 29 septembre 2011

Leurs petits couplets de circonstance

D'abord sont arrivés les policiers, puis les pompiers, et enfin les télés...

Alors ils sont venus, chacun avec son petit couplet en tête, pour passer au journal de la mi-journée.

Sur le "zapping actu" du Figaro-point-fr, intégré ci-après, on entendra celui de monsieur Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, à 1 min 37 sec, et celui de monsieur Claude Bartelone, président du conseil général de Seine-Saint-Denis, à 1 min 58 sec. Monsieur Bertrand Kern, maire de Pantin, a dû arriver trop tard pour passer à la télé...




Ce matin, les bulletins d'information ressassent le refrain "drame de la misère" en bémolisant la ritournelle "filières criminelles"...

Ajoutons-y ces deux notes discordantes par leur lucidité, publiées hier sur le site de la CIP-IDF :

Ce matin à l’aube, à Pantin,

Ce matin à l’aube, à Pantin, 6 personnes sont mortes brûlées ou asphyxiées dans l’incendie du petit immeuble où, avec une vingtaine d’autres, elles s’étaient réfugiées depuis quelques semaines.

Ces 6 personnes seraient selon le préfet Lambert « des Tunisiens et des Égyptiens probablement en situation irrégulière », victimes selon Claude Guéant, qui s’est également rendu sur place, « des filières criminelles, qui rançonnent les candidats à l’immigration et qui après leur avoir fait miroiter l’espoir d’une vie meilleure, les laissent tomber et les laissent face à une vie d’errance et de malheur » [1].

Depuis le 1er septembre, la mairie de Paris n’héberge plus les migrants récemment arrivés de Tunisie, Egypte ou Lybie. Tous ceux qui grâce à la lutte, et notamment grâce aux occupations d’immeubles et bâtiments publics qui se sont succédées en mai et juin [2], avaient réussi à obtenir pour quelques semaines des places d’hébergements dans des foyers ou hôtels sont retournés dormir là où ils le peuvent : à droite, à gauche dans des squares et des parcs, harcelés par la police municipale ou nationale, à droite à gauche dans des maisons ou bâtiments inoccupés qui foisonnent à Paris et en proche banlieue.

Comme le rappelait ce matin à Pantin un jeune Tunisien qui a réussi à échapper à l’incendie : « On n’est pas venu ici pour dormir dehors ». Quoi de plus logique et normal quand on n’a pas d’endroit où dormir que d’en réquisitionner un qui ne sert à personne ?

Le maire de Pantin, Bertrand Kern reconnaît cette légitimité aux habitants de l’immeuble, puisque selon ses propos : « C’est tragique ! C’est un drame de la misère humaine. Il s’agit de migrants récemment arrivés. Certains étaient chassés d’un square parisien, près de La Villette. Ils se sont introduits dans ce petit immeuble pour y dormir ».
En même temps, il annonce [3] qu’il comptait faire évacuer l’immeuble d’ici peu : « On allait saisir la préfecture pour demander son évacuation, mais le drame est arrivé plus vite ».

Comme si le drame n’était pas déjà là avant l’incendie. Comme si le drame ce n’était pas déjà de n’avoir rien d’autre à proposer pour ceux qui se disent de gauche que « évacuer, arrêter, enfermer, expulser, évacuer, arrêter, enfermer, expulser …. ».

Le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, a évoqué lui un "nouveau drame lié au manque de places en hébergement d’urgence, qui a mené ces personnes à se mettre à l’abri dans des locaux pas du tout faits pour ça.... un drame de la misère, de l’immigration, de l’absence de solidarité de l’Europe avec un pays qui s’est battu pour plus de démocratie".

Derrière les paroles de ce dernier que l’on pourrait juger sympathiques si on met de côté des années de politiques répressives en matière d’immigration et de coups tordus de la part du parti de Mr Bartolone, on peut se demander ce que cela signifie cette expression « le drame de l’immigration » ?

Oui des drames il y en a :
• des milliers de morts noyés en Méditerranée
• des milliers de gens emprisonnés, harcelés, battus, violés dans des centres de rétention, sur des bateaux, des prisons,ou dans des camps érigés avec l’argent et la bénédiction de l’union européenne
• des gens qui dorment dehors, harcelés par les flics et autres charognards et qui pour manger n’ont d’autre solution que mendier, voler ou se soumettre aux diktats des professionnels de la charité.

Six hommes sont morts, d’autres ont été blessés, d’autres vont retourner vivre dehors. Ce n’est pas un drame de l’immigration mais un drame directement causé par les politiques de contrôle des flux migratoires. Ce n’est pas non plus un drame de la misère comme le dit aussi Mr Bartolone, c’est juste l’un des visages de la misère.

Ces dernières semaines, à Montreuil et à Vincennes, plusieurs squatts où vivaient, dans des conditions ni insalubres ni dangereuses des migrants qui en ont eu assez de dormir dehors, ont été expulsés. Il en reste quelques uns. Toujours plus prompts à construire des prisons et des centres de rétention que des logements, il est à craindre que les responsables politiques se saisissent opportunément de l’évènement pour faire « évacuer » ces squatts au plus vite. Comme d’habitude, ils diront que c’est dans l’intérêt des habitants.

Ce qui serait aussi dramatique c’est que face à cela nous soyons incapables de réagir, par épuisement, par résignation, par peur de la répression, de la misère... ou bernés par la chimère d’un changement qui ne pourrait intervenir que grâce aux prochaines élections.

Notes :

[1] Rappelons à Guéant que ces réseaux criminels de passeurs n’existaient pas avant la mise en place des politiques visant à restreindre la liberté de circulation des pauvres.

[2] Toutes les occupations de mai et juin (Bolivar, le gymnase de la rue Couronnes, le foyer AFTAM de la rue Bichat, Botzaris) avaient, il faut le rappeler, été évacuées et réprimées sur ordre ou avec l’aval de la mairie de Paris ou d’associations de gauche telle l’AFTAM dont le président d’honneur n’est autre que l’indigné jet set et sélectif, Stéphane Hessel.

[3] On peut lire ses déclarations dégueulasses, largement diffusées dans la presse. Kern, le maire de Pantin qui paradait dans les lieux, est un habitué des expulsions, particulièrement acharné contre les Roms, avec la complicité d’Europe-écologie. Ce quartier, à deux pas de Paris, est en passe de devenir un petit paradis pour les classe moyennes, autour du siège d’Hermès (dont les ventes explosent sur le marché du luxe des pays "émergents"), après avoir dégagé les dernières classes populaires qui y restaient. Alibi : bien sur il y aura quelques logements sociaux et peut être une crèche ou un truc comme ça.


Pantins

Comme vous avez sans doute lu ce matin, un squat a brûlé à Pantin, passage Roche, métro Hoche.

Dans ce local de trois quatre pièces avec un étage ouvert depuis plusieurs mois, déjà muré et sans eau ni électricité, vivaient une vingtaine de personnes.
Principalement des tunisiens venus de Lampedusa et quelques égyptiens. Ce matin très tôt un incendie s’est déclaré, une bougie qui aurait embrasé un livre.

La police est arrivée très vite sur les lieux puisqu’elle était sur place lorsqu’un des habitants s’est échappé en sautant par la fenêtre de l’étage au-dessus.
Par contre il semble, selon ce garçon tunisien que je connais, que les pompiers ont vraiment tardé à arriver alors que la caserne la plus proche n’est qu’à quelques centaines de mètres.
Six personnes sont mortes de n’avoir pas pu s’échapper à temps, il y des barreaux aux fenêtres de l’étage en bas et une partie du plafond se serait effondré.
Quatre tunisiens de la région de Tataouine et deux égyptiens. Les corps sont évacués au fur et à mesure.

Ce secteur immobilier est en pleine restructuration, Hermès avance, à grands pas, les grues frôlent le passage Roche.
La parcelle où se trouve la maison qui a brûlée a été préemptée par la mairie de Pantin il y a trois ans. Un propriétaire qui possède des maisons à l’entrée du passage n’a pas encore cédé à la spéculation et selon la mairie cela bloque l’avancée des travaux sur le secteur. Le passage doit être détruit.
Le défilé a commencé par Guéant ce matin, se poursuit en ce moment avec les élus socialistes. C’est dégoûtant.
Il va de soi que ce qui arrive là, n’est que le résultat de la triste mécanique du pouvoir.
Évidemment pas de responsable, sinon l’autre, les socialos diront l’état, l’état dira les victimes elles–même. Validant sa politique du pire.
Et nous, serons trop dispersés pour répondre à la hauteur de cette infamie.
Oui, se jeter dans la mer pour rejoindre le pays ami, passer des mois dehors dans les jardins ou des maisons précaires, traités partout comme des chiens.
Et espérer quand même quelque chose dans ce foutu bourbier. Quelle barbarie.

Des gens passent sur place, des tunisiens qui ont fait circuler le mot. Ceux de la maison du passage Roche faisaient sans doute partie de ceux qui dormirent un temps à la Cip, un temps à Bolivar, un temps au gymnase, un temps à Botzaris, un temps au foyer saint honoré, un temps dans une maison occupée rue Bichat, au squatt du Bourdon, ou dans d’autres maisons occupées à Montreuil, à Vincennes... nous connaissons leurs visages.

Suis passée devant la coord en y allant. C’est beau comme un désert.

2 commentaires:

GdeC a dit…

bravo. marre de ce bal des faux culs permanent. Un autre monde est posible. La dignité que nous devons à ces morts valait bien ce billet. Gràace à toi, un peu plus fier de notre humanité commune.

Guy M. a dit…

Pour l'essentiel, ce billet ne fait que relayer les textes (lus et approuvés) des ami(e)s de la CIP.