mercredi 17 mars 2010

Verdict à l'équerre pour un procès tordu

Monsieur le procureur Gilbert Flam a obtenu un bon retour.

Dans son réquisitoire tiré au cordeau du 9 février 2010, lors du procès des "inculpés de l'incendie du CRA de Vincennes", il avait requis des peines de prison ferme allant de 6 mois à 3 ans. Aujourd'hui, le tribunal correctionnel de Paris a condamné les dix inculpés à des peines de prison ferme allant de 8 mois à 3 ans.

Il n'est pas étonnant que, dans ce procès mené entièrement à charge (*), et au pas correspondant, par la présidente Nathalie Dutartre, le verdict soit si conforme.

Aucun des inculpés n'était présent ce mercredi pour la lecture du délibéré, qui n'a pu commencer qu'après deux suspensions, dues à des incidents d'audience (**).

Maître Irène Terrel, avocate de la défense, peut dire:

«On a trouvé des coupables parmi des non-personnes.»

En ajoutant:

«La vraie justice, on va aller la trouver en appel.»

On peut compter sur sa détermination pour que cette expression de "vraie justice" ne demeure pas une vaine figure de rhétorique.

Irène Terrel

Le 2 février, elle avait quitté, avec tou(te)s les avocat(e)s de la défense, la salle d'audience, où déjà les prévenus étaient absents, en déclarant:

«Nous ne sommes pas les figurants ni les alibis d’un procès inéquitable.»

Ce faisant, la défense a mis à nu la machine judiciaire, en l'obligeant à produire une des plus mauvaises mises en scène d'un théâtre de l'absurde fonctionnant à vide: il suffit de lire les récits (*) de ces séances ineptes de "visionnage" des enregistrements des caméras de surveillance pour s'en convaincre.

Il ne s'agissait plus de rechercher quelque vérité que ce soit, mais d'établir les degrés de culpabilité de déjà coupables, et de calibrer des condamnations selon ces degrés pour affirmer qu'on ne touche pas aux centres de rétention...

On gêne pas impunément cette noble activité qui consiste à enfermer, puis expulser.

Image empruntée au dossier réuni par la Cimade.

A la lecture de l'article de Laetitia Van Eeckhout, dans Le Monde, on pourra juger des progrès réalisés pour rationaliser l'ignominie de ladite noble activité. Elle y annonce l'ouverture prochaine du "plus grand centre de rétention de France":

Deux grandes structures contiguës de type carcéral reliées par une passerelle et entourées de hauts grillages, de barbelés, de haies épineuses et d'un chemin de ronde : il ne s'agit pas d'une nouvelle prison, mais bien d'un centre de rétention administrative (CRA), le plus grand jamais construit en France. Il devrait ouvrir ses portes d'ici à la fin du mois. Situé au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), près de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle d'où partent nombre d'expulsés, ce centre, érigé à 1 km d'un premier de 140 places, pourra accueillir 240 étrangers en situation irrégulière.

Elle n'a pas été autorisée à visiter, mais indique ceci:

La Cimade, qui a pu le visiter, évoque un espace "sécuritaire" et "totalement déshumanisé". A l'intérieur, "de multiples caméras de vidéosurveillance et détecteurs de mouvements permettront aux policiers, depuis une tour de contrôle, de contrôler en permanence ce que font les personnes retenues". Le haut des portes des chambres est vitré, interdisant toute intimité. L'association note par ailleurs que l'accès aux lieux d'aides (infirmerie, local associatif, Office français de l'immigration et de l'intégration) et aux pièces de visite (familles, avocats, consulat) n'est pas libre comme c'est le cas dans d'autres CRA : "Il ne pourra se faire qu'après le franchissement de plusieurs grilles et portes à fermetures magnétiques que les policiers actionneront à distance par un système d'interphone."

Je suppose que ce nouveau "camp d'internement pour étrangers", pour reprendre l'expression de la Cimade, a été soigneusement ignifugé...



(*) Sur ce procès, son contexte et son déroulement, on ne peut que renvoyer au travail effectué par le réseau Migreurop qui, "dans le cadre de sa campagne pour un droit de regard dans les centres de rétention, a réalisé une observation judiciaire du procès". Le dossier de cette "observation" est consultable en ligne.

(**) Sur ces "incidents d'audience", dont la nature n'est pas trop détaillée par la bonne presse, il faut se reporter au compte-rendu du blog Antimollusques.

2 commentaires:

JBB a dit…

Ils dont réussi à réaliser un camp d'internement qui soit pire qu'une prison. Quand on y songe, c'est une jolie performance, façon désespérante…

Pour Antimollusque, elle a abattu un putain de boulot. Respect.

Guy M. a dit…

"Pire qu'une prison", c'est bien ça...

Antimollusque donne une vision salement panoramique de la justice. Chapeau !