lundi 15 mars 2010

Mélissa, jeune rouennaise non "traditionnelle"

Au cours d'une de ses dernières sorties pré-électorale, monsieur Eric Besson, grand théoricien hypermoderne de l'Identité Nationale, avait fait état de sa "fierté" d'être à la tête d'un grand ministère "républicain" (c'est un adjectif qu'il affectionne particulièrement) et déclaré, sondages à l'appui, qu'il n'avait en rien servi la soupe au Front National en conduisant son Grand Débat Débile.

En voyant les résultats du scrutin d'hier, il a peut-être jeté un regard torve sur sa valise à roulette...

(Ne voyez pas là un quelconque pronostic: je n'avais qu'un couvre-chef, et je l'ai englouti, avec du quéttechope, samedi dernier à Orly.)

Peut-être pourrait-il, sur un coin de table du buffet de la gare de Vierzon, nous torcher un brillant petit opuscule pour combler une lacune sur les étagères de ma bibliothèque, sans parler des rayons des libraires.

Il s'agirait d'un ouvrage assez mince, 128 pages en gros, destiné à apporter des lumières aux parents et à les soutenir dans leurs tâches d'éducateurs "républicains", qui aborderait, sous une forme claire, précise et bien documentée, la délicate mission parentale consistant à faire comprendre, et par conséquent accepter, aux enfants les effets de la "gestion des flux migratoires", soit encore la politique d'immigration, soit encore la pratique de l'expulsion, comme des malpropres, de certains de leurs camarades de classe...

Je laisse le titre à la convenance de l'éditeur de monsieur Besson.

La rédaction de ce manuel de résistance aux droit-de-l'hommisme s'impose.

Sinon, voyez-vous, les parents risquent de lire n'importe quoi.

La chasse aux enfants. L'effet miroir de l'expulsion des sans-papiers,
Miguel Benasayag, avec Angélique del Rey et des militants de RESF,
éditions La Découverte, 2008.


On sait bien que les parents désemparés devant les "pourquoi" et les "comment" de leur progéniture peuvent, laissés à eux-mêmes, en venir à des positions extrêmes, à l'instar de Marie Thévenet, que le quotidien Paris-Normandie nous présente comme "élue au conseil d'école, consciente de l'impact que cette histoire a sur l'ensemble des jeunes écoliers dont certains se demandent pourquoi leur camarade de CM1 n'a plus sa place parmi eux", qui en arrive à déclarer:

«On ne lâchera pas. (...) C'est aussi l'occasion de montrer à nos enfants que lorsqu'on s'engage dans un combat, dans une relation humaine, il ne faut pas s'arrêter aux premières difficultés et aller au bout de ses convictions.»

"Cette histoire", banale et révoltante, est celle de Mélissa, une jeune écolière rouennaise de 9 ans, inscrite, depuis deux ans, à l'école élémentaire Bachelet où elle suit les cours de CM1.

Mélissa est une rouennaise non "traditionnelle" (pour reprendre le concept de monsieur Longuet) puisqu'elle est née en Algérie:

Algérien d'origine kabyle, le père, entrepreneur dans le bâtiment de l'autre côté de la Méditerranée, a rejoint les siens à Rouen l'année dernière. En 2007, sa femme et sa fille avaient choisi l'exil face aux menaces répétées dont ils étaient l'objet dans leur pays natal.

Le même article de notre quotidien nous apprend que leurs demandes respectives de régularisation ont été été rejetées par l'Etat français, et que depuis le début du mois de février, le père est sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français.

Un recours a été déposé par Me Cécile Madeline, son avocate, et il doit être examiné par le tribunal administratif le 27 avril.

En février, un groupe de parents de l'école Bachelet s'était réuni et s'était mis aux côtés du RESF76 et du Collectif des sans-papiers de l'agglomération rouennaise pour soutenir la famille Mebtouche.

Ces "simples parents", "citoyens comme les autres", ont lancé une pétition (que vous trouverez sur la page du RESF76), distribué des tracts et recueilli des signatures sur les marchés, interpelé des élus... Le 10 mars, ils se sont retrouvés devant la préfecture pour manifester.



Une délégation de parents d'élèves a été reçue, nous dit-on, par l'adjointe au directeur de cabinet du préfet qui a "pris bonne note" de la situation.

On ne peut évidemment se contenter de prendre bonne note du fait que "l'adjointe au directeur de cabinet du préfet" a "pris bonne note"...

Mais, après tout, au printemps, la promenade jusqu'à la préfecture n'est pas si désagréable, pour des rouennais(e)s décidé(e)s.

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