Afin de marquer symboliquement la centième journée internationale des droits de la femme, monsieur Nicolas Sarkozy a décidé de rester à la maison: il est vrai qu'on le voyait mal, flanqué de mesdames Bachelot et Morano, présider à la réouverture d'un centre d'interruption volontaire de grossesse...
Par exemple.
Il recevra, nous dit-on, "les associations membres du collectif «Grande cause nationale 2010»".
"Cette réunion de travail permettra de dresser un bilan d'étape des actions entreprises, notamment dans le cadre du plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes 2008-2010, et d'évoquer les pistes permettant de renforcer la prévention et la protection des victimes de ces actes de violence".
Ce vague "collectif" regroupe probablement les associations qui ont reçu le "label Grande Cause Nationale", attribué par le premier ministre "à des organismes à but non lucratif qui souhaitent organiser des campagnes faisant appel à la générosité publique" et leur permettant "d'obtenir des diffusions gratuites (...) sur les services des sociétés nationales de programme, France Télévisions et Radio France", comme nous l'explique un encadré pédagogique sur la page du Portail du Gouvernement annonçant l'heureuse décision de monsieur Fillon de désigner "la lutte contre les violences faites aux femmes" comme «Grande cause nationale 2010».
On peut toujours rêver en imaginant que l'une ou l'autre de ces associations labellisées en vienne à évoquer devant ce friand amateur de faits divers qu'est notre président le cas de Najlae Lhimer, victime de la violence de son père qui voulait la contraindre à un mariage forcé, victime de la violence de son frère qui l'a battue comme plâtre pour un mégot de cigarette, et victime de la violence institutionnelle qui l'a expulsée de notre sol alors qu'elle venait chercher protection...
Mais qui osera, sous les ors de l'Élysée, prendre au mot ce pompeux engagement d'un ancien candidat:
À chaque femme martyrisée dans le monde je veux que la France offre sa protection, en lui offrant la possibilité de devenir française.
"Retour, justice, protection, régularisation", ces quatre mots ont été scandés par 500 personnes réunies samedi, à Château-Renard, où habitait Najlae, à l'appel du comité de soutien.
Mourad Guichard, qui suit cette affaire depuis le début pour Libé-Orléans, en donne un fidèle compte rendu:
Le cortège est parti de la place de la mairie vers 15 heures pour sillonner les rues de la ville direction la gendarmerie. Là, pendant que les manifestants observaient une minute de silence, Patricia Parisot, une proche de Najlae, déposait un courrier de protestation. La manifestation, (...) s’est ensuite dispersée, dans le calme, après une nouvelle halte sur la place de la mairie.
On peut aussi lire le récit personnel qu'en fait Djemâa Chraïti dans son blogue, Regards croisés, hébergé par La Tribune de Genève, sans s'embarrasser de ménager les susceptibilités franco-française...
Elle reprend la vidéo postée par Mourad Guichard.
Je la poste également, non qu'elle soit spectaculaire, mais parce que j'ai été touché de voir ces gens scandant les slogans en les lisant sur leurs petits papiers et parce que la "reprise" finale, avec son rythme pêchu, probablement imposé par la "jeunesse", a dilaté mes vieilles artères...
La "lettre symbolique" qui a été remise par Patricia Parisot à la gendarmerie était adressée "à mesdames et messieurs les gendarmes de Château-Renard", en voici le texte:
Mesdames et Messieurs
Nous étions moins nombreux le 19 février pour accompagner dans vos bureaux Najlae quivoulait déposer plainte pour coups et blessures à l’encontre de son frère qui venait de la frapper violemment.
Nous l’avons vue partir d’ici, quelques jours à peine avant que l’Assemblée Nationale, unanime, vote la loi destinée à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes.
Comme nous tous, Najlae croyait que l’accueil et l’assistance aux victimes était une priorité de la Gendarmerie Nationale, et pourtant :
- ses coups et blessures vous ne les avez pas vus !
- sa plainte vous ne l’avez pas entendue !
Elle est passée du statut de victime au statut de coupable, du statut de femme battue au statut d’individu «expulsable».
A ses blessures a été ajoutée la violence administrative.
Aujourd’hui nous sommes des centaines ici à Château-Renard, comme nous étions déjà à Orléans samedi dernier, pour faire entendre la vérité et vous dire notre indignation.
On nous dit que votre témoignage est puissant car vous êtes des personnes assermentées. Eh bien nous, tous réunis ici, professionnels de l’éducation nationale, amis de Najlae, simples citoyens ou élus de la République, nous vous disons que, guidés par un devoir d’humanité, dispensé de serment, nous réclamons la vérité, la justice et le respect des droits de l’Homme tout simplement.
Aucun ordre ne doit imposer à quiconque de bafouer les principes et les valeurs qui ont été construits après les périodes les plus douloureuses de notre histoire.
Najlae incarne les vertus mises en avant tous les jours dans les discours de ceux qui parlent de cohésion sociale et d’identité nationale : Laïcité, intégration, solidarité. Ces valeurs, elle les a affichées dans sa vie de tous les jours ici à Château-Renard, à la médiathèque, au collège et dans son lycée d’Olivet. Ces valeurs n’ont pas été partagées par son frère ne supportant pas l’émancipation de sa sœur. C’est pour cela qu’il l’a frappée.
Nous avons ici même eu la preuve qu’il est facile d’expulser promptement une femme battue, nous faisons ici aujourd’hui la preuve de notre capacité à mobiliser rapidement et durablement un grand nombre de personnes qui veulent donner du sens à «ce vivre ensemble» dont a tant besoin notre pays, et qui seront présentes à chaque fois que les droits de l’Homme (avec un grand H) seront attaqués.
Nous ne fléchirons pas. Nous exigeons le retour de Najlae et resterons mobilisés jusqu’à son retour, sa protection et sa régularisation.
Le comité de soutien à Najlae
Ne croyez pas que les gendarmes de Château-Renard ressentent une trop profonde solitude...
Dans le cadre de sa campagne "Ni une Ni deux, contre la double violence faite aux femmes étrangères", la Cimade a fait une expérience de "testing" (enquête anonyme réalisée par téléphone auprès de 75 commissariats - 18 sur Paris, 30 en banlieue parisienne et 27 en Province), "pour observer les conditions d’accueil et de prise en charge des femmes étrangères victimes de violences".
Les éloquents résultats obtenus sont les suivants:
A la question de savoir si une femme sans papiers battue par son conjoint pouvait venir déposer plainte,
38% des commissariats ont indiqué qu’elle serait interpellée, dont 5% qu’elle ne pourrait même pas porter plainte. 12% des commissariats contactés ne pouvaient donner de réponse.
Ces réponses indiquent qu’un peu moins de la moitié des commissariats contactés ne respectent pas le code de procédure pénal et la jurisprudence existante sur ce sujet. Il existe un véritable fossé entre la loi et la pratique d’ailleurs dénoncé par la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité. Saisie en 2008 sur la situation d’une femme interpellée et expulsée alors qu’elle venait déposer plainte contre son mari violent, la Commission a estimé «qu’en faisant primer la situation irrégulière des personnes victimes de violences et dépourvues de titre de séjour [elles] se voient interdire, de ce fait, de déposer plainte et de faire sanctionner les auteurs de ces violences permettant ainsi leur impunité».
Par ailleurs, l’enquête révèle que 52% des commissariats interrogés n’ont pas de personnels spécialement formés à la question des violences. Si dans certains commissariats des psychologues ou des « référents violences » ont été recrutés, ces chiffres montrent que le dispositif est encore largement insuffisant.
A la suite de quoi, le communiqué se termine par cette invitation, que l'AFP n'a pas reprise:
à l’inauguration d’un commissariat modèle
le lundi 8 mars à 13h00, Place du Châtelet à Paris.
En présence du ministre de la solidarité avec les femmes étrangères
et du commissaire divisionnaire Beausourire.
Si vos obligations professionnelles et/ou familiales vous empêchent d'assister à cette inauguration, vous pourrez peut-être vous libérer pour rejoindre la manifestation de 18h 30, place de la Nation, à Paris. D'après le comité de soutien, une grande banderole avec le portrait de Najlae devrait occuper le 3ème rang.
(A Orléans, un rassemblement est prévu à 17h, place d'Arc.)
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