Voilà un sondage qui, malgré ses bonnes intentions, va sans doute tomber à plat...
Nos politiques sont bien trop affairés à occuper le terrain préalablement déblayé par Xynthia pour se soucier de faire beaucoup de commentaires sur ces résultats:
...qui ne sont pas très lisibles sur cette illustration
empruntée à 20minutes.fr...
empruntée à 20minutes.fr...
Ce très joli sondage, réalisé par Obea/InfraForces, sur "les Français et l'insécurité en France", est présenté par ses deux commanditaires, 20minutes et France Info, de manières assez différentes: le premier croit pouvoir en tirer que "l'insécurité n'obsède pas les Français", alors que le second affirme que "2 Français sur 3 ont une bonne image de la police".
Monsieur Julien Nègre, qui est chargé d'études à l'institut de sondage InfraForces, estime, pour sa part, que les résultats obtenus sont "rassurants".
Il est, en effet, tout à fait rassurant de constater que 85,1% de nos concitoyens admettent être d'accord avec l'assertion suivante:
"Il n'y a aucune raison d'avoir peur de la police quand on n'a rien à se reprocher."
Cela prouve bien qu'au moins 85,1% des "gens honnêtes" n'ont pas encore eu l'occasion d'être placés en garde à vue.
Les Français comprennent vite, mais il faut les matraquer longtemps...
Malgré les témoignages qui se sont multipliés ces derniers temps sur les procédures prétendues régulières des gardes à vue, les "honnêtes gens", qui n'ont rien à se reprocher, continuent de s'aveugler.
Pour les aider à y voir plus clair, on ne saurait trop leur conseiller d'écouter, pour sauver leurs moments perdus, le reportage de Joseph Beauregard diffusé dans l'émission de Zoé Varier, Nous autres, le vendredi 26 février 2010, sur France Inter.
(Ce reportage peut être écouté "à la carte" pendant 120 jours en allant dans les archives de l'émission, ou téléchargée sur le site nanodata.com)
On y entendra cinq témoignages, "une punkette, un prof de philo, un journaliste, un retraité, un syndicaliste, tous (...) placés en garde à vue alors qu'ils n'avaient commis aucune infraction", et tous arrêtés pour des motifs futiles: la punkette, pour avoir craché dans le caniveau sans voir qu'une voiture de police arrivait; le prof de philo, pour avoir montré son ordinateur en panne à un copain qui pouvait le réparer; le retraité, pour avoir traversé alors que le "petit bonhomme" était "rouge"; le syndicaliste, pour avoir participé à une manifestation devant son entreprise; et le journaliste, pour avoir été simplement présent pour "couvrir" une manifestation à Montreuil...
Dans chacun de ces cas, outre l'habituelle volonté de contraindre, d'humilier ou de faire "craquer" chacun jusqu'à l'utile "outrage et rébellion", on retrouve d'incontestables irrégularités dans l'application de la procédure.
Mais la grande qualité du reportage réside dans la "présence" de chacun des témoins qui s'exprime par le grain et le phrasé des voix, en faisant passer, avec leur vocabulaire propre, ce qui reste de la colère, et pour certains de la haine, ressentie.
Je ne pense pas que monsieur Charles Pasqua ait été placé un jour en garde à vue pour récurer l'une ou l'autre des casseroles qui l'accompagnent dans ses déambulations.
Mais cela n'empêche pas cet homme sensible de prendre parti dans ce que Jean-Marie Pontaut, journaliste à l'Express, appelle la "polémique de la garde à vue":
L'application actuelle de cette mesure [la garde à vue] est inadmissible dans une société démocratique. Pour moins que rien, on place en garde à vue des adolescents de 13 ou 14 ans. Trop de gens sont détenus dans des conditions ignobles, enfermés dans des cellules infectes, sans avoir le droit de se laver, y compris des femmes.
C'est indigne de la République. La garde à vue est une mesure de sécurité que l'on ne doit appliquer que si les gens risquent de s'enfuir, de porter tort aux autres ou à eux-mêmes. Ce n'est pas sérieux de s'en servir dans d'autres circonstances. Il faut donc réformer ce système.
Pour ma part, je suis favorable à la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue - sauf en matière terroriste - car il y a trop de cas où les policiers se laissent aller. Le tutoiement, par exemple, est intolérable.
On voit que môssieu Charles ne mâche pas ses mots ("sauf en matière terroriste")...
Mais qui pourrait lire ces fortes paroles sans chantonner, en sourdine, ce vieux standard du début des années 1930, repris en un duo fameux par Serge Gainsbourg et Eddy Mitchell ?
Pas moi.
PS:
Le même sondage prétend que 49,8% des sondés sont partisans d'une modification des "conditions de garde à vue".
Interrogé par 20minutes, David Barbas, du Syndicat national des officiers de police (Snop), estime lui aussi que "les conditions sont déplorables".
Tout le monde fredonne la même chanson...
6 commentaires:
Ouais, cette gentille unanimité sur la nécessité absolue de réformer la garde-à-vue est très touchante. (Et Pasqua en défenseur de la République et des valeurs démocratiques, c'est... C'est Paul Préboist essayant de se faire passer pour Jean Rochefort.)
Si on avait l'esprit mal tourné, on en viendrait à se demander si la "réforme" n'est pas déjà toute prête à sortir du chapeau. Et naturellement, pas question d'émettre ensuite la moindre critique, puisque tout le monde était d'accord.
Heureusement, on n'est pas comme ça...
"Paul Préboist essayant de se faire passer pour Jean Rochefort", c'est très dur pour le regretté Paul Préboist...
Quant aux critiques, MAM a averti qu'elle ne prendrait en compte que les propositions ne remettant pas en cause le "Réforme" de la procédure qu'elle propose...
Tu as donc raison, le chapeau est prêt.
Bonsoir, Guy M. et lecteurs/lectrices
:-)
"Il n'y a aucune raison d'avoir peur de la police quand on n'a rien à se reprocher."
85% qui seraient d'acccord ?
Mais cela aurait du sens si on pouvait rapporter ça à un semblable sondage datant de mettons 20 ans : on en aurait peut-être eu 95 % des honnêcitoyempeccables pour dire cela !
Restent 15 % qui -au moins- doutent.
C'est beaucoup, si on en croit l'idée qu'on serait tous devenus d'avachis veaux flasques stressés et politiquement inconsistants et TF1isés jusqu'à l'os du trognon.
Or : non.
Evidemment, si on est focalisé par l'idée que c'est la majorité qui compte, le mythe du 50%, toussa, on n'est pas rendu, certes, certes ...
Je préfère penser en termes de masse critique, il me semble que 15% de gens capables de distinguer entre "n'avoir rien à se reprocher" et "tenir farouchement à son intimité comme au respect du droit", (oui, je sais j'interprête un chouïa, là) c'est déjà pas mal.
Les médias, les sondages martèlent un discours sensé donner au commun un idée de soi ... qui ne va pas de soi.
Et en fait, ça grince.
Et même plus que ça.
Et tant mieux...
Eh quoi, il nous faudrait être 50,0001% de furieux en colère pour "mériter" le changement (comme on nous bassine qu'on "mérite" le Snark depuis qu'il est sorti des urnes) ?
Il y a 15 % des gens qui se méfient de la maréchaussée ?
Faut croire que l'énormité de la propagande ne suffit pas à emporter le morceau, malgré sa débauche de moyens... nan ?
Sinon côté gouv, effectivement les sucreries sont prêtes, le truc devient lassant d'être aussi prévisible...
;-)
Je ne sais pas si 85% des sondés seraient d'accord avec cette lecture des résultats, mais elle doit aussi être faite, je pense, pour faire apparaître que, ben oui, "ça grince"...
Puisque tu parles de police et de sondages, je ne doute pas que cet article devrait te plaire : http://www.cequilfautdetruire.org/spip.php?article2191
Ou quand Siné Hebdo tombe très bas (déjà que les contributions d'Onfray et Alonzo, hein…)
Tout me plait dans CQFD...
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