Ce fut une grande et belle soirée de réjouissances diverses, hier soir au Clair de Lune, le café-bar-tabac-journaux-pmu-loto-et-plus-si-affinités que notre ami Pierrot tient de manière exemplaire sur la place de l'église, à Trifouillis-en-Normandie. Son établissement est aussi, on le sait, le siège occasionnel et permanent de notre association, la Rébloguique des Ploucs, dont je suis provisoirement le Résident-Frondateur. Notre influence, quasiment sans limite dans celles du canton de Trifouillis, se heurtait, jusqu'à présent, au terrible mur de silence dressé par les zinzinfluents autoproclamés, tenanciers des agences de notation bloguistiques, mais cette période est désormais dépassée, et c'est cet événement décisif que nous fêtions chez Pierrot, en un raout dont les échos ont longtemps résonné dans la nuit normande.
Anéfé, la campagne d'opinion "Taxez-nous ! Même pas peur !", que nous avions lancée il y a peu dans une tribune du très sérieux Monde Agricole et relayée dans nos blogues, a été reprise, sous la forme portative d'un "appel" à résonance nationale, hébergé par le très sérieux Nouvel Observateur Rural.
Et cet appel de cinq gros fumeurs prêts à payer encore plus de taxes, a été entendu par monsieur Fillon lui-même.
Ce texte, rédigé en collaboration avec le talentueux Rolland Coprin, est suffisamment connu maintenant du grand public pour qu'il soit inutile de le citer intégralement. Rappelons seulement que, conscients de bénéficier du bonheur de fumer, jusqu'à ce que mort lente et douloureuse s'ensuive, dans un environnement français et européen auquel nous sommes très attachés, nous y souhaitions, face à la terrible crise dite de la dette, l'instauration d'une "contribution permanente" qui toucherait les fumeurs français les plus obstinés. Nous proposions que cette contribution soit calculée dans des proportions raisonnables, dans le souci d'éviter les effets économiques indésirables tels que la baisse brutale du nombre de gros tabagiques ou encore la fuite des fumeurs vers l'étranger pour aller y fumer du belge.
Nous nous réjouissons de voir nos propositions reprises, quasiment mot pour mot, par le premier ministre.
En fin de soirée, beurrés comme des queues de pelles et ronds comme des sablés nantais, mais encore animés d'un civisme à toute épreuve, nous prîmes l'engagement bruyant et solennel de passer tous nos ouiquendes dans des parcs d'attraction, à fumer comme des sapeurs, en buvant des alcools forts additionnés de sodas (avec sucre ajouté).
Avec une bonne mutuelle, nous devrions encore tenir un moment et vaillamment contribuer au règlement du problème de la dette.
Faudrait tout de même pas que notre beau pays soit mal noté !
(On peut me voir, au centre, avec le chapeau,
entrainant l'escouade des pom-pom boys
de la société de chasse de Trifouillis.)
Les seize "très riches Français" qui ont signé l'appel du Nouvel Observateur ont été, semble-t-il, beaucoup plus discrets que les blogueurs de Trifouillis. J'ai cherché en vain, dans la presse de ce matin, la photo de groupe les réunissant autour de Laurent Joffrin, coupe de champagne à la main et gros cigare au bec, pour fêter dignement la réussite de leur exemplaire opération de communication "Taxez-nous ! Mais pas beaucoup !", initiée par une tribune de monsieur Maurice Lévy, président du directoire de pub-pub-Publicis, parue dans le Monde.
Ils avaient pourtant deux bonnes raisons de se réjouir; la première étant d'avoir réussi à faire passer dans l'opinion, en empruntant la voie d'une presse dite "de gauche", l'idée d'être "conscients d’avoir pleinement bénéficié d’un modèle français et d’un environnement européen auxquels nous sommes attachés et que nous souhaitons contribuer à préserver"; et la seconde étant de s'en tirer à moindre frais, puisque, comme suggéré, leur "contribution exceptionnelle" a bel et bien été "calculée dans des proportions raisonnables, dans le souci d’éviter les effets économiques indésirables tels que la fuite des capitaux ou l’accroissement de l’évasion fiscale".
(Au moins l'un d'entre eux n'est pas content : on apprend que, par excès de vraie lucidité ou regain de fausse culerie, monsieur Claude Perdriel, président du conseil de surveillance du Nouvel Observateur, juge "ridicule" le montant de la taxe prévue sur les gros revenus.)
Les amateurs de trombinoscopes pourront néanmoins retrouver ces grandes et nobles figures sur le site de l'Expansion, avec quelques données chiffrées, accompagnées de quelques-uns de leurs comparses, qui se sont déclarés (en gros) d'accord avec eux mais qui n'ont pas signé l'appel.
Cela leur permettra de constater qu'il manque pas mal de beau et grand monde dans ce quarteron au carré de "très riches" qui nous la jouent sympa-c'est-nous-qu'on-va-payer...
Mais on ne va pas s'en plaindre. Il est, somme toute, rassurant de savoir qu'il y a encore, chez nous, de vrais riches sachant encore faire leur métier de riches, qui est de créer de la richesse et non pas de payer des impôts - même ceux que, par extraordinaire, ils doivent - et ne vont pas courir comme des dératés vers de nouvelles taxes.
Au cas où ils se sentiraient quelque peu mal aimés, ayant raté l'opération publicitaire orchestrée par le Nouvel Observateur, on leur conseillera d'écouter l'échange matinal de samedi dernier, entre Michel Pinçon, sociologue, et Pascal Salin, philosophe et économiste, sur France Inter. Ils pourront y entendre l'émérite monsieur Salin défendre leur liberté fiscale en agitant le drapeau d'un libéralisme flamboyant :
S'il y a des paradis fiscaux, c'est qu'il y a des enfers fiscaux; et la France est un enfer fiscal. Je préférerais que ce soit un paradis fiscal et que tous les gens viennent en France pour créer de la richesse, et qu'on ait encore plus de riches. Et tout le monde en profiterait parce qu'on aurait un dynamisme économique extraordinaire.
(Ce visionnaire, à qui personne, sauf sur France Inter et dans les programmes de l'été, ne demande son avis, a fait paraître en 2010, aux éditions Odile Jacob, un ouvrage ambitieux intitulé Revenir au capitalisme, pour éviter les crises. Prophétique, sûrement...)
4 commentaires:
Des enfers fiscaux hein ?
Sais pas pourquoi mais ça me fait penser à une période antérieure à 1789 en France.
Oui mais, sous l'ancien régime, l'enfer était pour les pauvres...
(A peu près comme maintenant si l'on tient compte des taxes diverses indépendantes du revenu.)
Mais pour monsieur Salin, l'enfer est désormais pour "nos" riches, indispensables producteurs de "nos" richesses - dont ils sont de plus en plus seuls à profiter. Et ça le peine beaucoup, le cher homme.
Auraient -t-ils peur d'une vague d'indignés impossible à contenir ? Depuis quand un état démocratique doit envisager son fonctionnement d'après le bon vouloir charitable des plus riches de l'état ?
Les pauvres du dimanche seraient ils en diminution dans leurs églises pour que ces bonnes âmes cherchent à gagner leur paradis du côté de Bercy ?
J'avoue que le noms de certaines personnes prêtent à rire . Liliane Bettencourt , ne serait ce pas la dame qui avait déplacé quelque argent hors de l'hexagone de manière frauduleuse ?
Pourvu que le gouvernement accepte afin que ces braves nantis puissent se refaire une virginité rapidement et peut être une légion d'honneur ......
Il est assez savoureux d'y trouver le pdg de Total, Christophe de Margerie...
Si lui veut bien une petite taxe sur ses revenus mirobolants, sa société se débrouille pour ne rien payer.
(Quant à madame Bettencourt, elle a dû trouver amusant de signer ça.)
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