lundi 21 février 2011

Ils ont bouté le feu au 127 bis

En Belgique, l'équivalent de nos Centres de Rétention Administrative (CRA) portent le nom légèrement moins ambigu de "centres fermés".

Il en existe six, gérés par l’Office des Étrangers. Leur capacité totale est de 628 places. Ils "reçoivent" environ 7000 personnes chaque année.

Les centres fermés ne sont officiellement pas des prisons, mais des lieux "où un étranger est détenu, mis à la disposition du gouvernement ou maintenu", selon les termes des Arrêtés Royaux qui en fixent les règles et le fonctionnement (AR du 8 juin 2009, adoptés après l’annulation partielle par le Conseil d’État de celui du 2 août 2002).

Le centre 127bis est situé en bordure de l’aéroport de Bruxelles National, sur la commune de Steenokkerzeel. Construit en 1993, il dispose de 120 places.


Photo de Tristan Locus, empruntée au site
Ouvrons les yeux sur les centres fermés,
auquel j'ai également emprunté les renseignements chiffrés.

Au cours de la semaine passée, nous parvenait la nouvelle d'une grève de la faim des détenus du 127 bis. L'information était donnée par RTL-Info-point-be :

Plusieurs détenus du centre fermé 127 bis de Steenokkerzeel ont entamé mercredi une grève de la faim, selon l'organisation "No Deportation" et la Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Régularisation (CRER). Les grévistes de la faim et ces associations dénoncent des actes de maltraitance psychologique et physique envers plusieurs détenus.

Mardi soir, un jeune Égyptien aurait ainsi été emmené dans une salle d'isolement, où il aurait été maltraité par quatre gardiens. Ceux-ci auraient également proféré des menaces à l'encontre du jeune homme afin qu'il accepte son expulsion dans le calme et qu'il ne revienne plus jamais en Belgique. Il porterait des marques sur le corps. Lundi, six Arméniens, après avoir tenté de s'évader du 127 bis, auraient également été traités de manière dégradante, car "obligés de rester à l'extérieur alors que les chambres étaient fouillées", indique le communiqué de "No Deportation", organisatrice du "No Border Camp" à Bruxelles en 2010.

On peut s'étonner que cette information ait été relayée alors que "la direction du centre fermé n'a[vait] pas encore pu réagir, celle-ci étant injoignable dans la soirée de mercredi", mais cela se passe en Belgique, pas en France.

Une manifestation de solidarité a été organisée, hier, devant les grilles du 127 bis. Une quarantaine de personnes étaient présentes, derrière une banderole dénonçant les "Droits humains en danger", pour protester contre les violences et l'impunité des gardiens. RTL-Info-point-be présente la suite dans son style inimitable :

Ayant le sentiment d'être soutenus et entendus, plusieurs demandeurs d'asile se sont sentis pousser des ailes à la vue des manifestants et ont causé des dégâts à l'intérieur du centre. Ils ont bouté le feu et brisé plusieurs vitres. Certains d'entre eux sont aussi aller (sic) crier leur colère sur le toit.





Ce matin, un nouvel article faisait le point sur la suite des événements :

(...) Vers minuit, après le transfert de la plupart des personnes ayant pris part aux incidents vers les centres de Bruges, Vottem et Merksplas, le calme est revenu dans ce centre qui accueille des candidats réfugiés déboutés. Selon l'officier de garde de la police, Alex Mylemans, le feu n'a fait que des dégâts secondaires par rapport à ceux occasionnés par les vandales dont "certains se sont comportés comme des sauvages".

Les dégâts les plus importants ont été causés dans l'aile, réservées aux hommes, où les incidents ont éclaté. Une deuxième aile où sont également logés des hommes est aussi provisoirement inhabitable. Selon le porte-parole de la police, tous les sanitaires et tous les éclairages ont été endommagés. A la suite d'un court-circuit, il n'y a plus non plus d'électricité. (...)

Il a fallu attendre le début de l'après-midi pour avoir, par le même canal, confirmation de l'information qui avait circulé dès dimanche soir sur les listes des réseaux militants :

Centre 127 bis: un résident s'est échappé lors des incidents de dimanche

C'est monsieur Freddy Roosemont, directeur de l'Office des Étrangers, qui l'affirme dans un bel exercice de communication :

L'homme a reçu l'aide de manifestants, selon le directeur, qui attribue une partie de la responsabilité des incidents aux protestataires.

"Différents témoins ont vu comment ce résident a été aidé par des manifestants pour passer la clôture", affirme Freddy Roosemont. "Il est signalé et la police le recherche mais pour l'instant sans résultat." D'après le directeur de l'Office des Étrangers, la manifestation est à l'origine de l'incendie et des troubles dans le centre même. "Ces manifestants ont le droit absolu de manifester contre l'existence de ce centre mais pas avec la manière qui a été utilisée ce dimanche. Il y a une différence entre prononcer des slogans calmement et s'agripper à la clôture et hisser des résidents."

Par ailleurs, sans surprise, on apprends que le directeur n'exclut pas de se constituer partie civile en cas de poursuite pénale.

Malgré le délicieux sentiment de dépaysement et d'exotisme que l'on éprouve toujours en entendant parler de la Belgique, on sent bien que, là-bas aussi, l'Europe des privations de liberté est en marche

2 commentaires:

yelrah a dit…

Ouaip, et en plus elle nous démontre sans que cela semble choquer grand monde, que l'on peut tranquilement se passer de gourvernement, de démocratie et de tout le bazard de l'intox à la mode..
Tout roule,
pas besoin de faire semblant,
pas de responsable,
Dormez paisible...

Guy M. a dit…

Le jour où se lèvera la révolution de la frite, la France tremblera...

...dans la mayonnaise.