mardi 14 septembre 2010

Le brave Néandertalien entre dans l'histoire

Au sortir de la grotte de Lascaux, monsieur Nicolas Sarkozy aurait eu cette phrase :

"Entre l'universel et le terroir, il y a Lascaux."

Tout esprit scientifique un peu sensé, à examiner cette proposition en toute objectivité, est amené à se demander si les champignons qui envahissent les parois de la grotte n'auraient pas quelques propriétés psychotropes méconnues. Dans son état normal, notre pragmatique président n'est pas coutumier du style oraculaire.

N.S. travesti en champignon par The Economist.

C'est une curieuse tradition que de célébrer la date anniversaire de la découverte d'un site préhistorique, mais il semble qu'elle soit bien ancrée du côté de Montignac (Dordogne). Pour les grandes occasions, qui correspondent, on s'en doute, aux chiffres bien ronds, le chef de l'État s'invite ou est invité. On dit que François Mitterrand s'y est rendu en 1990, et qu'en 2000, Jacques Chirac s'est fait représenter par son épouse...

Cette année, pour le septantième anniversaire, c'était donc au tour de monsieur Nicolas Sarkozy d'avoir le "privilège extrême de rentrer dans la grotte de Lascaux", pour reprendre sa juste expression.

L'envoyé spécial du Figaro à Montignac nous apprend qu'il était loin d'être seul:

Une heure durant, Nicolas Sarkozy s'est immergé dans la grotte de Lascaux. Même Carla Bruni s'est, elle aussi, invitée - avec son fils Aurélien et un ami à elle - dans cette chapelle Sixtine de la préhistoire, découverte il y a soixante-dix ans.

(Le fiston avait sans doute un exposé à faire pour l'école...)

Ce petit groupe était accompagné de monsieur Yves Coppens, président du conseil scientifique chargé de la conservation de la grotte, de madame Muriel Mauriac-Le-Heron, conservatrice du site, et de monsieur Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture.

Ajoutons-y un photographe et un caméraman, et le compte sera bon...

Ne vous étonnez pas de lire ici ou là les réactions indignées de jaloux et aigris qui auraient bien voulu, eux aussi, "rentrer" dans la grotte. Certains en voudraient presque à monsieur Yves Coppens de s'être prêté au jeu de cette visite réservée à quelques heureux du monde. Ce qui serait d'une grande ingratitude envers un homme qui jadis nous a tellement amusés avec son histoire de petite Lucy se dressant sur ses petites pattes arrière, afin de pouvoir regarder à son aise au-dessus des grandes herbes de la savane qui avaient dû pousser durant la nuit, suite à un changement climatique brutal...

On dirait une cathédrale, hein, Carla...

Toujours bien informé, lefigaro.fr nous apprend que le président aurait "mis de côté le discours prévu et improvisé un propos dans l'amphithéâtre du tout nouveau «pôle international de la préhistoire»".

Monsieur Henri Guaino a dû être mortifié d'apprendre que son probablement très beau texte était ainsi passé à la trappe. On peut imaginer qu'il avait encore une fois déployé toute son éloquence pour célébrer l'histoire de "la France de Lascaux et du Sacre de Reims", et toute cette sorte de choses bien ronflantes.

Car, après tout, l'idée de Lascaux coincé entre l'éternel et le terroir n'est peut-être pas due à l'inhalation de spores de champignons hallucinogènes par le président. Il peut s'agir d'une réminiscence des délires du plumitif conseiller.

En revanche, je pense que monsieur Guaino n'est pour rien dans la bourde présidentielle:

"On comprend pourquoi depuis l'origine des gens ont voulu vivre ici. Le brave Néandertalien avait parfaitement compris qu'ici c'était plus tempéré qu'ailleurs, qu'il devait y avoir du gibier, qu'il faisait beau et qu'il y faisait bon vivre."

Lorsque monsieur Guaino écrit des inepties, elles sont d'un tout autre calibre, elles visent tout de suite l'universel.


PS: Pour permettre à monsieur Sarkozy de faire la différence entre Néandertal et Cro-Magnon, offrons-lui une bien aimable chanson, interprétée par Jacques Tritsch (1913-1991), basse, Marcel Quinton (1916-1984), baryton, Pierre Jamet (1910-2000), ténor et Georges Thibaut (1911-1998), contreténor, qui ont formé jusqu'en 1969 le groupe des Quatre Barbus.




Après ça, impossible d'oublier que la peinture à Lascaux, c'est l'homme de Cro, l'homme de Ma, l'homme de Gnon, l'homme de Cro-Magnon !

5 commentaires:

Vanessa a dit…

Et pourquoi que sur la photo, il n'y a que la dame (Muriel Mauriac ?) qui a recouvert ses cheveux d'un bonnet en filet ?

Bises.

PS : sur le même sujet, le billet "Sarkozy à Lascaux, ou le cancre de la République" n'est pas non plus.

Guy M. a dit…

Comment veux-tu que la microbiologie présidentielle menace de quelque façon que ce soit l'un des fleurons de notre génie national ?

Yves Coppens a lui aussi pris cette liberté de garder la tête nue. Mais pas Frédéric Mitterrand - le porteur de lumière sur la photo -; qu'il en soit félicité...

Kamizole a dit…

Le première chose à laquelle j'ai pensé en apprenant la visite de Sarkozy à Lascaux est qu'il risquait d'apporter quelque chose d'encore plus mauvais que les actuels champignons... Désinfection massive après son passage !

Que ceux-ci lui aient monté à la tête, ajouté à la désorientation temporo-spatiale quand on remonte à la surface, paraît l'évidence même : "entre l'universel et le terroir, il y a Lascaux" relève des sarkonneries habituelles, phrases creuses autant qu'indigestes. L'art de parler pour ne rien dire et même pire : proférer des âneries. Parce que je peux me tromper mais pour moi l'art pariétal fait partie de l'universel. L'art au service d'une religiosité, celle dont parle entre autres Mircea Eliade.

Quant à l'inculture évidente de Sarkozy, comment être étonné de sa confusion entre Néanderthal et Cro-Magnon ? Je suis loin d'avoir en mémoire toutes les périodes depuis l'apparition de la terre et les différentes époques de l'homme de la proto-histoire. Mais il existe de fort bonnes tables auxquelles je ne manque jamais de me référer si je dois traiter le sujet. Pour éviter précisément ce genre de conneries. C'est Yves Coppens qui a dû se marrer. Il me semblait bien l'avoir reconnu sur la photo.

olive a dit…

Le Président sait bien tout cela, bande de mauvaises langues ! Mais comment eût-il pu déclarer, sans que la sienne fourchât ni se postillonner dessus lui : «Le brave Cronmagnagnongnien avait farpaitement compris qu'ici c'était pastaga, charcutouchières et chipos à donf depuis l'origine des gens» ?

Guy M. a dit…

@ Kamizole,

Le bêtisier sarkozien s'épaissit de jour en jour. Espérons qu'il ne laisse que cette trace dans l'histoire.

@ Pièce détachée,

C'est tout à fait plausible...