mardi 18 mai 2010

La maréchaussée fait du rab'

Aux abords de la salle Sainte-Croix-des-Pelletiers, je n'ai pas vu d'affiches invitant à assister, en la dite salle, au concert organisé par le collectif de soutien aux inculpés de Villiers-le-Bel, le 19 mai, à 19 heures.

(Avec Demon One, Kommando Toxik, Abou2ner, DJ Plaiz, Dokou, Légendaire, Gueltou et DJ Smoke.)

Faut-il croire que les organisateurs n'avaient pas prévu d'en coller dans un plan comm' à la gomme... ou qu'on les aurait lacérées ?

Me suis-je un instant demandé...

Mais la présence, intacte, d'une affiche de format A3 annonçant la tournée de soutien et la manifestation du 19 juin en gare de Pontoise, collée vers le haut de la rue Cauchoise, m'a rassuré.

Ainsi que les traces d'une seconde affiche, sur un mur voisinant la place Saint-Gervais:

L'affiche est bien déchirée, je l'avoue...
Mais on peut humer l'ambiance rouennaise,
dans cette amorce de dialogue.

L'annonce de l'organisation des concerts, dont les recettes seront utilisées pour assurer la défense des quatre inculpés de Villers-le-Bel, incarcérés préventivement depuis février 2008, lors de leur procès commençant le 21 juin, avait déjà fait l'objet de commentaires, plus ou moins dominés.

On pourra consulter, dans le Parisien-Aujourd'hui-en-France, un article au titre évocateur: Des concerts de soutien aux tireurs présumés des émeutes, paru le 29 avril, qui parle d'une "initiative surprenante".

(On verra qu'il y a d'autres initiatives autrement surprenantes...)

Quant à la presse en ligne de l'extrême droite, elle titre, le même jour, Scandale : une association de banlieue soutient les tireurs de Villiers-le-Bel ! On y lit, entre autres choses très nuancées:

Dans la France de 2010, mieux vaut soutenir les tueurs de flics que militer pour la défense de son identité française.


L'affiche en entier.
(Version pdf haute définition en cliquant sur l'image.)


On peut trouver plus surprenante l'initiative prise, le 10 mai, par monsieur Nicolas Comte, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police-Force Ouvrière, en envoyant à monsieur le ministre de l'Intérieur, une lettre destinée à attirer son attention, sans doute trop flottante. Cette missive est disponible sur le site du syndicat, mais la voici, pour ceux qui ne veulent pas se déplacer:

Monsieur le Ministre,

Les événements de 2007 à Villiers-le-Bel laissent le souvenir amer des violences urbaines, ainsi que des policiers blessés dans l’exercice de leur mission, à savoir restaurer la paix publique.

Depuis le début du mois de mai 2010, un comité de soutien aux mis en cause dans les violences ci-dessus mentionnées effectue une propagande sur Internet qui, j’en suis certain, ne manquera pas de retenir votre attention.

Ce comité calomnie l’action de la police lors des opérations de maintien de l’ordre ainsi qu’au cours de l’enquête judiciaire. Plus important encore, est l’incitation à la révolte face à la police, face au pouvoir. Du 9 mai au 19 juin 2010, ledit comité de soutien organise des concerts et rassemblements dans plusieurs villes de France.

Cette situation provoque un émoi dans les rangs de la Police Nationale. Au nom de l’ensemble des fonctionnaires de police, visés par ces calomnies et l’incitation à la rébellion, l’Unité SGP Police dénonce cet appel à la libération des inculpés de Villiers-le-Bel et se déclare choqué par la tenue de ces concerts.

Confiant dans les suites que vous donnerez à cette affaire, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

J'ignore si l'attention de monsieur Hortefeux a été retenue par cette lettre de dénonciation au ton mielleusement protocolaire, mais il ne semble pas qu'il ait donné "à cette affaire" des "suites" assez énergiques au sens de nos syndicalistes, puisque deux d'entre eux, messieurs Frédéric Desguerre et Olivier Marin, sont revenus à la charge dans les colonnes du quotidien local Paris-Normandie.

Cet article, paru le samedi 15 mai, cite amplement les déclarations monsieur Frédéric Desguerre à propos du concert prévu à Rouen:

«C'est une démarche provocatrice. Imaginez un comité de soutien à des policiers qui organiserait un concert sur le thème : comment kärcheriser les cités ? Ce comité appelle clairement à casser du flic, cela n'est pas tolérable dans un État de droit. Peu importe sa forme, la liberté d'expression est fondamentale, mais elle doit exister dans le respect des uns et des autres. On ne peut pas appeler impunément à tuer un autre homme. Il faut regarder certains clips des artistes, qui doivent se produire, pour comprendre la haine qu'ils ont envers la police.»

(Le quotidien s'empressera de mettre en ligne deux "vidéos qui font polémique"...)

Finauds, nos deux compères ne demandent aucune interdiction.

Mais non, voyons !

Monsieur Olivier Marin précise simplement:

«Nous avons écrit à Mme le maire de Rouen et à M. le préfet pour les alerter. Il est clair que certains troubles à l'ordre peuvent exister avec la tenue de tels événements. C'est à eux de prendre leur responsabilité. L'État est censé protéger les fonctionnaires de police.»

Bien entendu, le directeur de cabinet du préfet, monsieur Jean-Christophe Bouvier, n'avait pas, samedi dernier, "d'éléments susceptibles d'être donnés ni dans un sens, ni dans l'autre" et pensais "qu'on y verra[it] plus clair en début de semaine prochaine".

Sans attendre, les organisateurs ont répondu à cette "tentative d'intimidation" et appellent "toutes les personnes solidaires des inculpés de Villiers-le-Bel ainsi que toutes celles et ceux qui trouvent intolérable que ce concert puisse être menacé, à venir, quoi qu’il arrive, le 19 mai à 19H à la Salle Ste Croix des Pelletiers de Rouen".

L'ancienne église Sainte-Croix-des-Pelletiers.
Il n'y a plus de tonneaux devant,
mais le reste n'a pas changé.

Ils auront au moins été entendus par les élus écologistes de Rouen qui, en y mettant les formes mais en restant solidaires, ont publié dans la soirée du lundi 17 mai le communiqué suivant:

Les élus écologistes tiennent à apporter leur soutien au concert du 19 mai dont la tenue est remise en cause par un syndicat de police

Nous avons appris avec stupéfaction par voie de presse (cf. Paris-Normandie du samedi 15 mai) qu’un syndicat de policiers tente de faire pression sur le Préfet pour faire interdire un concert de rap prévu le 19 mai à la salle Sainte Croix des Pelletiers à Rouen.


L’objet de ce concert, organisé par le collectif de Soutien aux inculpés de Villiers-le-Bel est de reverser directement l'argent récolté par l’évènement au comité de soutien afin de pouvoir payer les avocats et autres frais liés au procès des personnes mis en examen, qui doit se tenir le 21 juin prochain. Rouen est la première étape d’une tournée nationale qui prévoit une série de concerts de rap, de débats, projections, manifestations et tournois de foot.


Dans un courrier envoyé au Préfet par le syndicat Unité SGP Police, nous notons le glissement sémantique de « soutien aux inculpés » à « soutien aux émeutiers ». Nous tenons à rappeler que tant que la justice n’aura pas statué, les prévenus emprisonnés depuis plus de deux ans sont présumés innocents. Nous sommes pleinement conscients de la gravité des évènements qui se sont déroulés à Villiers-le-Bel en novembre 2007. Nous déplorons les actes de violence quels qu’en soient les responsables.


Cependant, il n’existe à ce jour aucun motif légal d’interdiction du concert prévu le 19 mai.


Nous, écologistes de Rouen et de la Région Haute Normandie avons été alertés par le collectif et souhaitons apporter notre soutien plein et entier au déroulement de ce concert. Il nous apparaîtrait impensable que cet évènement puisse être interdit car cela représenterait une grave atteinte aux libertés publiques ainsi qu’à la liberté d’expression et de création.


Les élus du groupe Vert à la mairie de Rouen -Les élus du groupe Europe Ecologie à la Région Haute-Normandie-Le groupe des verts de Rouen
Fait à Rouen, le 17 mai 2010.

(Repris du blogue de Laure Leforestier.)

Pour l'heure, le concert est maintenu.

On peut s'attendre à une peu discrète présence policière dans les rues avoisinantes, et peut-être même à une vaste opération de séduction pédagogique en chaussettes à clous. Devant le journaliste de Paris-Normandie, qui a rapporté leurs propos, messieurs Frédéric Desguerre et Olivier Marin "n'exclu[ai]ent pas d'organiser «une contre-manifestation à proximité. Pour, nous aussi, sensibiliser la population et dialoguer avec elle.»"

Un dialogue "sur le thème : comment kärcheriser les cités ?"...

Ou quelque chose de ce genre.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Monsieur Guy M.,

Je ne comprends pas pourquoi vous vous acharnez contre "l'identité française". Vous n'aimez pas l'Occident non plus? Puisqu'apparemment vous approuvez le graffiti "Mort à l'Occident" sur la photo. Ou est-ce du second degré inaccessible à ma maigre intelligence?

Qu'est-ce que vous proposez à la place de l'Occident?

L'histoire occidentale n'est-elle pas admirable?

Guy M. a dit…

Bonjour Sans-nom-ni-prénom,

Qu'il y ait des degrés dans un blogue à l'enseigne de l'escalier ne doit pas vous étonner. Personne n'est tenu de les monter ou de les descendre...

L'image que j'ai choisie, affiche lacérée et double graffiti, peut être lue diversement. Elle était là pour indiquer une certaine ambiance de l'agglomération rouennaise, où les tags à charge et à surcharge se multiplient. Je ne vois pas où vous lisez mon approbation...

Quant à la question de l'Occident, vague notion attrape-tout, vous admettrez que l'espace d'un commentaire est un peu court pour l'aborder, que ce soit pour en écrire le "livre blanc" ou le "livre noir".

Enfin, concernant le remplacement de l'Occident, vous êtes bien le/la seul/e à me demander mon avis...

yelrah a dit…

Pas mal la réaction des verts quand même..

Guy M. a dit…

Leurs associés à la mairie ont été nettement plus discrets - à moins que j'ai raté quelque chose, mais cela ne ferait que marquer encore plus leur discrétion.