jeudi 11 février 2010

Il fait toujours aussi froid dehors

En hiver, on dit souvent : "Fermez la porte, il fait froid dehors !"
Mais quand la porte est fermée, il fait toujours aussi froid dehors.

Pierre Dac, L'os à moelle, (rééd. Omnibus, 2007)


C'est parce qu'il faisait froid dehors que la préfecture du Pas-de-Calais a déclenché lundi le niveau 2 du plan grand froid, et que la mairie de Calais a décidé, pour abriter les migrants, de réouvrir un gymnase qu'elle avait fermé le samedi précédent.

Sursaut humanitaire ?

Meunon !

"C'est toujours lié au plan grand froid. A Calais, on arrive au niveau 2, donc, on rouvre", a indiqué à l'AFP Philippe Blet, premier adjoint de la mairie de Calais.

Point barre. Comme ils disent.

Dimanche, le fond de l'air était plutôt doux.

Entre temps, les autorités avaient fait évacuer avec fracas le hangar de la rue Cronstadt, loué par l'association SoS Soutien ô Sans-papiers et mis à disposition des militants No Border, où une centaine de migrants avaient pu passer la nuit de samedi à dimanche.

Hier après-midi, les locataires du hangar Kronstadt, après avoir démonté les vis et boulons verrouillant l'entrée, ont repris possession des lieux, y constatant, au passage, pas mal de dégâts provoqués, selon toute vraisemblance, par l'irruption policière, ainsi que la disparition d'"une partie des affaires présentes avant leur arrivée". Ils y ont tenu une conférence de presse, où étaient "présents des militants de SOS soutien ô sans papiers, de No Border, des Calaisiens et des journalistes".

Alors que la presse nationale avait "fidèlement" (mais fidèle à qui ?) rendu compte des événements du dernier ouiquende, on ne trouve que peu de traces, dans nos journaux de ce matin, de cette intervention.

Un très court article dans LibéLille la résume de manière répétitive mais expéditive, tandis que A. F., dans la voix du Nord, fait encore plus court et annonce les intentions des collectifs:

Ils doivent également porter plainte contre le ministre de l'Immigration, Éric Besson, mais aussi contre la maire de Calais, Natacha Bouchart, pour diffamation. Suite aux événements du week-end, elle les avait qualifiés «d'éléments extérieurs qui marchent sur le ventre et les pieds des Calaisiens». Ils déposeront également trois recours en justice, dont un au pénal. (...)

Dans un autre article de la Voix du Nord, Amandine Faraud donne davantage la parole aux autorités locales, en la personne du sous-préfet Gavory qui assène:

«L'arrêté municipal court toujours, nous interviendrons s'il le faut. Ils doivent respecter les règles ; pour accueillir du public, un local doit être aux normes. La commission de sécurité est passée, le local demande des travaux considérables.»

Ou encore:

«Derrière ça, il y a un problème de responsabilité. Imaginez qu'il se passe quelque chose, c'est le maire qui est responsable personnellement.»

Si cela est vrai, je suppose qu'il y aurait bien un moyen légal de dégager la responsabilité de madame le maire de Calais. Il me semble que passer la nuit à la rue, par des températures proches de zéro, n'est pas le plus sûr moyen de protéger sa vie, moins sûr sans doute que de passer la nuit dans un hangar jugé non conforme par une commission de sécurité. Et pourtant, la justice ne fait grief de ce fait à qui que soit...

Les vitres de la porte d'entrée du hangar, qui était ouverte,
ont probablement été brisées pour des raisons de sécurité.
(Photo Zetkin.)

Après tout, la commission de sécurité avait dû trouver aux normes le centre de rétention de Vincennes, et pourtant il a brûlé, et aucun membre de l'administration n'a été cité à comparaître au procès des présumés coupables.

Et pourtant le réquisitoire du procureur se termine par des remarques bien étonnantes, ici résumée:

Des victimes par fumées toxiques, mais pourquoi sont-elles toxiques ? Les prévenus doivent être condamnés pour le geste qui a entraîné l’incendie, mais pourquoi les draps et les matelas n’étaient-ils pas ignifugés ? Pourquoi, le lendemain du 21 où il y avait eu des heurts et des violences, les extincteurs n’étaient-ils pas en état de marche ? Si le tribunal doit se prononcer sur les dommages intérêts, il devra ordonner une expertise* pour évaluer la façon dont le feu s’est propagé.

On se demande bien de quoi on peut bien avoir peur, à Calais, en évoquant cette histoire de responsabilités.

Ces gens qui, dimanche soir, ont finalement mis à la rue, parmi d'autres, Jabad, cet "Afghan de 13 ans arrivé en France il y a deux mois", cité dans une des dépêches de l'AFP, sont d'une frilosité maladive: ils sont atteints du syndrome phobique de la porte ouverte, qui crée des "appels d'air".

Pour eux, il faut fermer toutes les portes...

Pierre Dac leur avait répondu, jadis:

Mais quand la porte est fermée, il fait toujours aussi froid dehors !

Et contre ce froid, ce froid qui envahit le monde, leurs portes ne pourront rien.




* Il faut préciser que l'expertise technique, demandée par la défense a été refusée par la présidente à l'ouverture du procès.

2 commentaires:

JBB a dit…

" Imaginez qu'il se passe quelque chose, c'est le maire qui est responsable personnellement."

Ça, on imagine très bien. Sans doute que cette maire s'est sentie personnellement responsable, d'ailleurs, quand ce jeune réfugié de 20 ans est mort noyé parce qu'il voulait se laver : http://arras.catholique.fr/page-17277.html

Reste à espérer que ces portes finissent par brûler, un jour. Ce n'est que du bois, soit rien que nous ne puissions mettre à bas.

Guy M. a dit…

Tu fais bien de rappeler cet "incident".

Pour les portes, le dernier "projet Besson" entend bien les blinder.

Comme lui-même, apparemment.