Sur la porte du hangar Cronstadt, qui avait été brisée par les forces de l'ordre lors de leur intervention "tonique" du 7 février, les militants No Border avaient peint l'article 1 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948:
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Pascal Martinache, dans son article pour La Voix du Nord, qui n'a pas relevé la présence de la déclaration universelle des droits de l'homme, n'a vu, pour sa part, qu'une pancarte "lieu privé" et une photocopie de "l'article 432-8 du code pénal stipulant que la loi punit le fait « de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans le domicile d'autrui contre le gré de celui-ci »".
Souligner le caractère "privé" de ce lieu, loué pour deux mois par l'association SoS Soutien ô Sans-papiers et mis à la disposition des militants No Border, et en réserver l'accès dans la journée aux membres de l'association, tous les migrants étant membres "officiels" d'office, étaient les moyens trouvés pour tenter de fléchir les autorités opposées à la création d'un tel espace de rencontre, s'affichant non comme "un espace humanitaire, mais [comme] un espace de discussions politiques et de débats, d'échanges culturels et de divertissement".
Il faut dire et répéter que la réouverture du mercredi 17 février, de 10h à 18h, s'est déroulée sans aucun incident, les militants présents au hangar Cronstadt respectant strictement les engagements dont la presse s'était fait l'écho.
Un point de la situation à 13h, par Zetkin, dans IndyMedia-Lille:
Les policiers ont été informés dès l’ouverture de la porte à 10h, de notre intention.
A 13h, mis à part le passage de la voiture d’Arnaud, le RG, et les interventions amusées des CRS de la compagnie 61 qui sont passés et repassés, le calme est plat. Les gens sont partis manger.
Un militant , répondant à mi-journée aux questions d'Haydée Sabéran, pour LibéLille, décrit l'ambiance à l'intérieur:
Il y a du ping-pong, du foot, de la danse, peut-être du cinéma cet après-midi. C'est bon enfant, joyeux, rempli d'échanges. Ce sont surtout des Iraniens et des Kurdes irakiens qui sont là, entre 30 et 50. Les Afghans ne sont pas nombreux, peut-être par peur d'être arrêtés.
Mais en commentaire au billet de Zetkin, au soir du 17 février, on trouve:
La journée a été parfaite au hangar Kronstadt, les migrants ont profité de notre abri de 10h à 18h, ils ont dansé, discuté, écrit, apprécié les séances de cinéma... Tous les migrants sont partis à 18h, ET........ la police est une nouvelle fois intervenue vers 19h. Ils ont commencé par vouloir forcer la porte. Les activistes l’ont ouverte pour leur affirmer qu’il n’y avait plus de migrants. Ils ont continué à s’acharner sur la porte , sont entrés en force et ont emmené au commissariat les 5 activistes présents dans le hangar. Aucun document ne leur a été présenté.
Cet acharnement à vouloir défoncer, avant d'entrer, la porte qu'on leur ouvre est assez curieux de la part des forces de l'ordre...
Il faudrait sans doute leur expliquer le sens tout simple de l'expression "frapper avant d'entrer".
Monsieur Pierre de Bousquet de Florian, préfet du Pas-de-Calais, a estimé que la réouverture du hangar Cronstadt était "une pure provocation".
Cette "pure provocation", Haydée Sabéran, dans un second article pour LibéLille, la décrit:
Quelques heures plus tôt, le lieu était rempli de conversations et de musique : des danses kurdes, un coin cinéma, avec la projection du Ballon rouge d'Albert Lamorisse, et sous une tente de jardin un groupe autour d'un chauffage d'appoint. Il y avait du thé et du café, des militants No Border anglais, français, allemands, et une Finlandaise, et une cinquantaine de migrants, surtout kurdes et iraniens.
On comprend que monsieur le préfet se trouve provoqué: ce genre de réunion doit le mettre mal à l'aise...
Le motif invoqué par le préfet pour cette nouvelle décision de fermeture autoritaire du hangar Cronstadt est, bien sûr, l'arrêté pris tardivement par madame Bouchart, constatant l'"insalubrité" des lieux...
Les rues de Calais sont tellement plus salubres !
Et accueillantes !
Surtout pour les migrants...
(voir en Post Scriptum la lettre ouverte de la Coordination française pour le droit d'asile)
Vers 19h, la police est donc intervenue, et afin de ne pas repartir les mains vides, a embarqué les militants présents dans les lieux, "pour vérification d'identité".
Monsieur le préfet, très en verve ce soir-là, a lâché devant les journalistes:
«Tout s'est bien passé. Ils n'ont pas été tapés.»
Et pourquoi les aurait-on "tapés" ?
Au nom de quelle disposition réglementaire ?
Décidément, monsieur le préfet en dit trop et pas assez, et laisse la place à de fâcheuses interprétations...
PS: Dans mon billet d'hier, j'avais mis un lien vers cette lettre ouverte adressée à monsieur Besson par la Coordination française pour le droit d'asile (CFDA).
Je la relaye aujourd'hui, à l'attention de monsieur Pierre de Bousquet de Florian, pour information.
«Monsieur le ministre,
«La Coordination française pour le droit d'asile (CFDA) tient à vous faire part de sa plus profonde indignation quant aux pratiques des autorités françaises à l'égard des migrants du nord-ouest de la France et de son inquiétude quant aux conséquences de celles-ci sur leur intégrité physique et mentale.
«En septembre 2008, dans son rapport «La loi des ''jungles'' - La situation des exilés sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord -», la CFDA décrivait la situation précaire de ces personnes et faisait dix-neuf recommandations aux autorités françaises. Un an plus tard, vous avez voulu «démanteler» les "jungles" et la situation des migrants présents dans la région va en s’aggravant depuis cette opération, comme le constate lui-même le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, présent sur place pour venir en aide aux réfugiés.
«En effet, depuis de nombreuses semaines, les forces de police se rendent coupables d’atteintes sérieuses et graves à la dignité et à l’intégrité des migrants. Chaque jour, chaque nuit, en agissant sur ordre des autorités administratives françaises, elles empêchent les migrants, dont de nombreux mineurs, de dormir en les délogeant systématiquement des lieux où ils peuvent tenter de le faire, que ce soit des abris de fortune en pleine nature ou des tentes.
«Des témoignages concordants font état de pratiques consistant à déchirer les duvets des migrants, et ce alors même que le froid sévit. Cette pression constante, qui finit par priver ces personnes du besoin essentiel de repos et les expose sans protection à la rigueur du froid, aggrave leur situation déjà extrêmement difficile et n'a plus rien à voir avec une politique digne et respectueuse des êtres humains.
«L’action des associations est par ailleurs entravée. En effet, une partie du matériel de survie distribué aux migrants est régulièrement confisqué ou détruit par la police. Monsieur le ministre, vous connaissez la situation, vous avez validé les instructions données aux forces de police. Vous êtes responsable du drame humain quotidien qui en découle. Nul désormais parmi les autorités administratives ne peut l'ignorer.»
____
La Coordination française pour le droit d’asile rassemble les organisations suivantes : ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Act-Up Paris, Amnesty International France, APSR (Association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France), Association Primo Levi (soins et soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique), CAAR (Comité d’Aide aux Réfugiés), CAEIR (Comité d’aide exceptionnelle aux intellectuels réfugiés), CASP (Centre d’action sociale protestant), Cimade (Service oecuménique d’entraide), Comede (Comité médical pour les exilés), Dom’Asile, ELENA (Réseau d’avocats pour le droit d’asile), FASTI (Fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés), France Libertés, GAS (Groupe accueil solidarité), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), LDH (Ligue des droits de l’homme), Médecins du Monde, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), Secours Catholique (Caritas France), SNPM (Service National de la Pastorale des Migrants). La représentation du Haut Commissariat pour les Réfugiés en France et la Croix Rouge Française sont associées aux travaux de la CFDA.
3 commentaires:
Ben alors, camarade : on laisse l'Escalier en jachère ? Hop, au boulot, bourdel !
:-)
En friche, selon toute apparence...
Mais bientôt, le retour !
Cool !
(Et vive le stoffi ! (depuis le temps que j'en rêve…))
Enregistrer un commentaire