La lecture du témoignage d'Hélène, relayé hier, indiquait sans ambiguïté que son arrestation avait eu lieu dans le cadre de cette "enquête préliminaire portant sur une quarantaine de dégradations de distributeurs automatiques de billets (DAB) à Paris" qui avait été confiée à "la section antiterroriste (SAT) de la Brigade criminelle". L'annonce de cette mission en cours d'exécution par nos plus fins limiers avait été faite au début du procès des inculpés de Vincennes, tout en la reliant à l'inquiétante nébuleuse ultra-gauchiste.
On avait appris qu'au petit matin du 15 février plusieurs arrestations et perquisitions avaient eu lieu à Paris, orchestrées la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres.
Hélène a été la première à être libérée de garde à vue, et à sa sortie, elle a trouvé le courage - il faut le dire, parce que ce n'a pas dû être facile - de donner son témoignage...
Dans son billet de ce matin, Marie Barbier ajoute ceci:
Selon Marie-Cécile Pla du RESF, le seul crime d’Hélène est d’avoir la responsabilité du téléphone de veille du réseau, par lequel elle prévient les autres militants en cas de rafles de sans-papiers : « C’est juste une assistante sociale, gentille et non violente, qui n’a jamais fait plus que de crier dans une manif ».
Comme elle nous apprend aussi qu' "Hélène ne pourra pas récupérer son téléphone avant trois semaines", on se dit que, pour saisir un téléphone portable, la police, fût-elle anti-terroriste, pourrait se dispenser de soumettre quelqu'un à une séance de photos aussi humiliante que celle qui est décrite dans le témoignage d'Hélène:
"J’ai des marques reconnaissables sur le corps qu’ils ont prises en photos. Je leur ai expliqué que c’était une maladie génétique. Ils ont fait des commentaires se demandant si ce n’était pas contagieux."
(Cela se passe en France, le 15 février 2010 !)
Les sources policières, ou judiciaires, ou proches du dossier, je ne sais, ayant décidé de sourdre au goutte à goutte, on pouvait apprendre, en exclusivité sur France-Info:
Exclusif : gardes à vue pour des dizaines de distributeurs de billets vandalisés.
En lisant au-delà de ce titre, on pouvait se rendre compte qu'aucun distributeur de billet n'avait été placé en garde à vue, mais que:
Cinq personnes sont en garde à vue depuis lundi matin à Paris, suspectées d’avoir vandalisé des dizaines de distributeurs automatiques de billets dans la capitale. Ces actes viseraient à dénoncer l’attitude des banques vis-à-vis des sans-papiers.
L'auteur de cette brève, Franck Cognard, aurait pu préciser que sept ou huit personnes avaient été placées en garde à vue, lundi matin, dans le cadre de cette enquête, et que trois avaient été libérées, apparemment sans charges retenues. Mais il a préféré broder sur les grands thèmes du moment sécuritaire :
Il ne s’agit pas véritablement d’actions concertées, mais d’une sorte de mouvement qui s’étend, via des revendications sur des forums alternatifs ou liés à l’ultra-gauche, selon plusieurs sources.
A la mi-journée le même média annonçait, sous la signature de Mikaël Roparz, que "quatre hommes, soupçonnés d’avoir dégradé des distributeurs automatiques de billets à Paris" allaient "être déférés au parquet".
Mikaël Roparz, doué d'une excellente vue, nous faisait part de cette étonnante observation:
Visiblement, il s’agit de militants de l’ultra-gauche.
Le ci-devant "Comité Invisible" n'y serait donc pour rien.
A moins que.
(Composition suprématiste : carré blanc sur fond blanc ,1918).
Ces informations vont être reprise, avec une rédaction moins hâtive, par l'agence Reuters, citée dans le Monde.fr.
On y retrouve le résumé, déjà entendu sur France Info:
Ces quatre suspects, âgés de 24 à 30 ans, devaient être présentés à un magistrat dans la journée pour être mis en examen. Le parquet requiert leur remise en liberté sous contrôle judiciaire. Une information judiciaire pour "dégradations et destructions volontaires en réunion" sera ouverte.
Mais aussi cet utile élément d'information:
La section antiterroriste du parquet de Paris a d'abord saisi les enquêteurs spécialisés dans les faits terroristes de la brigade criminelle. Les faits ne seront finalement pas qualifiés de cette manière, mais considérés comme des dégradations de droit commun.
Ce qui est rendu visible dans cette déqualification des faits, qui permet de mettre en marche la machine anti-terroriste et d'utiliser les moyens d'investigation qu'elle autorise, et cela pour des "dégradations de droit commun", c'est peut-être que la dérive sécuritaire est menée désormais d'une manière tout à fait décomplexée.
Heureusement, dès demain matin, tous les démocrates convaincus qui tiennent boutique d'éditorialistes reviendront, je n'en doute pas, sur cette affaire de "terrorisation" des terroristes.
Qui n'en étaient pas.
PS1:
Dans la soirée d'hier, au métro Château-Rouge, devait avoir lieu un rassemblement en solidarité avec les personnes arrêtées.
On peut en trouver un compte-rendu alerte, rédigé "par un solidaire", sur le site d'IndyMédia Nantes.
PS2 (Ajout du 18/02) : Communiqué du RESF Paris Nord-Ouest.
Des gardes à vue arbitraires et humiliantes : la liberté de circulation est un droit fondamental !
Hélène, militante du Réseau Education sans Frontières dans le XVIIIe arrondissement de Paris a été interpellée à son domicile le lundi 15 février 2010 à 6 H du matin. Son appartement et sa cave ont été perquisitionnés, son ordinateur inspecté. Elle a ensuite été conduite par 5 policiers de la Brigade criminelle, munis de gilets pare-balles, au 36 quai des orfèvres où elle restée en garde à vue. Le tout a duré plus de 13 heures à l’issue de quoi son téléphone portable ne lui a pas été rendu.
Cette garde à vue a été particulièrement éprouvante pour elle, tant pour les conditions hygiéniques et sanitaires déplorables de ces locaux, qu’en raison de certaines réflexions désobligeantes sur les stigmates qu’elle porte sur son corps en raison d’une maladie génétique.
Les policiers l’ont interrogée sur son parcours depuis l’école élémentaire, son chat qui s’appelle Rosa Parks, son travail, ses opinions politiques, ses fréquentations, ses voyages à l’étranger, ses lectures subversives etc. Toutes ces questions n’avaient rien à voir avec le prétexte officiel de sa garde à vue : les mésaventures arrivées à quelques distributeurs automatiques de billets de banque.
En dehors de quelques questions précises liées à l’«affaire des distributeurs», les policiers l’ont interrogée sur ses opinions politiques et son engagement auprès des sans-papiers. Pourquoi ?
Parce que Hélène a constitué, sur son portable, une liste de plus d'une centaine de numéros de téléphone à prévenir par SMS en cas de rafles, c’est-à-dire «d’arrestations massives opérées par la police dans un quartier» (Petit Robert) visant les sans-papiers, par le biais de contrôles d’identité systématiquement opérés en raison du faciès non «gaulois» des individus qui circulent dans les rues de Paris.
Le but de ce «téléphone rafles» est d’alerter le maximum de personnes possible sur ces opérations discriminatoires, afin de se déplacer sur le lieu des interventions, de demander aux policiers la commission rogatoire qui fixe des limites précises à leur intervention, de prévenir les personnes sans-papiers qu’un contrôle d’identité est en cours et qu’elles risquent d’être contrôlées, d’observer le déroulement de ces «opérations», d’en témoigner et d’organiser rapidement la solidarité en cas d’arrestations.
Ces actions policières, menées de façon de plus en plus discrète à Paris (policiers en civil, camionnettes blanches banalisées, etc.), doivent en effet être rendues visibles pour ce qu’elles ont d'inacceptable: priver de liberté des hommes et des femmes parce qu’ils n’arrivent pas à obtenir les papiers que l’Etat leur impose d’avoir. La possibilité de libre circulation des individus reste à nos yeux un droit fondamental. Sur cette liste ont donc été enregistrés tous ceux qui le souhaitaient, parce qu’adhérant à ce principe de liberté de circulation des individus, qu'ils aient ou non le «droit» de séjourner en France.
Nous affirmons notre solidarité avec Hélène et avec toutes celles et ceux interpellés pour leur engagement dans la lutte contre la chasse aux personnes dites sans-papiers. Nous dénonçons les conditions d’arrestation et de garde à vue humiliantes et dégradantes auxquelles les personnes arrêtées sont ou ont été soumises. Et malgré les intimidations, nous poursuivrons notre engagement solidaire aux côtés des personnes dites sans-papiers.
RESF Paris-Nord-Ouest
Rien à ajouter: tout est dit. Et bien.
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