lundi 8 février 2010

Hangar du Nord

L’Etat empêche un nouveau Sangatte à Calais

IMMIGRATION. Le hangar investi par des militants autonomes pour accueillir des migrants a été évacué hier par les forces de l’ordre.

En découvrant ce titre dans Libération*, page 14, je ne puis qu'admirer l'exploit technologique des ingénieurs qui ont adapté les presses rotatives afin de leur permettre de mouliner si finement les légumes de la soupe médiatique.

Un beau profil de rédac'chef de Libé.

Plutôt que de chercher quel adjectif ("altermondialistes" ? "autonomes" ?) accoler aux militants No Border, nos plumitifs feraient mieux de rappeler que ces militants sont présents et actifs dans la région de Calais depuis (au moins) le camp organisé en juin 2009.

Dans cette ville, devenue emblématique de la politique de chasse permanente qui est menée contre les migrants déclarés "illégaux", les Noborders pouvaient disposer d'un hangar, anciennement affecté au stockage de matériel, situé au 14 de la rue de Cronstadt. Le bâtiment, jusqu'à preuve du contraire, a été loué par l'association "SôS Soutien ô Sans-Papiers" qui l'a mis à leur disposition.

Les esprits curieux pourront trouver l'annonce de cette signature de bail dans les archives de La Voix du Nord, et pourront trouver aussi que le président de "SôS Soutien ô Sans-Papiers" ne facilite guère la communication. Il est vrai que l'article est signé de l'excellentissime Laurent Renault, dont le talent a jadis été salué ici...

Cet article a l'avantage de citer quelques réactions bien tiédasses des responsables d'associations locales (Salam et Secours Catholique). On pourra le compléter, pour apprécier l'atmosphère calaisienne, en consultant le florilège des déclarations concocté par Zetkin, dans IndyMedia-Lille.

De leur côté, à la veille de l'ouverture de ce lieu, les militants déclaraient, dans un communiqué du 29 janvier:

Cet espace n’est pas un nouveau Sangatte, aucun aménagement de l’horreur subie quotidiennement par des milliers de personnes en quête de protection ou de survie ne saurait remédier au problème de la fermeture des frontières.

Les militants Noborder veulent faire du Hangar Kronstadt un espace d’autogestion, d’informations, de débats et de lutte pour la liberté de circulation et l’ouverture des frontières.


Ce que monsieur Besson traduira plus tard par "un lieu qui servirait de base arrière aux filières mafieuses de l'immigration clandestine à proximité du port de Calais".

A l'avant de la prétendue base arrière.

Guidés par une intuition professionnelle digne d'éloges, ou alertés par leurs relations des ministères, des journalistes étaient présents à Calais, et nous avons pu suivre, à partir de samedi soir, le déroulement des événements sur les journaux en ligne.

On trouve donc profusion d'informations sur le siège du hangar Kronstadt mené par les forces de l'ordre, et les manœuvres diverses autour de ce qui devient dans certains articles particulièrement inspirés (mais par qui ?) une "occupation" du hangar par des migrants "à l'appel de l'association altermondialiste No Border".

On voit qu'ils ont eu raison de venir sur place pour mieux comprendre...

Il semblerait qu'aucun des journalistes présents n'ait eu l'idée d'entrer pour voir, de l'intérieur, avec les gens vraiment concernés, comment s'est passée cette soirée d'ouverture du samedi, puisqu'on ne nous dit même pas si le concert prévu a pu se dérouler.

Vue imprenable sur les assiégeants.
(Photo Calais Migrant Solidarity)

Le dénouement prévisible s'est déroulé vers 16h 30, quand les policiers ont reçu l'ordre de pénétrer dans le hangar afin d'en évacuer les personnes présentes.

Selon l'AFP, largement recopiée par les gazettes:

Le quartier autour du hangar a été entièrement bouclé depuis 15h30 par une dizaine de camions de CRS venus en renfort du Touquet et qui se sont postés à chacune des trois rues qui permettent d'accéder au hangar, en interdisant l'accès aux migrants ainsi qu'à la presse.

Au moment de l'assaut, il restait tout au plus une vingtaine de personnes à l'intérieur...

L'AFP donne un bout de témoignage:

"Ils ont tout pété, ils sont rentrés de force. Il n'y avait plus de migrant à l'intérieur", a crié Hélène, une militante de No Border, encadrée par deux policiers qui l'évacuaient du local.

Et des précisions comme celle-ci, reprise également par les gazettes:

Avant que la jeune femme ne sorte avec les policiers, un grand bruit de verre cassé a retenti à l'extrémité de la rue où étaient massés les journalistes, ainsi qu'une vingtaine de migrants qui assistaient calmement à la scène.

On a beau chercher, mais aucune explication n'est donnée à ce "grand bruit de verre cassé", les journalistes de l'AFP ont de ces pudeurs...

Selon Reuters, monsieur Besson, qui est, on le sait, assez pudique, a cru devoir indiquer, lors d'un bref point de presse à Paris:

"Les CRS sont entrés de façon tonique dans le hangar."

Mais il a précisé:

"Il n'y a pas eu de problèmes, pas de blessé à ma connaissance."

Sa connaissance est assez sélective, si l'on se réfère aux témoignages des militants présents sur place.

Calais Migrant Solidarity signale dans son compte-rendu en anglais qu'un militant britannique a reçu dix points de suture à l'hôpital.

Et Zetkin signale, dans ses notes sur IndyMedia-Lille qu'"une bénévole âgée a eu le nez cassé par un coup de coude de CRS."

Mais monsieur Besson voulait probablement dire que, "à sa connaissance", aucun des toniques CRS n'avait été blessé dans cette périlleuse intervention contre des "militants violents d'extrême-gauche" (ce matin, au réveil, sur France-Inter).

Il semblait d'ailleurs très content d'avoir "empêché un nouveau Sangatte" à si peu de frais...



* Exemplaire papier du jour, disponible sur le ouaibe dans 24h. L'article est signé de Stéphanie Maurice, "notre correspondante à Lille", qui n'a peut-être pas droit de regard sur le titre et le chapeau...

2 commentaires:

Dorémi a dit…

Je me demandais, justement, si tu l'avais entendu, ce matin, sur Inter…
Et que penses-tu de cette formidable idée de parrainage républicain qu'il compte proposer à tout fraîchement naturalisé, sur la base du bénévolat du (des ?) parrain(s) ? C'est le Resf qui doit être content d'avoir inspiré cette idée…
Allez, pour la peine, un petit coup de Guillon pour la route : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/lhumeurde/index.php?id=88263
Bise, monsieur Guy.

Guy M. a dit…

Je n'ai pas tout écouté, je dois avouer (je fais beaucoup de bruit en me brossant les dents !)

J'ai été ébahi d'entendre l'idée du parrainage.

Pas gêné...

Bise, et bonne soirée.