dimanche 14 février 2010

Brigitte à la radio

Quand elle revient, c'est comme une vieille copine, d'un temps largement révolu, dont on était vaguement amoureux, et depuis longtemps perdue de vue.

On se réjouit de la retrouver de temps à autre, toujours aussi gamine insupportable, et même parfois assez poseuse...

Mais, puisqu'on finalement bien peu d'estime pour ceux ou celles qu'elle agace le plus, on est prêt à tout lui pardonner.

Et puis se glisse derrière l'oreille cette manière inoubliable de poser la voix sur les mots...

Et cela vous renvoie à ce temps où, déjà, "il y avait des millions de gens qui préparaient un suicide raté", et vous plonge dans cette intarissable nostalgie:





Ce sera tout à fait
Comme à la radio

Ce ne sera rien
Rien que de la musique

Ce ne sera rien
Rien que des mots
Des mots des mots

Comme à la radio
Ça ne dérangera pas
Ça n'empêchera pas de jouer aux cartes
Ça n'empêchera pas de dormir sur l'autoroute
Ça n'empêchera pas de parler d'argent

N'ayez pas peur
Ce sera tout à fait
Comme à la radio

Ce ne sera rien
Juste pour faire du bruit

Le silence est atroce
Quelque chose est atroce aussi

Entre les deux c'est la radio
Tout juste un peu de bruit
Pour combler le silence
Tout juste un peu de bruit

N'ayez pas peur
Ce sera tout à fait
Comme a là radio

A cette minute, des milliers de chats se feront écraser sur les routes
A cette minute, un médecin alcoolique jurera au dessus du corps d'une jeune fille et il dira "elle ne va pas me claquer entre les doigts la garce"
A cette minute, cinq vieilles dans un jardin public entameront la question de savoir s'il est moins vingt ou moins cinq
A cette minute des milliers et des milliers de gens penseront que la vie est horrible et ils pleureront
A cette minute, deux policiers entreront dans une ambulance et ils jetteront dans la rivière un jeune homme blessé à la tête
A cette minute un espagnol sera bien content d'avoir trouvé du travail

Il fait froid dans le monde
Ça commence à se savoir

Et il y a des incendies qui s'allument dans certains endroits parce qu'il fait trop froid

Traducteurs, traduisez

Mais n'ayez pas peur
On sait ce que c'est que la radio

Il ne peut rien s'y passer
Rien ne peut avoir d'importance
Ce n'est rien
Ce n'était rien

Juste pour faire du bruit
Juste de la musique
Juste des mots des mots

Des mots des mots

Tout juste un peu de bruit
Tout juste un peu de bruit
Comme à la radio






Précisions:

Brigitte Fontaine, "chanteuse culte" comme dit son éditeur, vient de publier Le bon peuple du sang chez Flammarion.

"Il y avait des millions de gens qui préparaient un suicide raté" est un constat d'époque que l'on peut lire dans le texte écrit par Brigitte Fontaine pour la pochette du 45 tours de Lettre à Monsieur le Chef de Gare de la Tour de Carol. On retrouve ce texte, en cherchant un peu, sur le site des disques Saravah.

Sur J'ai 26 ans, la voix de Brigitte Fontaine est accompagnée par la contrebasse de Malachi Favors (pas encore) Maghostu.

C'est le même Malachi Favors (plus tard) Maghostu qui lance et soutient la pulsation dans Comme à la radio, et, le moment venu, la traduction est assurée par une improvisation collective des musiciens de l'Art Ensemble of Chicago.

La photo qui marque ce moment a été prélevée chez Saravah; elle a peut-être été prise par D. R. (?) au théâtre du Vieux-Colombier, lors des spectacles donnés avec les musiciens de l'Art Ensemble en 1969.

Quant au tapis sonore sur lequel se pose la voix dans la Lettre à Monsieur le Chef de Gare de la Tour de Carol, je n'ai jamais cherché à savoir de quoi il était tissé, et par qui.

Faut-il toujours tout décortiquer ?

13 commentaires:

iGor a dit…

Des corps, mais pourquoi tiquer?

Serait-ce possible que le fond sonore soit le fait d'Areski et du Art Ensemble of Chicago (rien avoir avec les Chicago boys, bien au contraire...).
Références chez Discogs, un bon site de référence musicale:

http://www.discogs.com/Brigitte-Fontaine-Areski-avec-Art-Ensemble-Of-Chicago-Comme-La-Radio/master/47689

Mais c'est quoi sbordel? Tu parles d'une identité! Areski et Art Ensemble of Chic'machin? Eh, vos papiers, bandes de saltimbanques! ;-)

iGor a dit…

Je lis trop vite... mes plates excuses :)

Dorémi a dit…

J'aime bien la dame, ça oui. Ses prises de position, l'entendre chanter… mais je dois dire que j'ai vraiment du mal avec sa façon de parler, d'articuler…

Guy M. a dit…

@ iGor,

Oui, au fond, il sûrement Areski et l'Art Ensemble, mais il est possible que Jacques Higelin ait participé à cet accompagnement.

Il faudrait retrouver des témoins encore en état de témoigner.

@ Dorémi,

Je vois que tu es un peu comme moi... Ce qui est étrange, c'est que ce phrasé horripilant est justement celui qui rend son parlé-chanté si séduisant.

Dorémi a dit…

Justement, je ne reconnais pas son phrasé, à peine son timbre de voix, lorsqu'elle cause. Comment peut-elle avoir la voix et l'élocution si claires lorsqu'elle chante et si pâteuses lorsqu'elle cause ? Est-ce qu'elle cause comme ça en permanence ou est-ce réservé à la personne "publique" ?

Lucide a dit…

Pierre Barouh faisait aussi partie de la bande, à l'époque.

Guy M. a dit…

@ Dorémi,

Hors tempo, le phrasé s'empâte...

@ Lucide,

Oui, l'homme du "Chabadabada" avait fondé la maison de disque Saravah qui éditait tout ce beau monde.

Il faut rappeler le slogan de Saravah: "Il y a des années où l'on a envie de ne rien faire."

JBB a dit…

C'est marrant, je n'arrivais pas à l'écouter il y a quelques années. Comme Dorémi : elle m'horripilait complétement.

Mais vlan, j'apprécie de plus en plus. Peut-être parce que je prends de l'âge ? Ou - horreur… - parce qu'elle revient un brin à la mode ? En tout cas, je finis par prendre un vrai plaisir (pervers) à l'écouter.

Guy M. a dit…

Toi pervers à la mode ?

J'ai vu pire...

JBB a dit…

Pas de problème : je compte bien m'améliorer. Enfin : empirer encore…

Guy M. a dit…

Ça va saigner, alors.

Dorémi a dit…

Et hop !
http://www.liberation.fr/livres/0101619968-brigitte-fontaine-tireuse-d-elite
Jacquot est grand…

Guy M. a dit…

Pfff.... c'est rien que du copinage...

Mérité.