mardi 6 octobre 2009

Un impératif catégorique

S'il y a des gens qui attendent encore que monsieur Eric Besson, ministre-protecteur de notre identité nationale, joue franc-jeu, ils en seront encore pour leurs frais.

Alors que, ce lundi 5 octobre, trente trois organisations avaient signé, et transmis à la presse, un communiqué* dénonçant un projet de charter franco-britannique à destination de Kaboul, qui pourrait décoller ce mardi de Londres, pour faire escale dans aéroport français et y embarquer un groupe d'Afghans en situation dite irrégulière, le service de la communication du ministère affirmait "ne disposer d'aucune information en ce sens".

Ce n'est que dans la soirée que le Monde pouvait joindre le ministre et obtenir une réponse un peu plus développée:

Le ministre de l'immigration, Eric Besson, a déclaré au "Monde", lundi soir, que des vols seraient organisés "dans les jours qui viennent". Le chef de l'Etat a été "très catégorique (...) en affirmant que le démantèlement de la “jungle” de Calais devait s'accompagner de retours, sans quoi on ne s'en sortirait pas", a-t-il ajouté.

Laetitia Van Eeckhout, dans son article rappelle les précédentes opérations de ce type:

Depuis plusieurs années, les Afghans n'étaient expulsés que dans de rares cas individuels. Deux "vols groupés" avaient toutefois eu lieu en 2005. Et en novembre 2008, le gouvernement français avait tenté de s'associer aux Britanniques pour organiser une expulsion conjointe de ressortissants afghans. Mais il avait dû y renoncer, dans la mesure où "les conditions [n'étaient] pas réunies pour un retour, notamment du fait de la situation en Afghanistan, et au regard des critères utilisées par le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés". Le HCR avait en effet été sollicité pour donner son avis sur une liste de 43 personnes interpellées sur le littoral du nord de la France.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), saisie en urgence de plusieurs cas à cette époque, avait elle-même demandé à la France d'y renoncer.

A plusieurs reprises ces dernières semaines, le ministre Eric Besson a assuré que ne seraient pas reconduits en Afghanistan des personnes courant des risques de persécutions. Lundi soir, le HCR n'avait cependant toujours pas été sollicité, ni même informé d'un prochain vol.


Ce jeu de cache-cache, piteux et dérisoire, est assumé par monsieur Besson pour mener à bien une opération qui semble n'avoir pour intérêt premier que de satisfaire l'impératif catégorique du souverain issu du suffrage universel.

On nous laisse deviner de quoi il est si catégoriquement impératif de "se sortir", mais cela ne nous intéresse guère: si monsieur Sarkozy a mis le pied dedans, c'est son problème.

Notre problème est de nous opposer à ce charter de la honte en route vers un pays où depuis des décennies nos experts en géostratégie ont répandu la guerre.

Les bonnes volontés nordistes feront tout leur possible pour s'y opposer si l'escale française se fait à l'aéroport de Lille-Lesquin (convergence à 20h). Elles auront à jouer à cache-cache avec les forces de police, qui ne devraient pas faire comme si elles « ne disposaient d'aucune information en ce sens »: elles auront des ordres pour que l'ignominie programmée s'accomplisse.

Impérativement.



* Voici ce communiqué, avec la liste des organisations qui se sont honorées en le signant:

Un « charter » franco-britannique serait prévu pour le 6 octobre à destination de Kaboul. Alors que les conditions humanitaires et de sécurité ne cessent de se dégrader en Afghanistan, que les ONG comme le Secrétaire général des Nations unies se déclarent particulièrement préoccupés par la situation, la France et la Grande-Bretagne tentent, comme au mois de novembre 2008, une opération conjointe. L’Afghanistan est un pays en guerre. Il est inacceptable d’y renvoyer ceux qui s’en sont enfuis à la recherche d’une protection en Europe.

En France, le ministère de l’Immigration se moque des décisions des tribunaux de différentes régions qui ont remis en liberté 130 des 138 Afghans qui avaient été interpellés le 22 septembre, en vue de leur éloignement, lors de la « fermeture » spectaculaire de la plus grande « jungle » de Calais. Ces juridictions ont mis en évidence l’inanité de cette opération médiatique et ont rappelé le respect du droit et des libertés fondamentales des personnes. Plusieurs tribunaux administratifs ont par ailleurs annulé des arrêtés de reconduite à la frontière au motif du non-respect du droit de demander l’asile.

Le gouvernement n’en a cure et reste enfermé dans sa rhétorique de l’« appel d’air », selon laquelle Afghans, Erythréens, Irakiens, Iraniens, Soudanais, etc. ne viendraient pas en Europe pour sauver leur vie et leurs libertés, mais pour des raisons d’agrément et de confort : les rafles actuelles seraient supposées porter des messages dissuasifs dans les pays d’origine. C’est ainsi que sont pris en otages des Afghans du Calaisis pour tenter de dissuader leurs compatriotes victimes des violences au pays.

Les « opérations de nettoyage » se poursuivent et plus d’une cinquantaine d’Afghans ont été à nouveau placés en rétention la semaine dernière. Les « charters conjoints », qui sont contraires au principe d’interdiction des expulsions collectives, conduisent à des pratiques arbitraires, discriminatoires et inhumaines, au mépris des droits fondamentaux des personnes.

Nous appelons instamment les autorités françaises et britanniques à renoncer à tout projet d’expulsion vers l’Afghanistan et insistons sur la nécessaire mobilisation de tous pour empêcher cette expulsion collective qui mettrait sérieusement en danger la vie de ces exilés.


Nous réaffirmons qu’il est urgent de rendre son sens au droit d’asile en Europe en prévoyant un mécanisme permettant à tout réfugié de solliciter une protection dans le pays de son choix. En l’attente, la France peut, et doit, suspendre l’application du règlement de Dublin afin d’accueillir sur son sol les personnes qui continueront à fuir les conflits pour trouver refuge en Europe. Le 5 octobre 2009


Organisations signataires : ACAT France (Action des chrétiens contre la torture), ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), ANAFE (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers), APSR (Association d’Accueil aux médecins et Personnels de Santé Réfugiés en France), Association Primo Levi, Auberge des migrants (Calais), CAAR (Comité d’aide aux réfugiés – Bois-Colombes), Calais Migrant Solidarity, C’SUR (Calais), Cimade, Collectif Migrants (Dunkerque), Collectif Solidarité Migrants (Angres), Collectif de soutien des exilés (Paris), COMEDE (Comité médical d’aide aux exilés), ELENA (European Legal Network on Asylum), Emmaüs-France, Fédération de l’Entraide Protestante, Flandre Terre Solidaire, GAS (Groupe Accueil et Solidarité), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), Itinérance (Cherbourg), LDH (Ligue des droits de l’homme), MRAP (Mouvement contre la racisme et pour l’amitié entre les peuples), PCF (Parti communiste français), RESF (Réseau Education sans frontières), SAF (Syndicat des avocats de France), SALAM (Calais), SALAM (Dunkerque), Secours catholique, Syndicat de la magistrature (SM), Terre d’errance (Norrent-Fontes), Terre d’Errance (Steenvoorde), Toits du Monde (Orléans)

5 commentaires:

JBB a dit…

A ce niveau-là de dégueulasserie, ce n'est même plus que ça fait froid dans le dos : ça glace littéralement. Même pour un membre de l'UMP, Besson fait fort. Les transfuges, ce sont les pires…

Guy M. a dit…

Il ne lui reste pourtant plus rien à prouver dans le domaine, mais il continue.

Anonyme a dit…

Vos écrits ...toujours un plaisir que de les lire ...toujours en douceur et tellement profonds ...merci. signé : une algérienne d'Algérie qui (comme beaucoup) ne veut pas la quitter...contrairement à ce que prétendent les médias ...

Marianne a dit…

Les politiques , hélas , ne font qu'appliquer ce que demande la majorité des électeurs . Si tous les moyens de reconduite et rétention étaient mis dans une politique visant à aider les demandeurs d'asile à débuter une nouvelle vie ici ou ailleurs ,plutôt que de pactiser finances en mains avec les dirigeants les plus abominables de la planète pour qu'ils bafouent les droits de l'homme en amont à notre place , beaucoup de solutions seraient trouvées .

Guy M. a dit…

@ Anonyme,

Merci pour les compliments...

(Et bien sûr, les médias nous mentent.)

@ Marianne,

Beaucoup de solutions pourraient être mises en place, à moyens constants, comme on dit, pour le plus grand bien des deux parties.