L'histoire de ce qu'il est convenu d'appeler "l'éloignement" de Nanette Alanhi Bangofa nous est parvenue dans deux versions tellement dissemblables que nous en sommes réduit à invoquer le vieux principe assez mal défini de vraisemblance.
Mal défini, car "le vrai peut quelques fois n'être pas vraisemblable", pour reprendre la citation rebattue qui devrait figurer en bonne place dans le Manuel de l'identité nationale pour les nuls, en cours de préparation par une commission ad hoc du ministère idoine.
Nanette Alanhi Bangofa est une jeune fille de 19 ans, de nationalité congolaise (côté Brazzaville) qui a quitté le territoire français le 21 octobre dans des conditions qui demandent à être éclaircies, tant les explications qu'on en donne paraissent bien douteuses.
Nanette, dont le père est décédé, vivait avec sa mère à Paris, et avait été admise en première année de BTS de comptabilité et gestion au lycée Jules Siegfried, dans le 10ème arrondissement. C'était, selon son proviseur, une élève "très sérieuse, volontaire, assidue, travailleuse".
Majeure sans-papiers, alors que sa mère est en situation régulière avec une carte de séjour de dix ans, elle avait fait une demande d'asile. Elle avait essuyé un refus, et reçu une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) en date du 3 septembre 2009.
Au matin du 21 octobre, Nanette partait pour le lycée Jules Siegfried, comme d'habitude.
Au matin du 22 octobre, Nanette débarquait à l'aéroport de Brazzaville, en plein désarroi.
Du consulat de France à Brazzaville, Nanette, désemparée, a appelé sa mère.
Ce premier récit est d'une grande simplicité:
En se rendant au lycée, aux alentours de la gare du Nord, la jeune fille aurait été contrôlée, arrêtée, puis accompagnée à l'aéroport d'Orly pour être renvoyée à Brazzaville, via Casablanca.
Ce qui est invraisemblable, c'est que ce récit nous paraisse tout à fait vraisemblable, et cela nous en dit long sur l'état du pays où nous vivons... Nous voilà en effet prêts à trouver tout à fait crédible que la machine policière à expulser au nom de la loi puisse le faire au mépris de toute loi et de tout règlement...
Mais n'en sommes pas encore au stade de la résignation, nous avons encore des réserves d'indignation.
A l'appel du RESF, cent ou deux cents personnes ont accompagné la mère de Nanette devant la préfecture de police pour tenter d'obtenir des explications. Une délégation réduite, composée d’une adjointe au Maire de Paris et d’un enseignant du lycée Jules Siegfried, a été reçue par monsieur Nicolas Lerner, chef de cabinet du Préfet de Police, qui a exposé sa version des faits.
Ce second récit est également d'une grande simplicité:
Après avoir pris contact avec l'OFII (Office français de l'immigration et de l'intégration), Nanette Alanhi Bangofa aurait signé, le 1er octobre une demande d'aide au retour volontaire. Un billet d’avion pour Brazzaville et 300 euros d’aide au retour auraient été remis à la jeune fille, le mercredi 21 octobre, à l’aéroport d’Orly où elle se serait rendue librement.
Pour sa mère, ses professeurs et ses camarades de Jules Siegfried, cette version paraît tout à fait invraisemblable...
Pourtant la préfecture de police et l'OFII, devant la presse, ne sont pas avares de précisions et de détails concordants qui dans un récit créent les "effets de réel" assurant la vraisemblance.
Ici, madame Marie Lajus, chargée de communication de la Préfecture de police de Paris, précise que le rendez-vous était fixé "à 13h10, en face de la porte G" à Orly-Sud et ajoute "Pour l'anecdote (sic), son vol était annulé à cause d'une grève et elle a exigé qu'on lui trouve un autre avion, d'où son escale au Maroc."
Là, madame Nathalie Kouyatte, responsable de la communication de l'OFII, assure que "Son dossier était complet, on a le nom et l'adresse de personnes amenées à la soutenir et à l'accueillir au Congo, comme cela se fait à chaque fois. On fait toujours les choses bien. Il est possible qu'elle ait eu des pressions à cause de sa situation et qu'elle ait choisi de partir. Mais nous ne l'avons pas forcée, nous ne sommes pas la police", mais, avec cette dernière remarque, ne rassure pas...
Les deux chargées de communication n'ont pas œuvré en vain: les médias ont repris les deux versions, et classé l'affaire sur un point d'interrogation.
On ne va tout de même pas chercher à élucider toutes les misères du monde...
A peine a-t-on entendu passer dans la presse un écho du communiqué publié par le parti socialiste, signé de Pouria Amirshahi, Secrétaire National aux Droits de l’Homme et de Sandrine Mazetier, Secrétaire National à l’Immigration, apportant son soutien aux camarades et professeurs de Nanette, et demandant, avec eux, son retour en France dans les meilleurs délais.
Ce communiqué n'a évidemment pas échappé à l'œil gris de monsieur Eric Besson. On sait que cet œil possède l'acuité exceptionnelle de l'œil du coq gaulois...
Son ministère s'est donc chargé de publier une réponse qui confirme, sur le ton pète-sec habituel, la seconde version de l'histoire, et se termine par un coup d'ergot envoyé à titre personnel par monsieur Besson:
"Une nouvelle fois, le Parti socialiste se met à la remorque des associations les plus extrémistes dans leur lutte contre la maîtrise des flux migratoires, en véhiculant des informations erronées, sans même avoir pris la peine d’une quelconque vérification. Ce n’est plus seulement de l’angélisme. C’est de l’amateurisme et du mensonge.", a déclaré Eric BESSON.
Une association "des plus extrémistes" a répondu:
Reste la pauvre polémique déclenchée par le ministre de l’identité nationale qui assure que « le parti socialiste se met à la remorque des associations les plus extrémistes ». Si s’indigner du fait qu’une gamine de 19 ans se retrouve à Brazzaville sans même que sa mère soit informée, si dénoncer le sort fait aux réfugiés de Calais dont des centaines de policiers rasent les abris de fortune et que le ministre Besson condamne à errer ou à être expulsés vers leur pays en guerre, si se révolter du fait qu’il arrive que des nourrissons de quelques semaines se retrouvent dans les centres de rétention dont les nurseries font l’admiration du ministre, si et si… Si ne pas laisser faire est être extrémiste, le RESF et, croyons-nous, toutes ses composantes et tous ceux qui le soutiennent, sont fiers de l’être face à la politique de M. Besson.
Pour une fois, oui, je veux bien être fier de quelque chose...
PS: Le site des ami(e)s et soutiens de Nanette mérite une visite.
7 commentaires:
Malheureusement beaucoup de jeunes sont dans des situations pareilles ,ils vivent clandestinement car ,dans le cadre familial , pour les retraités surtout ,on accorde le regroupement familial que pour l'épouse...
Je connais bien le désarroi des mamans et la galère des jeunes.
Les cas de jeunes majeurs arrêtés sont de plus en plus nombreux...
Et il faut saluer la position "extrémiste" du RESF: ils sont ici chez eux.
Comment ce fait il qu'aucun journal ne publie un interview de cette jeune fille du Congo alors que les trois afghans passent dans tous les journaux ? juste pour savoir .
c'est une question (dont je n'ai pas la réponse) qui peut se poser...
Il y a probablement moins de correspondants de presse à Brazzaville qu'à Kaboul, mais aucun journaliste n'a pris la peine de joindre le consulat de France d'où Nanette a téléphoné le jeudi...
Merci pour votre article très complet.
Nous avons fixé au 05 Novembre son retour au sein du lycée.
Le comité de soutien à Nanette ALANHI BANGOFA
C'est vous qu'il faut remercier, savez-vous...
Que Nanette reprenne vite la place qui est la sienne: parmi vous.
Merci et bonsoir,
Nanette a contracté le paludisme. Son état de santé général s'est dégradé violemment.Une stabilisation à l'air de se faire jour.
Si quelqu'un dans la salle connait un bon médecin sur place ou a des contacts avec une ONG présente sur place nous sommes preneurs.
Merci à tous.
Le comité de soutien.
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