vendredi 22 octobre 2010

Pris en otage

Pour tenir la cadence, monsieur Éric Woerth a demandé aux sénateurs de recourir à la procédure de "vote unique". Pour ce faire, il s'est appuyé sur "l'article 44-3 de la Constitution [qui] permet au gouvernement de demander aux assemblées de se prononcer par un vote unique sur les amendements qu'il a acceptés". Un spécialiste de Droit constitutionnel, si j'en connaissais un, pourrait sans doute m'expliquer en quoi cet article est indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie parlementaire...

Ce matin, au réveil, j'ai pu entendre un journaliste de France Inter parler, non pas de "vote unique", mais de "vote bloqué". Je ne veux pas le dénoncer davantage, mais j'espère que la cellule de veille lexicale de Radio-France aura averti monsieur Philippe Val, et que celui-ci convoquera ce spiqueur pour lui faire savoir qu'il n'a pas été placé à cette heure matinale de la grille pour faire des jeux de mots antigouvernementaux ou antisarkozistes. Actuellement, et pour un certain temps encore, les mots "bloc", "bloqué" et "blocage" doivent renvoyer, dans les médias "propres et honnêtes", aux horreurs perpétrées par les ennemis de la démocratie. Monsieur Val pourra ajouter que, si son subordonné collaborateur tient à ses jeux de langage, il peut toujours faire rimer "blocage" avec "prise d'otage".

L'exemple vient du plus haut qui se puisse imaginer, le chef de l'État lui-même.

Voici ses propos, bruts de décoffrage, tenus hier à Bonneval (Eure-et-Loir), que le très stylé Figaro a transcrit :

Sur un ton ferme, le président a également dénoncé les blocages qui perturbent le pays. «On n'a pas le droit de prendre en otage des gens qui n'y sont pour rien», a vitupéré Nicolas Sarkozy. Et le président d'insister : «En prenant en otage l'économie, les entreprises et la vie quotidienne des Français, on va détruire des emplois. L'entreprise qui n'aura plus de fioul, qui n'aura plus de bitume alors qu'elle travaille dans les travaux publics, qui ne pourra plus avoir ses livraisons, elle va fermer. Et c'est encore une fois les petits qui vont trinquer pour les autres!»

Camion-toupie à colorier, en attendant.
(Vous trouverez d'autres coloriages
sur le site www.jedessine.com)

La thématique de la prise d'otage a toujours été et reste d'une affligeante médiocrité, tout juste digne, en effet, d'émouvoir un entrepreneur du BTP en attente de livraison. Cependant, malgré les nombreux témoignages dont nous disposons sur cette situation très particulière de privation de liberté qui est celle d'un(e) otage, elle est toujours utilisée avec autant de succès.

L'analogie est pourtant très faible.

Il me semble que, s'il y a un parallèle à établir avec notre quiète vie quotidienne, il faudrait plutôt le chercher dans certaines circonstances contraignantes de la routine du travail. Là dessus, nous disposons également de nombreux témoignages...

Que dire alors de la situation du travailleur obligé par la force de se soumettre à une réquisition ?

Qu'il est "otage" d'une certaine idée de la "démocratie" ?

Tiens, un vieux souvenir ou une prémonition...


PS: Avant de partir sur les routes pour une nouvelle tentative d'épuisement des réserves nationales de carburant, j'ai encore le temps de vous indiquer l'adresse de l'Intersyndicale C.G.T. / C.F.D.T de Grandpuits, qui lance un appel à la solidarité.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je me demande de nos jours, ce qu'est devenue la vraie valeur d'une démocratie. Peut être que le peuple est devenu un peu trop laxiste envers les dirigeants ou alors il est trop préoccupé à assouvir ses besoins, ou peut être les deux, et les dirigeants actuels ne se soucient plus du tout du peuple, ce qui devrait être la base même de cette fameuse démocratie .

Guy M. a dit…

"Représentant du peuple", ou simplement "élu" (ce qui n'est déjà plus la même chose), est devenu un métier, et un métier aussi peu reluisant que beaucoup d'autres. Cela donne des professionnels comme monsieur E. Woerth, et tant d'autres.