vendredi 8 octobre 2010

Photos explicites

La Mairie de Paris a répondu au quotidien Libération, qui l'avait interpellée au sujet de l'interdiction aux mineurs de l'exposition Larry Clark au Musée d'Art Moderne.

Elle reproche à Libération de n’avoir pas «permis à ses lecteurs de mesurer» cette décision car le quotidien a publié «des photos de Larry Clark qui ne font pas partie des plus sensibles. Face à un tel procédé, on peut se demander où sont les Tartuffe», dit-elle.

On voit que le débat est vif, animé, d'un haut niveau, mais reste correct: "Tartuffe" n'est pas explicitement un nom d'oiseau.

Nous irons voir ce que Libé nous a caché que nous ne saurions voir...

Libération est très fier d'avoir publié en Une
"une photo extrêmement explicite de Larry Clark".

Sur le fond, et en passant au dessus des gesticulations de notre quotidien matinal qui se voudrait de référence, il est intéressant de lire la lettre ouverte que l'Observatoire de la liberté de création a dressé au maire de Paris et au directeur du musée.

Copicollons:

Lettre ouverte de l'Observatoire de la liberté de création à Bertrand Delanoë, Maire de Paris et à Fabrice Hergott, Directeur du Musée d’Art moderne de Paris :
Paris, le 5 octobre 2010

Monsieur le Maire, Monsieur le directeur du Musée d'art moderne de la Ville de Paris,


Vous avez pris, au prétexte que la loi aurait changé en 2007, ce qui est faux pour le sujet qui nous préoccupe, une décision bien regrettable. En interdisant l’exposition de Larry Clark aux moins de 18 ans, alors que ses photographies ont déjà été montrées à la Maison Européenne de la Photographie il y a trois ans, et alors que, depuis, rien n’a changé dans la loi, contrairement à ce que vous affirmez, pour les expositions, vous adressez un signal régressif et rétrograde, non seulement au monde de l’art, mais au public, ce peuple que vous prétendez protéger.


Doit-on vous rappeler, Monsieur le Maire, que votre parti a voté cette loi largement défendue par les députés socialistes, non en 2007, mais en 1994 ? Que cette loi que vous prétendez découvrir aujourd’hui, Monsieur le Directeur, l’Observatoire de la liberté de création la dénonce comme liberticide depuis des années dès lors qu’elle permet la poursuite pénale des œuvres de l’esprit ? Ces fameux articles 227-23 et 224-24 ont permis la plainte de la Mouette contre l’exposition Présumé Innocent dès 2000, mais faut-il vous rappeler que cette procédure unanimement critiquée a abouti pour l’instant à un non lieu ? Et qu’aucune procédure contre les œuvres fondées sur ces articles, grâce au fait que nos juges se révèlent jusqu’à ce jour des défenseurs, eux, de la liberté de création, et du droit du public à accéder aux œuvres, n’a finalement abouti ?


En interdisant l’exposition de Larry Clark aux moins de 18 ans, que prétendez vous faire ? Donner raison à cette loi que vous prétendez dénoncer ? Faire mieux que la Mouette qui prétend protéger les enfants, que l’Agrif qui prétend protéger les catholiques, ou que Promouvoir qui défend l’identité française ?


Ces articles de loi que vous appliquez aujourd’hui aveuglément constituent en délit la diffusion à des mineurs de messages pornographiques. Ainsi, vous osez désigner comme pornographiques des images qui représentent la sexualité de jeunes gens, commettant un contresens sur les œuvres que vous avez pourtant décidé de montrer. En ravalant Larry Clark au rang de vulgaire pornographe, vous desservez l’artiste que vous exposez, et déniez au public le droit de se faire sa propre opinion sur les œuvres. Plus précisément, vous excluez les adolescents de toute possibilité d’approche de photographies qui explorent des territoires, souvent difficiles, qui les concernent directement. Vous jugez en lieu et place des citoyens, ce qui est l’attitude contestable de tous les censeurs.


Cette loi que vous utilisez comme prétexte est une loi pénale : vous l’avez transformée, ce qui est le rêve de tous les réactionnaires, en loi de censure préalable. Permettez-nous de vous rappeler que les poursuites pénales contre l’exposition Présumés Innocents à Bordeaux n’ont pas empêché son bon déroulement, et que cette exposition a eu lieu sans censure du maire Alain Juppé.


Vous venez donc de commettre, Monsieur le Maire, Monsieur le directeur du Musée d'art moderne de la Ville de Paris, une double faute politique : censurer, et travestir la réalité pour vous justifier.


Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.


Bien cordialement,


Agnès Tricoire

Déléguée de l’Observatoire de la liberté de création


Voilà que me semble tout à fait explicite.

3 commentaires:

Marianne a dit…

Doit on se réjouir d'un simulacre de censure puisque "l'oeuvre " est disponible sur internet et en partie sur Libé. Pour fréquenter les expositions , je rencontre peu d'ados mais souvent des bébés sur le ventres des pères et méres .
Faudra- t-il laisser le bébé au vestiaire pour les parents qui souhaiteront voir cette expo ?
A moindre frais cette exposition c'est fait une belle pub sans bouger le petit doigt .
J'attends de voir un rassemblement de mineurs réclamant l'entrèe de cet événement pour croire à cette histoire .

Chomp' a dit…

Les vrais "décomplexés" (ceux qui osent tout...) n'auront aucun scrupule à fayoter AUSSI avec les ligues de vertu.

Publicitaire ou pas, cette interdiction semble bien, en effet, conçue pour complaire à une population qui n'a absolument AUCUNE idée de ce que la jeunesse fout vraiment sur la toile ...

J'ai pu voir en trois clics au moins une partie ce que l'expo refuse aux mineurs.

Ça me conforte dans l'idée qu'il s'agit bien de manipuler les gens par le fantasme et l'ignorance ...

M'enfin, bon. Ça meuble.

Guy M. a dit…

@ Marianne,

En aménageant les consignes, on devrait pouvoir y stocker les bébés...

Côté pub, il me semble que le photographe était plutôt furieux.

@ Chomp',

Je n'ai encore vu l'expo (j'irai dans quelques semaines), mais les quelques photos accessibles me semblent infiniment moins dangereuses pour la jeunesse fragile que la pornographie courante accessible sur la toile.